Le Kenya est en passe de commercialiser du maïs génétiquement modifié d'ici 2022 pour augmenter les rendements et réduire l'utilisation de pesticides
Verenardo Meeme*
Image : Le Dr Mwimali Murenga, chercheur au Kenya, dans un champ de maïs Bt. Photo fournie
Qu'il s'agisse de l'ugali, un plat populaire préparé à partir de farine de maïs et souvent accompagné de viande, de légumes et de légumineuses, ou du porridge, la base du régime kényan est le maïs. Rien n'est perdu de la récolte, car les sous-produits de la culture sont utilisés pour nourrir le bétail et la volaille.
Mais, selon les experts, cet aliment de base essentiel continue à être confronté à des difficultés, car les parasites et les maladies des plantes étouffent les rendements, d'où la nécessité d'importer.
Mme Zaida Kombo, une agricultrice de Mtwapa, dans le comté de Kilifi, a fait l'expérience des effets des ravageurs et des maladies sur sa récolte de maïs. Bien qu'elle cultive également du manioc et des bananes, elle préfère le maïs pour son goût et sa longue durée de conservation. Mme Kombo a commencé à cultiver il y a quatre ans et avait l'habitude de récolter deux fois par an trois ou quatre sacs de 90 kilos de maïs [1] sur son acre [40 ares] – assez pour tenir jusqu'à la saison de récolte suivante.
« Sur trois ou quatre sacs, je pouvais en vendre deux pour avoir de l'argent pour emmener mes enfants à l'école, puis stocker le reste pour nourrir ma famille jusqu'à la saison de récolte suivante », explique-t-elle.
Ces jours-ci, Mme Kombo est une femme inquiète, qui voit sa production de maïs diminuer au fil du temps. Elle n'a obtenu qu'un demi-sac de 90 kg de sa dernière récolte en raison des dégâts causés par des ravageurs persistants tels que la pyrale et la légionnaire d'automne. Le problème des ravageurs est aggravé par la faible fertilité du sol et la difficulté de lutter contre les mauvaises herbes. Malgré les pertes, elle continue à cultiver le maïs car il complète le chou frisé, le manioc et les bananes qu'elle produit pour nourrir sa famille.
Elle fait maintenant appel aux chercheurs de l'Organisation Kenyane de Recherche sur l'Agriculture et l'Élevage (KALRO) pour trouver une solution durable permettant de maîtriser les parasites et d'aider les agriculteurs à accéder à des intrants agricoles de qualité. Les chercheurs pensent avoir trouvé une solution : le maïs Bt résistant à des insectes.
Ce maïs, génétiquement modifié (GM) pour inclure un gène de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt) qui assure une protection contre des insectes, aidera les agriculteurs à améliorer les rendements et à lutter contre les parasites sans insecticides chimiques. Le Bt est depuis longtemps populaire auprès des agriculteurs biologiques, car il est considéré comme un « insecticide naturel » et n'est toxique que pour certains insectes.
La récolte de maïs dans la ferme de Mme Zaida Kombo au Kenya. Photo : Verenardo Meeme
Mme Kasichana Mwachilimo, une autre agricultrice du comté de Kilifi, dit avoir appliqué des engrais et essayé de lutter contre les parasites avec des pesticides, mais les coûts se sont avérés prohibitifs. « Nous voulons une meilleure récolte, mais nous ne savons pas grand-chose de la recherche sur le maïs car nous ne bénéficions guère de conseils d'experts ou de services de vulgarisation », dit-elle.
M. Charles Chiro, assistant technique principal de la KALRO au sein du programme des cultures vivrières, section de sélection et d'agronomie du maïs, à Mtwapa, affirme que la pyrale est le principal ravageur affectant la production de maïs. Le problème est présent dans tout le pays et réduit considérablement les rendements. Les chercheurs de la KALRO ont parcouru les comtés de Kilifi et Kwale, dans la région côtière, en travaillant avec les agriculteurs et en évaluant les variétés de maïs adaptées aux basses terres côtières, à la recherche de variétés qui pourraient être améliorées par la recherche. Cependant, toutes les variétés actuellement cultivées dans la région sont touchées par la pyrale.
Les larves de la pyrale se nourrissent du plant de maïs, retardant sa croissance et le tuant dans certains cas. Les agriculteurs ont trouvé leurs propres moyens de lutte contre la pyrale, comme l'ajout de mélanges de sable et de cendres au sol et l'application de poivre et de margousier [neem], mais cela n'a pas été efficace comparé à la lutte chimique. Mais beaucoup n'optent pas pour la lutte chimique en raison des coûts qu'elle implique, dit M. Chiro.
Selon M. Chiro, l'utilisation de produits chimiques est également devenue un problème de pollution de l'environnement, car de nombreux agriculteurs ne connaissent pas les méthodes d'application appropriées à leur région, tandis que d'autres utilisent des quantités insuffisantes, ce qui peut conduire les insectes à développer une tolérance aux pesticides. Avec la technologie Bt, qui confère aux cultures une résistance inhérente à certains parasites, les agriculteurs pourraient réduire leur utilisation de pesticides, augmenter la production et permettre à d'autres insectes bénéfiques, comme les abeilles, qui sont bonnes pour la pollinisation, de prospérer, explique M. Chiro.
