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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

​​​​​​​Alors que le débat fait rage sur les herbicides à base de glyphosate, les agriculteurs les pulvérisent partout dans le monde

31 Juillet 2021 Publié dans #Glyphosate (Roundup)

Alors que le débat fait rage sur les herbicides à base de glyphosate, les agriculteurs les pulvérisent partout dans le monde

 

Marion Werner, Annie Shattuck et Ryan Galt*

 

 

 

 

Il arrive que The Conversation publie des bouses. En voici une... rien que le titre. Nous la traduisons, d'une part, pour l'édification des foules sur ce que peuvent produire des universitaires se prévalant de leur affiliation (ici des professeurs de... géographie...), mais surtout affligés de gros conflits d'intérêts intellectuels et, d'autre part, pour servir de référence à une réponse de M. Cameron English (American Council on Science and Health).

 

 

Alors que l'Amérique du Nord entre dans sa pleine saison de végétation estivale, les jardiniers amateurs plantent et désherbent, et les jardiniers professionnels tondent les parcs et les terrains de jeu. Beaucoup utilisent le désherbant populaire Roundup, largement disponible dans des magasins comme Home Depot et Target.

 

Ces deux dernières années, trois jurys américains ont rendu des verdicts de plusieurs millions de dollars en faveur de plaignants qui affirmaient que le glyphosate, l'ingrédient actif du Roundup, leur avait causé un lymphome non hodgkinien, un cancer du système immunitaire. Bayer, une entreprise chimique allemande, a racheté l'inventeur du Roundup, Monsanto, en 2018 et a hérité de quelque 125.000 procès en cours, dont elle a réglé tous les cas sauf environ 30.000. L'entreprise envisage maintenant de mettre fin aux ventes au détail de Roundup aux États-Unis pour réduire le risque de nouvelles poursuites de la part des utilisateurs résidentiels, qui ont été la principale source de recours juridiques.

 

En tant que chercheurs qui étudient le commerce mondial, les systèmes alimentaires et leurs effets sur l'environnement, nous voyons une histoire plus vaste : le glyphosate générique est omniprésent dans le monde. Les agriculteurs l'utilisent sur la majorité des champs agricoles du monde. Les humains pulvérisent suffisamment de glyphosate pour recouvrir chaque acre de terre agricole dans le monde d'une demi-livre de ce produit chaque année [560 grammes/hectare].

 

Le glyphosate est maintenant présent chez les humains, mais les scientifiques débattent encore de ses effets sur la santé. Une chose est claire, cependant : comme il s'agit d'un herbicide efficace et très bon marché, il est devenu omniprésent.

 

Les recherches sur les effets possibles du glyphosate sur la santé humaine ne sont pas concluantes, mais son utilisation massive dans le monde entier suscite de plus en plus d'inquiétudes.

 

 

Comment le glyphosate est devenu mondial

 

Lorsque le glyphosate a été commercialisé sous la marque Roundup en 1974, il était largement considéré comme sûr. Les scientifiques de Monsanto affirmaient qu'il n'était pas dangereux pour l'homme ou d'autres organismes non ciblés et qu'il ne persistait pas dans le sol et l'eau. Des examens scientifiques ont déterminé qu'il ne s'accumulait pas dans les tissus animaux.

 

Le glyphosate a tué plus d'espèces de mauvaises herbes ciblées que tout autre herbicide avant ou depuis. Les agriculteurs ont commencé à le pulvériser sur les champs pour préparer le prochain cycle de culture.

 

Dans les années 1990, Monsanto a commencé à conditionner le glyphosate avec des cultures génétiquement modifiées pour y être résistantes, notamment le maïs, le soja, le cotonnier et le canola. Les agriculteurs qui utilisaient ces semences « Roundup Ready » pouvaient appliquer un seul herbicide pour lutter contre les mauvaises herbes pendant la saison de végétation, ce qui leur permettait de gagner du temps et de simplifier les décisions de production. Le Roundup est devenu l'herbicide le plus vendu et le plus rentable jamais apparu sur le marché mondial.

 

À la fin des années 1990, lorsque les derniers brevets portant sur le glyphosate ont expiré, l'industrie des pesticides génériques a commencé à proposer des versions à bas prix. En Argentine, par exemple, les prix sont passés de 40 dollars le litre dans les années 1980 à 3 dollars en 2000.

