Arrêtez de répandre la chimiophobie et l'analphabétisme scientifique : ma contribution à la consultation de la Commission Européenne sur la révision du règlement REACH
Risk-monger*
Après avoir vu la chimiophobie rampante et l'alarmisme influencer le processus REACH au milieu des années 2000, j'ai créé un blog satirique intitulé The Risk-Monger pour souligner à quel point les campagnes des ONG étaient ridicules et naïves à l'époque. Quinze ans plus tard, l'analphabétisme chimique et l'ignorance scientifique embarrassants ne se limitent plus aux histoires d'épouvante émotionnelles des militants écologistes ; de telles affirmations émanent désormais du cœur de la Commission Européenne via les architectes du Pacte Vert (Green Deal) européen.
Je vais utiliser ma contribution à la consultation [maintenant close] pour « contribuer à la mise en place d’un environnement exempt de substances toxiques » (leurs mots) comme un plaidoyer pour que la Commission Européenne cesse de rêver d'un monde d'arc-en-ciel et de licornes et commence à respecter les principes scientifiques de base.
Les scientifiques du monde entier ricanent devant le manque d'intelligence académique émanant des projets de propositions du commissaire européen Sinkevičius. Je suis terrifié par les conséquences d'une chimiophobie aussi naïve au cœur de la politique européenne, qui conduira probablement à un nouvel exode de l'UE des talents scientifiques, des entreprises innovantes et des investissements dans la recherche.
Je corrigeais des copies au moment où cette initiative faiblarde de l'UE est arrivée sur mon bureau.
Si la Commission Européenne ne comprend pas à quel point elle commence à paraître ridicule en dehors de sa bulle, il suffit de regarder le vocabulaire naïf de l'invitation à la consultation. Elle a manifestement été rédigée par des idéologues activistes et n'a pas été relue par une personne ayant une formation scientifique de base. Voici quelques exemples.
Le Pacte Vert européen affiche la modeste ambition d'une pollution zéro. Nul besoin de trop s'attarder sur les preuves : la pollution zéro n'existe pas et en faire un objectif (plutôt que de « réduire la pollution ») est non seulement absurde, mais risque de promouvoir des pratiques moins durables pour atteindre des objectifs inflexibles. Partout où il y a consommation, il y a pollution et le recyclage, bien que rédempteur, n'est pas une absolution. Même quelque chose d'aussi facile que le recyclage du papier consomme de l'énergie, augmente les eaux usées et les produits chimiques qui se retrouvent dans l'environnement. Une telle ambition risque de bloquer la pensée rationnelle en réduisant les options et conduira probablement à davantage de décisions non durables. Un zélote qui parle en termes absolus (zéro plastique, zéro combustible fossile, zéro nucléaire, zéro pesticide...) supprime les moyens pragmatiques nécessaires pour produire moins de pollution. Si l'on ajoute à cela l'obsession militante de n'appliquer que des solutions « naturelles », on commence à comprendre que la voie de l'Union Européenne vers la durabilité est guidée par une idéologie politique plutôt que par des preuves scientifiques. Par exemple, il est préférable de recycler certains plastiques en récupérant leur énergie par incinération, mais si un bureaucrate définit cela comme de la pollution, le coût pour l'environnement de la réutilisation des substances chimiques dans un produit de second ordre sera tout sauf conforme à l'exigence de durabilité. La pollution zéro n'est pas une ambition, mais un rêve irréaliste et très dangereux exigé par des zélotes et des idéologues intransigeants, qui conduira probablement à des niveaux plus élevés de déchets et de pollution.
