Pollution de l'air et mortalité : encore un décryptage de M. Philippe Stoop sur Atlantico
Glané sur la toile 671
a. Cartes des émissions de particules fines d'origine agricole, modélisées par Domingo et al.
b. Carte des concentrations de PM2,5 dans l'air (Source : NASA - New Map Offers a Global View of Health-Sapping Air Pollution
c. Carte de la mortalité (valeur absolue et tendance) par comté (les comtés rouge et orange vif ont une mortalité à la fois forte et stable sur la période 2008-2016, alors que les comtés noirs et violets avaient déjà une mortalité plus faible en début de période, qui a encore diminué depuis (source: Identifying County-Level All-Cause Mortality Rate Trajectories and Their Spatial Distribution Across the United States (cdc.gov)
Le 11 mai 2021, nous avions publié « 400.000 morts par an en Europe à cause de la pollution de l’air ? De petits éclaircissements de M. Philippe Stoop sur Atlantico ».
L'actualité scientifique commandant, voici un nouvel décryptage de M. Philippe Stoop, toujours sur Atlantico : « Plus de morts liés à la pollution de l’air causée par les fermes que par les centrales à charbon ? Retour sur des données américaines choc ».
En chapô :
« Selon des recherches américaines, les émissions de l’agriculture seraient si importantes qu’elles représenteraient autant de décès annuels que la pollution des centrales à charbon. Et pourtant, elles sont peu prises en compte dans les politiques de réduction des émissions. »
Cela se rapporte à un article publié dans PNAS, « Air quality–related health damages of food* » (dommages de l'alimentation liés à la qualité de l'air) de Nina G. G. Domingo et al. On peut trouver le titre un peu curieux... peut-être faudra-t-il s'abstenir de manger pour ne pas mourir de maladie pulmonaire...
L'analyse de M. Philippe Stoop est très détaillée. Nous vous livrerons ici l'entrée en matière et la conclusion :
« Le fait que l’agriculture émette des particules fines et des gaz à effet de serre (GES), tout comme l’industrie, n’a rien d’un scoop. Ce qui est nouveau dans cette publication, c’est que les auteurs ont cherché à quantifier l’effet que ces polluants d’origine/agricole sur la mortalité aux USA. Mais ils ont employé pour cela une démarche très aventureuse, et très mal justifiée scientifiquement.
[…]
Par contre, toute la partie portant sur le calcul du nombre de victimes de ces GES est d’une telle faiblesse méthodologique, qu’elle ne peut être prise en compte en l’état. Pour que l’on commence à y croire sérieusement, il faudrait déjà démontrer que l’ammoniaque émis dans les zones rurales n’y a pas d’effet sanitaire, mais augmente la concentration des particules fines présentes dans les villes et régions industrielles. Sinon, les cartes d’émission publiées dans cette publication contredisent le dogme de l’OMS sur la mortalité due aux particules fines, au lieu de le confirmer. »
S'il y a un point que nous retiendrons de cette étude, c'est le nombre à notre sens très faible des morts attribués à la production de nourriture.
Oh, et puis la mortalité liée aux PM2,5 et due à la production alimentaire pourrait baisser de plus de 100 % si on agissait au niveau à la fois de la ferme et du régime alimentaire. Enfin, si nous avons bien compris !
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* Voici le résumé de l'étude (découpé) :
« Signification
La mauvaise qualité de l'air est le plus grand risque environnemental pour la santé aux États-Unis et dans le monde, et l'agriculture est une source majeure de pollution atmosphérique. Pourtant, la qualité de l'air a été largement absente des discussions sur les impacts sanitaires et environnementaux de l'alimentation.
Nous estimons les effets de l'agriculture sur la santé liés à la qualité de l'air aux États-Unis et constatons que 80 % des 15.900 décès annuels dus à la pollution par les particules fines (PM2,5) liés à l'alimentation sont attribuables aux aliments d'origine animale. En estimant ces impacts et en explorant les moyens de les réduire, ce travail comble une lacune critique dans les connaissances.
Nos résultats sont pertinents pour les producteurs, les transformateurs et les distributeurs d'aliments, ainsi que pour les décideurs et les membres du public qui souhaitent minimiser les conséquences négatives des aliments.
Résumé
L'agriculture est un contributeur majeur à la pollution atmosphérique, le plus grand facteur de risque environnemental de mortalité aux États-Unis et dans le monde. Cependant, on ne sait pas vraiment comment les divers aliments individuels ou les régimes alimentaires entiers affectent la santé humaine par la mauvaise qualité de l'air.
Nous montrons comment la production alimentaire a un impact négatif sur la santé humaine en augmentant les particules fines (PM2,5) dans l'atmosphère, et nous identifions des moyens de réduire ces impacts négatifs de l'agriculture. Nous quantifions les dommages sanitaires liés à la qualité de l'air et attribuables à 95 produits agricoles et 67 produits alimentaires finaux, qui représentent plus de 99 % de la production agricole aux États-Unis.
La production agricole aux États-Unis entraîne 17.900 décès annuels liés à la qualité de l'air, dont 15.900 sont dus à la production alimentaire. Parmi ceux-ci, 80 % sont attribuables aux aliments d'origine animale, à la fois directement liés à la production animale et indirectement à la culture d'aliments pour animaux.
Les interventions à la ferme peuvent réduire de 50 % la mortalité liée aux PM2,5, notamment en améliorant la gestion des effluents d'élevage et les pratiques d'application des engrais qui réduisent les émissions d'ammoniac, un précurseur secondaire des PM2,5, et en améliorant les pratiques de culture et de production animale qui réduisent les émissions primaires de PM2,5 provenant du travail du sol, du brûlage des champs, de la poussière du bétail et des machines.
L'évolution du régime alimentaire vers une alimentation plus végétale qui maintient l'apport en protéines et les autres besoins nutritionnels pourrait réduire de 68 à 83 % la mortalité liée à la qualité de l'air agricole.
En résumé, l'amélioration des pratiques d'élevage et de fertilisation, ainsi que les changements de régime alimentaire, pourraient considérablement réduire les effets de l'agriculture sur la santé en raison de sa contribution à la réduction de la qualité de l'air. »