 

Au milieu des années 1990, la Chine a commencé à fabriquer des pesticides. La faiblesse des réglementations en matière d'environnement, de sécurité et de santé, ainsi que les politiques de promotion énergiques ont initialement rendu le glyphosate chinois très bon marché.

 

 

Un employé range des boîtes de produits chimiques agricoles dans un entrepôt de Anhui Fengle Agrochemical Co. le 26 février 2021 à Hefei, en Chine (Ruan Xuefeng/VCG via Getty Images).

 

 

La Chine domine toujours l'industrie des pesticides – elle a exporté 46 % de tous les herbicides dans le monde en 2018 – mais désormais d'autres pays se lancent dans l'activité, notamment la Malaisie et l'Inde. Les pesticides circulaient autrefois de l'Europe et de l'Amérique du Nord vers les Nations en développement, mais aujourd'hui, les pays en développement exportent de nombreux pesticides vers les Nations riches. Plus d'usines de pesticides dans plus d'endroits conduit à une offre excédentaire et à des prix encore plus bas, avec des implications critiques pour la santé humaine et l'environnement.

 

 

Controverses sur la santé

 

Grâce à une fabrication mondialisée et bon marché, le glyphosate est devenu omniprésent sur les terres agricoles du monde entier – et dans le corps humain. Des chercheurs l'ont détecté dans l'urine d'enfants de villages reculés du Laos et de bébés de New York et de Seattle.

 

La question de savoir si le glyphosate provoque le cancer chez l'homme a fait l'objet de vifs débats. En 2015, le Centre International de Recherche sur le Cancer, une agence de l'Organisation Mondiale de la Santé, l'a classé comme cancérogène probable pour l'homme, sur la base de preuves « limitées » de cancer chez l'homme à partir d'expositions réelles et de preuves « suffisantes » de cancer chez les animaux de laboratoire.

 

Des questions se posent également sur les liens possibles entre le glyphosate et d'autres problèmes de santé humaine. Une étude réalisée en 2019 a révélé que les enfants dont les mères avaient été exposées au glyphosate pendant la période prénatale présentaient un risque nettement plus élevé de troubles du spectre autistique qu'une population témoin.

 

Des études ont révélé que le glyphosate provoque des dommages au foie et aux reins chez les rats et modifie les microbiomes intestinaux des abeilles domestiques. Des souris exposées à ce produit ont présenté une augmentation des maladies, de l'obésité et des anomalies congénitales trois générations après l'exposition. Bien que le glyphosate se décompose relativement vite dans l'environnement, il est présent dans les systèmes aquatiques à un volume suffisamment important pour être détecté dans les échantillons de sang des lamantins de Floride.

 

Toutefois, l'Agence Américaine de Protection de l'Environnement et l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments affirment qu'il est peu probable que le glyphosate provoque le cancer chez l'homme et qu'il ne menace pas la santé humaine lorsqu'il est utilisé conformément aux instructions du fabricant.

 

 

 

 

Un défi pour les régulateurs

 

Dans les années 1990 et au début des années 2000, la communauté mondiale a adopté plusieurs accords novateurs visant à restreindre ou à surveiller la vente et l'utilisation de pesticides dangereux. Ces accords – les conventions de Stockholm et de Rotterdam – visent les composés qui présentent une toxicité aiguë ou qui persistent dans l'environnement et s'accumulent chez les animaux, y compris les humains. Le glyphosate ne semble pas répondre à ces critères, mais les humains peuvent y être davantage exposés en raison de son omniprésence dans le sol et l'eau et dans les aliments.

 

Aujourd'hui, une poignée de pays, dont le Luxembourg et le Mexique, ont interdit ou restreint l'utilisation du glyphosate, en invoquant des problèmes de santé. Dans la plupart des pays, cependant, il reste légal avec peu de restrictions.

 

Il est peu probable que les scientifiques parviennent bientôt à un consensus sur les effets du glyphosate sur la santé et l'environnement. Mais cela a également été le cas pour d'autres pesticides.

