Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Les agriculteurs africains sont confrontés à de nouvelles menaces alors que les parasites envahissants prolifèrent sur une planète qui se réchauffe

2 Juin 2021 , Rédigé par Seppi Publié dans #Afrique

Les agriculteurs africains sont confrontés à de nouvelles menaces alors que les parasites envahissants prolifèrent sur une planète qui se réchauffe

 

Busani Bafana*

 

 

Image : Mme Pelegrina Msingwini, agricultrice zimbabwéenne, vérifie un piège à mouches des fruits dans son verger de mangues. Photo/Busani Bafana

 

 

Le changement climatique favorise la prolifération de nouveaux insectes ravageurs des cultures qui représentent une grave menace alimentaire et financière pour les agriculteurs africains.

 

Qu'il s'agisse de coléoptères perceurs d'arbres, de vers mangeurs de feuilles ou de mouches perforatrices de fruits, les ravageurs envahissants détruisent la nourriture et infligent des ruines financières aux agriculteurs d'Afrique. Les producteurs de mangues d'Afrique australe sont particulièrement touchés, car ils voient le fruit de leur travail réduit à néant par les insectes envahissants.

 

« Le changement climatique facilite la propagation des parasites envahissants, principalement en raison de la création de nouveaux habitats et de conditions météorologiques propices aux insectes nuisibles ayant des caractéristiques envahissantes », explique M. Shepard Ndlela, entomologiste au Centre International de Physiologie et d'Écologie des Insectes (ICIPE), basé à Nairobi, au Kenya.

 

M. Ndlela est également coordonnateur du programme africain sur la mouche des fruits, une initiative multipartite qui vise à éradiquer la mouche orientale des fruits, Bactrocera dorsalis, sur tout le continent. La mouche des fruits s'attaque à plus de 40 plantes hôtes, bien que la mangue semble être sa préférée.

 

 

Perte de nourriture, ruine économique

 

Les sécheresses et les températures élevées induites par le changement climatique ont créé des conditions optimales pour la prolifération des parasites et des maladies, détruisant ainsi les cultures. Selon les scientifiques, le succès de la reproduction des ravageurs des plantes augmente à mesure que les températures augmentent, car ils sont sensibles aux changements de température.

 

La relation entre les insectes nuisibles et leurs ennemis naturels a également changé, entraînant des augmentations ou des diminutions de l'importance de certaines espèces de nuisibles, selon des recherches menées par l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO).

 

Le changement climatique propage également les ravageurs dans de nouvelles régions géographiques. Les agriculteurs africains sont désormais confrontés à la mouche des fruits et à la chenille légionnaire d'automne, qui ont longtemps fait des ravages dans d'autres régions du monde. La mouche des fruits est un nouveau ravageur repéré au Kenya en 2003 et qui s'est déjà répandu dans plus de 20 pays d'Afrique. La légionnaire d'automne, un papillon de nuit originaire des Amériques, a trouvé le chemin de l'Afrique en 2016, causant d'énormes pertes de récoltes aux agriculteurs.

 

 

L'entomologiste Shepard Ndlela. Image : Busani Bafana

 

 

D'autres ravageurs invasifs comme la guêpe chalcidée du gommier bleu [Leptocybe invasa], le psylle lerp du gommier rouge [Glycaspis brimblecombei] et la punaise de bronze [Thaumastocoris peregrinus] ont détruit les eucalyptus, également appelés gommiers, au Zimbabwe, où les sociétés d'exploitation forestière commerciale ont encouru des millions de dollars de pertes de bois.

 

Les pertes financières dues à ces ravageurs invasifs sont considérables. Rien qu'à cause de la mouche orientale des fruits, la province du Cap Occidental en Afrique du Sud, une importante région fruitière, a perdu environ 3,2 millions de dollars par an depuis que ces insectes se sont établis dans la région. Le Kenya a estimé une perte de 1,9 million de dollars par an depuis 2003, le gouvernement du Mozambique estime les pertes à 2,5 millions de dollars depuis 2008 et le Zimbabwe jette la moitié des 400.000 tonnes de mangues qu'il produit annuellement en raison des dégâts causés par les ravageurs.

 Selon la FAO, la mouche des fruits se propage rapidement en Afrique. Elle est désormais présente dans tous les pays de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe, où elle cause des pertes d'environ 2 milliards de dollars par an aux producteurs de fruits.

 

 

Des exportations en péril

 

La mangue est une culture d'exportation importante en Afrique, ciblant les marchés du Moyen-Orient et de l'Europe qui ont renforcé les réglementations phytosanitaires pour tous les exportateurs de mangues vers l'Union Européenne afin de se prémunir contre la mouche des fruits.

 

En Afrique australe, les mangues sont une source essentielle d'aliments nutritifs et de revenus. Cependant, l'infestation par la mouche des fruits entrave désormais sérieusement la production de mangues au Malawi, au Mozambique, en Zambie et au Zimbabwe.

 

Au Zimbabwe, en particulier, la production de mangues a un fort potentiel pour contribuer aux revenus des petits exploitants, notamment des femmes et des jeunes. Cependant, la mouche des fruits envahissante perturbe les efforts déployés par le pays pour promouvoir une production agricole durable – un secteur essentiel pour l'emploi, la sécurité alimentaire et les revenus.
 La mouche des fruits est désormais considérée comme une menace sérieuse pour la sécurité alimentaire et financière.

