Une année perdue ? Pas pour les OGM !
Justin Cremer
Ce mois-ci, il s'est écoulé un an depuis que la pandémie de Covid-19 a bouleversé la vie dans le monde entier. Cet anniversaire n'était pas exactement un moment de célébration, mais il a incité beaucoup d'entre nous à réfléchir profondément aux événements – et à leur absence – des 12 derniers mois. Le premier anniversaire a également donné lieu à d'innombrables réflexions sur notre « année perdue » et notre nouvelle perception du temps.
Mais malgré tout cela, le monde a continué à tourner et le progrès à avancer. Cela a été particulièrement vrai dans le domaine de la biotechnologie agricole, qui a enregistré quelques avancées significatives alors que la pandémie retenait toute notre attention.
En octobre 2020, l'Argentine est devenue le premier pays au monde à approuver une souche de blé génétiquement modifié. Le Ministère des Sciences et des Technologies du pays a approuvé le blé HB4 résistant à la sécheresse, développé par la société de biotechnologie Bioceres SA. Il s'agit d'une culture importante, car contrairement au soja et au maïs génétiquement modifiés, le blé est cultivé principalement pour la consommation humaine.
La plupart des exportations de blé de l'Argentine sont destinées au Brésil et la commercialisation du HB4 ne commencera que lorsque les autorités brésiliennes auront donné leur accord. Pourrait-il s'agir de la plus grande chose qui soit arrivée au blé depuis Norman Borlaug ?
Une autorisation a été accordée pour lâcher des moustiques génétiquement modifiés dans les Florida Keys, dans le cadre d'un projet pilote destiné à montrer que les moustiques GM sont une alternative viable à la pulvérisation d'insecticides.
Le projet utilise la technologie des mini-capsules « Friendly » mise au point par la société britannique de génétique Oxitec. Cette technologie consiste à insérer un gène d'autolimitation dans des moustiques mâles qui ne piquent pas et qui cherchent ensuite à s'accoupler avec des femelles sauvages. La progéniture produite mourra avant d'atteindre l'âge adulte, réduisant ainsi la population du dangereux et envahissant moustique Aedes aegypti qui propage le Zika, la dengue, la fièvre jaune et d'autres maladies.
La technologie « Friendly » a déjà été utilisée avec succès au Brésil. Désormais, grâce aux autorisations accordées par l'Agence Américaine de Protection de l'Environnement (EPA), des moustiques génétiquement modifiés peuvent être lâchés aux États-Unis. Le projet pilote comprend les Florida Keys et certaines régions du Texas.
« Il y a un large consensus parmi les responsables de la santé publique aux États-Unis sur le fait qu'une nouvelle génération d'outils de lutte antivectorielle sûrs, ciblés et rentables est nécessaire de toute urgence pour combattre la menace croissante que représente Aedes aegypti sans avoir d'impact sur l'écosystème », a déclaré Grey Frandsen, PDG d'Oxitec, dans un communiqué de presse.
Poussé par la volonté de développer ses secteurs agricole et textile, de construire son économie et de renforcer sa sécurité alimentaire, le Kenya a fait volte-face sur les cultures GM, qu'il avait interdites en 2012. Les performances impressionnantes du cotonnier Bt GM résistant à des insectes dans certaines exploitations kényanes ont incité le gouvernement à autoriser la pleine commercialisation de cette culture. Le Kenya progresse également dans le domaine du maïs génétiquement modifié, en menant des essais de performance nationaux qui sont essentiels à son adoption. Il est probable que les agriculteurs auront accès aux semences de maïs GM plus tard cette année.
La Chine a commencé l'année 2020 en annonçant que deux variétés de maïs GM et une variété de soja GM avaient passé avec succès les évaluations de biosécurité, dans ce qui était considéré comme une étape cruciale pour rapprocher le pays le plus peuplé du monde de la commercialisation de ces deux cultures GM.