https://reason.com/1994/11/01/of-mice-and-men-2/
La quête d'un environnement « exempt de produits toxiques » est tout simplement stupide et la Commission Européenne a été reprise sur ce choix de mots à plusieurs reprises au cours de l'année dernière. Le fait qu'elle continue à inclure une expression aussi ridicule dans sa documentation sur le Pacte Vert européen montre à quel point la DG Environnement a été prise en otage par des militants chimiophobes qui ne comprennent rien à la science. La toxicité dépend de la dose (Paracelse : la dose fait le poison). Deux aspirines peuvent être très bénéfiques pour l'homme mais 200 seront très toxiques. L'eau peut être toxique pour l'homme si elle est consommée en quantité suffisante. (Je n'arrive pas à croire que je doive perdre mon temps à expliquer cela à des fonctionnaires de l'UE qui gagnent 7.000 euros par mois mais ne prennent pas la peine d'écouter ou de réfléchir). Qualifier certains produits chimiques de toxiques (et par là, ne considérer que les produits chimiques de synthèse) est une absurdité sans fondement. Une seule tasse de café contient plus de 1.000 produits chimiques (naturels) ; nous n'en avons testé que 22 et 17 sont cancérigènes pour les rats (Bruce Ames). Il y a plus de substances cancérigènes dans cette seule tasse que tous les résidus de pesticides contenus dans une année de consommation de fruits et légumes (Bruce Ames). Le café contient également des substances chimiques connues pour perturber le système endocrinien (et non des substances suspectées). Bien que j'aime le café (et que je m'expose probablement à des doses quotidiennes bien supérieures à celles recommandées), si la Commission Européenne continue à utiliser un vocabulaire aussi ridicule dans sa législation finale, j'ai l'intention de lancer une initiative citoyenne visant à interdire le café dans l'UE. Cette pantomime satirique va probablement immobiliser un groupe de fonctionnaires pendant cinq bonnes années, mais il faut espérer qu'un exercice aussi coûteux aura un but pédagogique utile. L'expression « exempt de produits toxiques » ne veut rien dire, alors arrêtez vos bêtises.
Pourquoi la Commission Européenne n'a-t-elle pas dit « mieux gérer les risques chimiques » ? Tous les produits chimiques, y compris les produits naturels, ont un certain niveau de toxicité – et l'exposition à ce niveau peut être dangereuse. Une fois encore, c'est la dose qui fait le poison et la gestion du risque chimique implique de réduire l'exposition au niveau le plus bas qu'il soit raisonnablement possible d'atteindre (ALARA – as low as reasonably achievable). Mais je crains que les militants à l'origine de cette stratégie politique actuelle ne veuillent réviser REACH pour en faire une réglementation fondée sur le danger, dans laquelle il ne sera pas question de gérer les expositions pour profiter des avantages des substances chimiques. Selon ce plan de jeu, si quelque chose est considéré comme « toxique », alors il est dangereux (et tout niveau d'exposition est considéré comme une menace). L'interprétation du principe de précaution par l'EEE s'inscrit parfaitement dans cette approche fondée sur le danger (raison pour laquelle les militants exigent cet outil de gestion de l'incertitude au niveau réglementaire), mais la réalité, à savoir que même l'eau peut être toxique, rend cet outil politique inapplicable et irrationnel. Pour donner un exemple des dangers d'une politique construite sur une telle idéologie chimiophobique cultuelle, tous les désinfectants utilisés dans la lutte contre la Covid-19 ne seraient pas autorisés sur le marché européen si l'approche basée sur le danger était appliquée de manière cohérente dans un règlement REACH révisé.
Il a fallu une mise en œuvre très bâclée de la stratégie de lutte contre la pandémie de Covid-19 pour montrer l'incompétence de la plupart des autorités européennes en matière de gestion des risques. On a assuré aux citoyens européens qu'ils seraient en sécurité (s'ils restaient chez eux et se lavaient les mains). Le point le plus bas a été atteint lorsque les autorités de la Commission Européenne ont réagi de manière excessive à quelques dizaines de cas de thrombose soupçonnés de provenir du vaccin d'AstraZeneca. Un grand nombre de pays ont adopté l'approche de précaution et ont suspendu le déploiement du vaccin jusqu'à ce que la sécurité puisse être garantie. Cela n'a pas seulement contribué à l'hésitation à se faire vacciner, mais a fait naître l'espoir irréaliste que les gens pouvaient être protégés à 100 % et sans risque. J'ai été horrifié d'entendre le commissaire européen à l'économie, Paolo Gentiloni, déclarer que « des mesures de précaution sont justifiées » jusqu'à ce qu'une évaluation plus poussée de l'Agence Européenne des Médicaments puisse « donner des certitudes à nos citoyens européens ». Le fait qu'un commissaire aille jusqu'à faire l'éloge de ce manquement aux devoirs démontre à quel point les fonctionnaires européens sont perdus et confus, ne serait-ce que dans la compréhension de leur rôle de gestionnaires de risques. Rien n'est sûr à 100 % (mais il y a des choses qui sont plus sûres que d'autres). Le risque de formation d'un caillot sanguin à la suite d'un vaccin est extrêmement faible, surtout si on le compare au risque de formation d'un caillot (ou pire) après avoir contracté le dernier coronavirus.