 

Par exemple, le DDT – qui est toujours utilisé dans les pays en développement pour lutter contre les moustiques qui propagent le paludisme et d'autres maladies – a été interdit aux États-Unis en 1972 en raison de ses effets sur la faune et de ses dangers potentiels pour les humains. Mais on ne pensait pas qu'il causait le cancer chez l'homme jusqu'en 2015, lorsque des scientifiques ont analysé les données de femmes dont les mères avaient été exposées au DDT pendant leur grossesse dans les années 1960, et ont constaté que ces femmes étaient plus de quatre fois plus susceptibles de développer un cancer du sein que les autres qui n'avaient pas été exposées. Cette étude a été publiée 65 ans après le premier témoignage au Congrès sur les effets du DDT sur la santé humaine.

 

En 1946, des responsables de la santé qui croyaient à tort que la polio était transmise par les insectes ont ordonné la pulvérisation généralisée de DDT à San Antonio, au Texas, des décennies avant que les effets du pesticide sur la santé et l'environnement ne soient compris.

 

 

La science peut prendre beaucoup de temps pour parvenir à des résultats concluants. Étant donné l'ampleur de l'utilisation actuelle du glyphosate, nous pensons que s'il s'avère définitivement qu'il nuit à la santé humaine, ses effets seront étendus, difficiles à isoler et extrêmement difficiles à réglementer.

 

Et il pourrait être difficile de trouver une solution miracle bon marché pour le remplacer en toute sécurité. De nombreux substituts sur le marché aujourd'hui présentent une toxicité plus aiguë. Néanmoins, il est nécessaire de trouver de meilleures options, car les mauvaises herbes développent une résistance au glyphosate.

 

Selon nous, les inquiétudes croissantes quant à l'efficacité du glyphosate et à ses éventuels effets sur la santé devraient accélérer la recherche de solutions alternatives au désherbage chimique. Si le secteur public ne soutient pas davantage ces efforts, les agriculteurs se tourneront vers des herbicides plus toxiques. Le glyphosate semble bon marché aujourd'hui, mais son coût réel pourrait s'avérer beaucoup plus élevé.

 

___________

 

Marion Werner, Professeur associé de géographie, Université de Buffalo. Marion Werner reçoit des financements de la US National Science Foundation.

 

Annie Shattuck, Professeur adjoint de géographie, Université de l'Indiana. Annie Shattuck fait actuellement partie du conseil consultatif mondial de l'Agroecology Fund, un fonds multi-donateurs qui soutient les pratiques et les politiques agroécologiques dans le monde entier. Elle a déjà reçu des fonds de la US National Science Foundation.

 

Ryan Galt, Professeur de géographie, Université de Californie, Davis. Ryan Galt reçoit des fonds de la US National Science Foundation et de la John D. and Catherine T. MacArthur Foundation.

 

Cet article a été mis à jour pour supprimer une référence à la détection de glyphosate dans le lait maternel, qui était basée sur une étude qui n'a pas été revue par des pairs.

 

Source : While debate rages over glyphosate-based herbicides, farmers are spraying them all over the world (theconversation.com)

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M
Le coup du glyphosate à l'origine de l'autisme est collector.<br /> J'avais déjà rigolé en la lisant quand elle est sortie.<br /> Je pense que celle sur le DDT et le cancer du sein ne vaut pas un clou non plus.
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H
Pour avoir vu il y a des années un jeune voisin s'acharner à pulvériser de hautes doses de glyphosate sur des grandes herbes sèches en ignorant à la fois que le glyphosate ne fonctionne que sur du "vert" et que cela ne réduit pas en poussière des herbes sèches, j'ai été longtemps dubitative sur le glyphosate en vente libre. Et j'apprécie que dans le monde agricole où je vis, l'achat et l'usage de produits phyto soit subordonné à une formation de plusieurs jours suivie d'un examen où il y a tout de même 25% de recalés. Cependant l'interdiction du glyphosate pour les particuliers a sans doute déjà eu des conséquences dramatiques pour l'environnement même si l'écologie bien pensante ne veut pas les voir : -multiplication des usages artisanaux de produits en vente libre souvent hautement polluant, je ne parle pas du vinaigre ou du sel, mais de bien plus grave ; -bétonnage et bitumage croissant dans les zones pavillonnaires pour pallier à d'ultérieurs problèmes de désherbage ; -usage intensif et très régulier, parfois des heures durant des chalumeaux désherbeurs, source de C02 là où une ou deux applications rapides d'une faible dose de glyphosate suffisait à l'année. Encore bravo les écolos !
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