Quand M. Michel Cymes se fait prescripteur de « bio », ça décoiffe...
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Encore un personnage à grande envergure médiatique qui se prend le melon et se permet de faire l'agent publicitaire du « bio », en plus avec de gros sabots.
RTL titre le 10 mai 2021, sur la base d'une chronique radiophonique, « Michel Cymes liste les produits à consommer bio en priorité ».
Le chapô se fait quasiment comminatoire (c'est nous qui graissons) :
« Ce matin, Michel Cymes fouille dans le panier de courses des auditeurs où il espère trouver un maximum de produits bio. »
D'entrée, il nous assène le mensonge maintes fois répété :
« Sans rentrer dans la polémique des différents labels bio, on peut simplifier les choses en arguant que moins on utilise de pesticides de synthèse ou d’engrais chimiques, meilleur c’est pour la santé. »
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Non, il n'y a aucune étude sérieuse qui nous prouve que le « bio » est meilleur pour la santé. On chipotera peut-être s'agissant des pesticides (...de synthèse...), mais il n'y a guère de discussion possible s'agissant des engrais (...chimiques...).
Tous les modes de production et itinéraires techniques présentent des dangers. Quel que soit le mode de production et l'itinéraire technique, les produits ne présentent pas de risques lorsque les principes de base et les règles sont respectées. Notre alimentation est fondamentalement saine, en tout cas en ce qui concerne la dichotomie « conventionnel » – « bio ».
Les allégations nutritionnelles et de santé sont encadrées par un règlement du Parlement Européen et du Conseil (N° 1924/2006 du 20 décembre 2006). À quoi cela sert-il de prévoir, à propos des denrées alimentaires spécifiques, que les allégations ne doivent pas « être inexactes, ambiguës ou trompeuses », ou encore « susciter des doutes quant à la sécurité et/ou à l'adéquation nutritionnelle d'autres denrées alimentaires », si n'importe quel énergumène peut dégoiser dans le poste ou s'épancher sur Internet au mépris de ces dispositions en faveur d'une catégorie de produits en général ?
M. Michel Cymes insiste. Les Français plébisciteraient le bio « pour des raisons sanitaires, environnementales, gustatives, éthiques ».
Ha ! ha ! ha ! 5,1 % de part de marché en valeur en 2020, nettement moins en volume de marchandises car elles sont nettement plus chères que le « conventionnel ». Cherchez le nom d'une grande chaîne spécialisée – auparavant condamnée pour sa publicité délictueuses – et le mot « grève »... Ou le nom d'une autre et « montage financier »...
La suite est tout aussi « merveilleuse ». M. Michel Cymes « espère » donc – « [p]arce que franchement, pour certains produits, ça vaut vraiment le coup de faire un effort » de payer plus cher – que notre panier se remplisse de lait « bio », d'œufs « bio », de poulets « bio », de salades « bio » et de pommes « bio ».
Pour le lait, l'argument de poids est comme suit :
« […] pour les vitamines, notamment A et E, mieux vaut opter pour le bio car dans ce cas, l’animal producteur, qu’il s’agisse d’une vache, d’une chèvre ou d’une brebis, est censé avoir été nourri avec un fourrage naturel. Conséquence : pas de résidu de pesticides ou d’antibiotiques. »
On adore le « censé »... Mais cette jolie phrase implique que les animaux non « bio » seraient ou pourraient être nourris avec un « fourrage [non] naturel » ! Quel génie ce Michel Cymes !
On a aussi du mal avec les résidus. Il se trouve que l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a mis le lait dans son dernier programme publié. Résultats : très peu de résidus ; quand il y en a, majoritairement des résidus de polluants persistants auxquels l'agriculture biologique n'échappe pas non plus ; et aucun dépassement de limite maximale de résidus.
On pourrait penser qu'un médecin de formation vérifie ses sources...
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C'est encore pire pour les antibiotiques. Des producteurs laitiers ont apporté la contradiction sur Twitter.
(Source – aller sur site pour visionner la vidéo)
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Évoquer la présence d'antibiotiques ? Il est fort ce Michel Cymes ! Le Dr – un vrai, vétérinaire, principalement au cul des vaches – apporte des explications détaillées dans un fil Twitter.