Dans un monde fondé sur le risque, réduire l'exposition aux dangers vous donnera plus de sécurité ; dans un monde fondé sur le danger, supprimer les dangers vous donnera la sécurité. Sauf que... dans le monde réel, il est impossible de supprimer la plupart des dangers. Ainsi, lorsque la Commission Européenne déclare à ses citoyens qu'ils seront « protégés » de tout produit chimique « toxique », cela implique que tout ce qui n'est pas sûr à 100 % (c'est-à-dire tout) sera retiré du marché européen. « Sûr » est un concept émotionnel ; « plus sûr » est un objectif de gestion des risques. Les désinfectants efficaces ne sont pas sûrs, mais ils sont bien plus sûrs que les infections et les contaminations. La Commission Européenne doit cesser de répandre cette idée fausse selon laquelle elle peut assurer la sécurité de ses citoyens. Elle doit cesser de susciter des attentes auprès d'un public terrifié qu'elle ne sera jamais en mesure de satisfaire.
Rien qu'à voir la nature du vocabulaire utilisé dans l'invitation à la consultation de la Commission Européenne, nous pouvons voir comment les activistes d'ONG comme EDC-Free Europe, Pesticide Action Network et Friends of the Earth mènent la danse à la DG Environnement. Ils cherchent à obtenir une révision du règlement REACH sur les produits chimiques qui sera fondée sur le danger (en ignorant toute question de dose ou d'exposition). Si un produit chimique ne peut être déterminé avec certitude comme étant sûr (c'est-à-dire non toxique), le principe de précaution sera appliqué et la substance sera retirée du marché. Tout élève de sixième comprendra que ce principe s'appliquera à toutes les substances, naturelles ou de synthèse. L'objectif des militants écologistes qui font pression pour cette révision est de faire retirer du marché une série de substances chimiques figurant sur leurs petites listes noires. Ils cherchent à marquer des points et donc à augmenter leur financement, pas à disposer d'une législation européenne viable, et certainement pas à avoir un environnement plus durable. Les activistes ne se concentrent pas sur le développement de substances innovantes pour améliorer la qualité de vie ou accroître la prospérité. Pour ces activistes, il ne s'agit que de l'élimination par précaution de toutes les substances de synthèse jugées par certains groupes d'activistes comme indignes de leur vision idéale et naturophile du monde – une vision payée par d'autres (à la fois financièrement et par voie de conséquence).
Et la Commission Européenne, sans aucun leadership, joue bêtement leur jeu. Il suffit d'attendre que le professeur Zaruk lance son initiative citoyenne pour faire interdire le café dans l'UE !
Mon conseil pour cette consultation de la Commission Européenne sur la révision de REACH est donc que les fonctionnaires européens commencent à consulter les scientifiques et cessent d'écouter les activistes qui placent l'idéologie politique au-dessus de la durabilité et des solutions technologiques. Les concepts utilisés par la Commission Européenne, comme « exempt de toxicité », « sûr » et « niveau zéro de pollution », sont des rêves émotionnels qui, comme les licornes, n'existent pas. Cessez de perpétuer la chimiophobie et l'analphabétisme scientifique et ne poursuivez pas sur la voie tracée par des idéologues activistes qui vous apporteront tout sauf des solutions durables.
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* David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur Twitter ou la page Facebook de Risk-Monger.
Une version de cet article a été publiée sur Contrepoints.