M. Eliud Kireger, directeur général de la KALRO, indique que la KALRO a demandé l'approbation des institutions gouvernementales concernées, telles que l'Autorité Nationale de Biosécurité et les Services d'Inspection Phytosanitaire du Kenya (KEPHIS), pour introduire officiellement le maïs Bt dans le pays.
« Le pays perd environ 40 % des 42 millions de sacs de maïs produits chaque année à cause de la pyrale et d'autres parasites et nous devons importer pour compenser les pertes », explique M. Kireger. « Le maïs Bt a déjà été approuvé dans d'autres pays comme le Malawi, le Nigeria et l'Afrique du Sud, où cette technologie leur a permis de doubler leurs rendements de maïs. »
L'année dernière, le gouvernement kenyan a importé deux millions de sacs de maïs blanc pour la consommation humaine et deux millions de sacs supplémentaires de maïs jaune pour l'alimentation animale après que les réserves stratégiques de céréales du pays ont été contaminées par l'aflatoxine, une toxine liée à des moisissures connue pour provoquer le cancer et d'autres problèmes de santé. Le gouvernement a dû détruire 124.625 sacs de 50 kilogrammes de stocks de maïs condamnés.
Un jeune plant de maïs présente des dommages causés par les insectes. Photo : Verenardo Meeme
Le foreur des tiges détruit à lui seul 12 % de la production nationale de maïs, tandis que la chenille de la légionnaire d'automne entraîne une perte moyenne de 60 % du maïs, selon les recherches du Center for Agriculture and Bioscience International (CABI). M. Kireger a dissipé toute crainte concernant l'innocuité du maïs Bt, affirmant qu'il a été testé conformément aux normes internationales. Il est déjà largement cultivé aux États-Unis et en Amérique du Sud et le Bt est utilisé comme insecticide depuis plus de 50 ans.
M. James Karanja, chercheur principal du projet sur le maïs TELA, affirme que les résultats des essais menés pendant trois ans par la KALRO montrent que le maïs Bt contrôle efficacement l'infestation et les dommages causés par les deux principaux insectes nuisibles à la production de maïs au Kenya – le foreur ponctué de graminées (Chilo partellus) et la pyrale africaine (Busseola fusca).
Grâce à ces résultats, les agriculteurs kenyans sont désormais plus proches de la culture du maïs génétiquement modifié (Bt) dans leurs exploitations. Le maïs Bt planté plus tôt cette année dans l'ouest du Kenya présente déjà une résistance aux parasites destructeurs que sont la pyrale et la légionnaire d'automne, ce qui aidera les agriculteurs à réduire leur utilisation de pesticides.
« Si vous combinez la chenille légionnaire d'automne et les foreurs de tiges, les agriculteurs n'obtiennent presque rien », dit M. Karanja. « Il y a un besoin urgent d'approuver les OGM. En tant que scientifiques, nous développons ces technologies en sachant qu'elles seront utilisées par nos parents. Il est hors de question que nous fassions un travail bâclé. Nous sommes ici pour la bonne marche du pays. »
Le maïs Bt devrait être commercialisé d'ici 2022, s'il est approuvé par les agences gouvernementales kényanes compétentes, indique le professeur Dorrington Ogoyi, PDG de l'Autorité Nationale de Biosécurité.
La recherche sur le maïs Bt fait partie de la stratégie décennale de transformation et de croissance du secteur agricole du Kenya (ASTGS), qui vise à s'appuyer sur les stratégies précédentes pour revitaliser le secteur agricole du pays d'ici 2029 et en faire une puissance régionale. La stratégie met l'accent sur l'intégration de techniques agricoles modernes dans le secteur agricole kényan afin d'améliorer la productivité et prévoit la levée de l'interdiction des cultures génétiquement modifiées au Kenya.
M. Stephen Mutoro, secrétaire général de la Consumers Federation of Kenya, note que la production de maïs du Kenya continue de diminuer alors que la demande augmente, ce qui entraîne un déficit de 15 millions de sacs.
En conséquence, le coût des aliments pour animaux s'est envolé en Afrique de l'Est. L'Association des Fabricants d'Aliments pour Animaux du Kenya s'est inquiétée de l'augmentation du prix du germe de maïs, qui est principalement utilisé pour fabriquer des aliments pour animaux. Cela a entraîné une hausse du coût pour les consommateurs des protéines essentielles telles que les œufs.
Selon M. Karanja, les agriculteurs se demandent souvent s'ils doivent cultiver d'autres plantes lorsque le maïs est frappé par une nouvelle maladie végétale, une pandémie de parasites ou un autre facteur limitant, comme la nécrose létale du maïs, la légionnaire d'automne, la sécheresse ou l'aflatoxine.
Cependant, étant donné l'omniprésence du maïs dans de nombreux systèmes de subsistance diversifiés au Kenya et ailleurs en Afrique subsaharienne, les institutions nationales et internationales de phytotechnie ont répondu par de nouvelles recherches visant à améliorer les variétés de maïs existantes, ainsi qu'à sélectionner des variétés supérieures capables de résister aux défis persistants, explique M. Karanja.
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|1] Ma note : quatre sacs de 90 kilos, cela représente environ 9 quintaux/hectare. Avec un demi-sac, sa récolte est tombée à 1 quintal.