L'aide publique française au développement au secours de l'insécurité alimentaire en Afrique ?
La France s'interdit de promouvoir les techniques modernes d'amélioration des plantes – les « OGM » – dans son aide au développement, alors qu'elles sont des outils de choix, et dans certains cas incontournables, pour le développement de l'agriculture et de l'alimentation.
Télescopage heureux : l'IREF Europe – Institut de Recherches Économiques et Fiscales – a publié le 27 mai 2021 « L’aide publique au développement : sans une vraie stratégie, ni contrepartie » ; le même jour, le Figaro a repris une dépêche de l'AFP, « Un demi-milliard d'Africains sous la menace de l'insécurité alimentaire ».
Le premier nous dirige vers le projet de loi nº 4176 de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, pour lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée – encore un coup de canif aux processus démocratiques car on voit mal où était l'urgence. Il se trouve maintenant au stade de la commission mixte paritaire.
Le second nous alerte :
« "Les insectes migrateurs, les maladies des plantes et autres agents nuisibles représentent une menace grave pour les récoltes et les revenus des agriculteurs d'Afrique de l'Ouest et du Centre" a déclaré le Dr Justin Pita, directeur exécutif du programme WAVE [West African Virus Epidemiology], axé sur la sécurité alimentaire et financé par la Fondation Bill et Melinda Gates. »
Ou encore, du même Justin Pita :
« [L]a sécurité alimentaire est menacée, la biodiversité et l'environnement régional sont endommagés sous l'action conjuguée et nocive des criquets, chenilles légionnaires d'automne, mouches des fruits, et des maladies du bananier et du manioc ».
Face à certains de ces périls, il y a des solutions simples prêtes à l'emploi, sur le point d'aboutir ou en chantier : les variétés issues des techniques modernes d'amélioration des plantes – des OGM au sens premier (issus de la transgenèse) ou des produits des « NBT » (New Breeding Techniques), tel l'emblématique CRISPR-Cas9 qui a donné lieu au prix Nobel 2020 de chimie de Mmes Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna.
Ainsi, sur le maïs, la très dévastatrice légionnaire d'automne peut se combattre efficacement avec des variétés Bt (intégrant un ou plusieurs gènes de Bacillus thuringiensis, une bactérie utilisable comme pesticide en agriculture biologique). Le maïs Bt est cultivé en Afrique du Sud et commence une carrière prometteuse au Kenya, après un blocage de près d'une décennie dû à de fameuses photos de rats affligés de tumeurs énormes. L'étau se desserre au Nigeria... et rien ne se passe dans l'Afrique subsaharienne francophone.
La banane plantain est un aliment de base dans des pays comme l'Ouganda ; le bananier est menacé, entre autres, par le flétrissement bactérien dû à Xanthomonas campestris. Le bananier ne produit pas de graines... les croisements suivis de sélection sont quasiment impossibles... pour le protéger, la solution consiste à lui conférer deux gènes du piment (poivron). Cela a été réalisé.
Les outils génétiques contribuent aussi à l'amélioration de la nutrition par la biofortification, l'enrichissement en minéraux, vitamines, etc.
Mais beaucoup de pays africains hésitent, tergiversent.
La cause ? Essentiellement l'activisme déployé à partir de l'Europe ou par des mercenaires locaux grassement payés par nos ONG et nos agences de développement bien pensantes ; ou la promotion d'une « agro-écologie » servant éventuellement de faux-nez pour l'agriculture biologique – voir par exemple « Dénigrement de l'agriculture conventionnelle en Afrique : à quand le "crime contre l'humanité" ? » et « Séralini absent lors de la conférence sur l'agro-écologie au Kenya, mais… ». Il y a aussi les manœuvres plus subtiles comme les menaces de bloquer les importations de produits agricoles.
Le Parlement européen n'est pas en reste – voir par exemple « Comment affamer l'Afrique : demandez au Parti vert européen » ou encore « Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE : le scandaleux rapport post-factuel de Maria Heubuch ».
Et la France ? Elle se donne pour objectif selon l'interminable et verbeux rapport annexé au projet de loi (texte issu des travaux du Sénat) de « Continuer à œuvrer pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l’agriculture durable ». Mais (c'est nous qui graissons)...
« La France met en œuvre le protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, relatif à la Convention sur la diversité biologique, adopté le 29 janvier 2000. Dans ses projets de coopération, la France ne finance pas l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. Elle ne soutient pas de projets ayant pour finalité ou conséquence la déforestation de la forêt primaire. »
Cette restriction, nous la devons à un certain Pascal Canfin, du temps où il était ministre délégué au développement, avec l'étiquette EÉLV, sous la présidence Hollande. Il est maintenant député européen macroniste, après avoir été directeur général du WWF France (les « portes tournantes...).
Le 30 avril 2013, il écrivait sur le site du parti :
« J’ai le plaisir de vous annoncer qu’à partir d’aujourd’hui, l’Agence française de développement (l’AFD, la banque publique en charge de mettre en œuvre les projets de développement), s’engage à ne plus financer la recherche, l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. En effet, a été votée aujourd’hui -25 avril- la nouvelle stratégie de l’AFD en Afrique sub-saharienne en matière de sécurité alimentaire pour les 3 prochaines années. Par ailleurs, plus aucun projet financé ne contribuera à la dégradation des forêts. »
Et nous, nous avons le grand déplaisir de relever que l'exportation de notre obscurantisme et de notre sectarisme contribue à l'insécurité alimentaire en Afrique.
En février 2017, l'Agence Française de Développement (AFD) rapportait dans « Évaluation du cadre d’intervention sectoriel (CIS) sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne 2013-2016 de l’AFD » :
« Ceci étant, le changement de paradigme vers un modèle agroécologique, même s’il suscite beaucoup d’intérêt, ne présente pas (encore) une alternative aux politiques agricoles actuelles. La demande par les gouvernements locaux reste dominée par des politiques agricoles reposant sur la diffusion de paquets technologiques (engrais, semences) par filière pour améliorer la productivité : "… la vision dominante du développement agricole reste inspirée par le modèle de la révolution verte que ce soit au niveau des pouvoirs publics nationaux et régionaux, des programmes de recherche et des dispositifs de conseil et de formation" (Inter-réseaux Développement rural, 2014). »
En bref : l'offre française d'aide au développement manque de pertinence. Le rapport de l'AFD note du reste :
« Le portefeuille de l’AFD pour ce type d’initiatives traduit bien que cette approche se limite encore souvent à la recherche et aux ONG. [...] »
On ne va tout de même pas faire l'effort de se remettre en question, de se fâcher avec les ONG (et « ONG ») et sa clientèle électorale...
Et tant pis pour la présence de la France et de ses acteurs économiques sur le continent africain.