 

 

La lutte intégrée à la rescousse

 

Mme Pelegrina Msingwini, agricultrice zimbabwéenne, a indiqué qu'au cours des saisons précédentes, elle ne parvenait pas à vendre la moitié des 150 seaux de 20 litres de mangues qu'elle récoltait en raison des dégâts causés par les mouches des fruits. Ces insectes pondent leurs œufs dans les fruits non mûrs, qui sont détruits lorsque les larves éclosent.

 

Toutefois, Mme Msingwini espère améliorer ses rendements en mangues lors de la prochaine saison. Elle fait partie des plus de 1.000 petits exploitants agricoles qui ont été formés par les services de conseil en vulgarisation du gouvernement aux pratiques de gestion intégrée des parasites (IPM) pour les aider à lutter contre ces nouveaux parasites de manière durable. Ces pratiques comprennent l'utilisation de pièges autonomes appâtés avec une phéromone qui attire les mouches mâles. Lorsque les mouches entrent dans le piège, elles sont tuées par une petite quantité d'insecticide, ce qui évite de traiter l'arbre entier avec des pesticides.

 

« Cela m'a brisé le cœur de voir les fruits rejetés au marché, mais maintenant je vois la lumière au bout du tunnel lorsque je compte chaque semaine le nombre de mouches mortes dans les pièges », a déclaré Mme Msingwini en montrant les pièges à mouches colorés accrochés à ses manguiers. « La méthode IPM qu'on nous a enseignée fonctionne ».

 

 

Une mouche des fruits s'apprête à pondre ses œufs dans une mangue non mûre. Image : Busani Bafana

 

 

Mme Louisa Makumbe, agent de recherche principal à l'Institut des Services de Quarantaine Végétale relevant du Ministère des Terres, de l'Agriculture, de la Pêche, de l'Eau et de la Réinstallation Rurale au Zimbabwe, a expliqué que ces parasites affectent les mangues et d'autres cultures fruitières qui, dans la région africaine, sont importantes pour la sécurité alimentaire et financière.

 

« Les agriculteurs ont adhéré au projet visant à lutter contre les mouches des fruits », a déclaré Mme Makumbe. « Les parasites n'affectent pas seulement les mangues mais aussi d'autres cultures horticoles fruitières. »

 

Grâce au financement du Centre de Recherches pour le Développement International et du Centre Australien pour la Recherche Agricole Internationale, le Centre International de Physiologie et d'Écologie des Insectes (ICIPE) a créé un ensemble de mesures de lutte intégrée contre la mouche des fruits, identifiée par l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture comme l'un des quatre ravageurs agricoles les plus destructeurs au monde. Plus de 1.000 producteurs de mangues des districts de Mutoko, Murehwa et Zvimba, principales zones de production de mangues au Zimbabwe, ont été formés aux méthodes de lutte intégrée.

 

Les chercheurs, les agents de vulgarisation et les agriculteurs s'accordent à dire qu'il est de plus en plus important de développer les connaissances des agriculteurs sur la manière de répondre aux défis du changement climatique. Les agriculteurs devront adopter de nouvelles technologies et des approches agro-écologiques comme la lutte intégrée contre les ravageurs, que la FAO considère comme un moyen complet de faire face à la gravité des dégâts des insectes nuisibles résultant du changement climatique.

 

 

Des signes de réussite

 

Depuis 2019, le projet sur la mouche des fruits et la lutte intégrée Cultivons l'Avenir de l'Afrique a travaillé avec des agriculteurs et des agents de vulgarisation au Malawi, au Mozambique, en Zambie et au Zimbabwe, les formant à la production de mangues et à des stratégies efficaces de lutte contre les ravageurs.

 Dans le cadre de l'ensemble des mesures de lutte intégrée, les scientifiques ont inclus une option permettant de combattre le ravageur en utilisant des ennemis naturels connus sous le nom de parasitoïdes. Il s'agit de petits insectes qui attaquent les œufs et les larves du ravageur et en réduisent le nombre.

 Si les ravageurs ne sont pas contrôlés, ils entraînent une perte totale de la récolte. Selon M. Ndlela, l'utilisation d'outils de lutte intégrée contre les ravageurs a permis de réduire considérablement les pertes lorsqu'ils sont appliqués de manière cohérente et collective par les agriculteurs.

 

Au Malawi, Mme Chipiliro Kamumtolo du village de Chinyama dans le district de Ntchewu a commencé à utiliser des pièges à mouches des fruits dans ses vergers de manguiers après avoir subi des pertes qui ont affecté ses revenus. Elle a expliqué que les mangues arrivent à maturité pendant la saison des pluies, lorsque les aliments de base comme le maïs se font rares, et que les fruits contribuent ainsi à surmonter les pénuries alimentaires pendant la saison maigre et à générer des revenus en espèces.

 

M. Ndlela a noté qu'au cours des 15 dernières années, la superficie des terres cultivées en manguiers a augmenté rapidement, ce qui a involontairement permis aux parasites envahissants de prospérer.

 

___________

 

* Source : African farmers face new threats as invasive pests proliferate on a warming planet - Alliance for Science (cornell.edu)

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article