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Passons à l'œuf. Autre morceau de bravoure :
« La version est 2 à 3 fois plus chargée en oméga-3 et en vitamine A, D et E. Par ailleurs, les œufs bio proviennent de poules élevées en plein air donc qui ne passent pas leur temps dans les déjections de leurs petites copines (comme c’est le cas quand elles sont les unes sur les autres dans des cages), ce qui réduit le risque de contamination par la salmonelle. »
Évoquer des poules qui passent leur temps dans les déjections des « copines » relèvent des propos de bar-PMU. Quelle indigence ! D'autant que le marché de l'œuf est plus varié que la binarité qui nous est présentée.
C'est d'autant plus incroyable que les conditions de production sont indiquées sur les emballages et sur les œufs ; et que les conditions d'élevage sont très comparables entre le bio et, notamment, le fermier.
Par ailleurs, la composition des œufs dépend principalement de l'alimentation, et non du mode de production. C'est particulièrement le cas pour les oméga-3, dont on augmente la teneur en apportant du lin en complément alimentaire.
Enfin, il est bon de rappeler que le dernier « scandale » alimentaire – les « œufs au fipronil » – a essentiellement touché la production « bio ». Des margoulins avaient proposé aux éleveurs un produit « miracle » contre les poux des volailles aux huiles essentielles, dopé au fipronil.
Même degré zéro de l'argumentation.
Non, il n'y a pas d'antibiotique (normalement) dans le poulet « conventionnel » ou « bio » (sachant que les antibiotiques peuvent aussi être utilisés en bio) : il y a ce que l'on appelle le temps d'attente.
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Non, il n'y a pas d'hormones, ni en « bio », ni en « conventionnel ».
L'EFSA publie annuellement un rapport sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les produits alimentaires. Le pourcentage de non-conformité est extrêmement faible.
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Et le poulet « conventionnel » se décline lui aussi en plusieurs versions, selon des cahiers des charges dont les plus exigeants sont essentiellement au même niveau que celui du « bio », nature (bio ou conventionnelle) de l'alimentation exclue.
Quant aux qualités de la viande, les résumer en une phrase tient de la gageure (voir par exemple ici). Et, bien sûr, la nature de l'alimentation joue un grand rôle.
Comment ne pas être choqué quand on lit :
« En version classique, vous êtes sûr de faire le plein de pesticides. En version bio, vous limitez grandement les dégâts » ?
On peut l'être aussi par la pauvreté du raisonnement :
« La salade. À l’inverse de nombre de légumes, on ne l’épluche pas. »
Cela ne veut strictement rien dire s'agissant de la présence de résidus de pesticides. En fait, la salade figure en queue de peloton pour les produits présentant deux résidus ou plus !
Extrait d'un tableau du rapport de l'EFSA.
Encore un festival d'âneries !
« Ensuite, c’est l’un des fruits (il n’est pas le seul, il y a aussi les fraises, les pêches, le raisin), l’un des fruits, donc, les plus traités. Elle passe à la moulinette de plus de 30 produits chimiques ! Donc autant la choisir bio, d’autant que ça permet d’en consommer aussi la peau où se concentrent un maximum de vitamines et d’antioxydants. »
L'un des plus traités ? Et alors ? Ce qui importe – pour les hypochondriaques épouvantés par les résidus de pesticides et pour les activistes anti-pesticides un tant soit peu sérieux (ils sont rares), c'est ce que l'on retrouve dans les pommes. À cette aune, la pomme sort parmi les plus « vertueux » (voir ci-dessus).
On pourrait consommer une pomme « bio » avec la peau ? Cela implique qu'on ne le peut pas pour une pomme « conventionnelle ». C'est une infamie !
Quant à la production en mode biologique, elle peut traiter bien plus que le conventionnel.
C'est ce que vous pouvez lire dans l'édition suivante de « ça va beaucoup mieux », « Michel Cymes vous dit quels aliments éviter et privilégier pour prévenir l'arthrose ».