Vers la fin de l'année, les autorités chinoises ont appelé à des « percées technologiques dans le domaine des semences » qui pourraient « bouleverser l'industrie des semences ». La ligne de conduite de la Chine en matière d'OGM, tant chez les décideurs politiques que dans le grand public, a été assez conservatrice au fil des ans. Bien que des variétés de maïs et de riz GM aient obtenu des certificats de biosécurité il y a plus de dix ans, elles n'ont jamais été commercialisées, en partie à cause de la résistance à la technologie GM.
Mais après que la pandémie eut provoqué des perturbations dans la chaîne d'approvisionnement et que la dépendance de la Chine à l'égard du soja américain eut été mise à mal par les tensions commerciales, Pékin semble adopter une nouvelle approche de la biotechnologie agricole.
« Le ton sur la technologie GM semble changer, il ne s'agit plus de savoir dans quelle mesure elle va nuire à la santé humaine, mais quel sera son impact sur la sécurité de l'approvisionnement en grains une fois les restrictions levées », a déclaré en décembre M. Zhang Xin, analyste au GLOCON Agritech Co-Innovation Institute, selon le South China Morning Post.
Quelques jours avant de nous réfugier sur nos canapés, le Conseil Consultatif Scientifique des Académies Européennes (EASAC) a déclaré que la réglementation européenne sur les OGM n'était « plus adaptée » et a appelé à une « réforme radicale » de l'approche de l'Union.
Sept mois plus tard, la porte a semblé s'ouvrir un peu plus à l'adoption de cultures génétiquement modifiées en Europe lorsque les discussions sur une nouvelle politique agricole commune (PAC) ont débuté. Un porte-parole de la Commission européenne a déclaré à l'Alliance pour la Science que « les biotechnologies, ainsi que d'autres technologies innovantes, peuvent jouer un rôle dans l'accroissement de la durabilité et apporter des avantages à la société dans son ensemble, à condition qu'elles soient sans danger pour les consommateurs et l'environnement ».
Mme Karen Melchior, députée européenne danoise et membre de Renew Europe, qui a voté contre la réforme de la PAC parce qu'elle ne fait pas avancer l'Europe vers un avenir agricole plus vert, nous a dit qu'elle était ouverte à ce que l'UE repense sa position sur les cultures GM.
« [L'adoption de cultures génétiquement modifiées] n'est pas un problème pour moi », a-t-elle déclaré. « Je dois être sûre qu'elles ont été créées pour être plus résistantes au climat et plus respectueuses de l'environnement. Si c'est le cas, je suis tout à fait favorable à l'utilisation de la technologie que nous avons à disposition. »
L'Europe pourrait être amenée à repenser davantage son approche des OGM après l'apparition de nouvelles preuves que ses politiques actuelles nuisent à l'environnement. L'Agence Européenne pour l'Environnement a publié en octobre un rapport sur l'état de la nature dans l'UE, qui conclut que « les pratiques agricoles actuelles sont de loin le principal facteur affectant les habitats et les espèces » et que les pratiques agricoles et forestières non durables, ainsi que l'expansion urbaine et la pollution, sont responsables du « déclin grave et continu » de la biodiversité en Europe.
Le mois dernier, une nouvelle analyse scientifique a révélé que le refus de l'Europe d'autoriser les agriculteurs à cultiver des plantes génétiquement modifiées a entraîné l'émission évitable de 33 millions de tonnes de dioxyde de carbone nuisible au climat, soit l'équivalent de 7,5 % des émissions de gaz à effet de serre de l'ensemble du secteur agricole européen.
Après 12 mois pendant lesquels le coronavirus a dicté presque tous les aspects de notre vie, il convient de souligner que c'est grâce à la génétique que nous voyons maintenant la lumière au bout du tunnel. Certains des vaccins contre la Covid injectés dans les bras par millions utilisent le génie génétique, et tous utilisent la génétique de manière plus générale.
Les vaccins BioNTech/Pfizer et Moderna utilisent tous deux l'ARNm. Qu'est-ce que c'est, exactement ? M. Mark Lynas, de l'Alliance, explique :
« En gros, c'est une molécule d'acide nucléique simple brin qui transporte une séquence génétique de l'ADN du noyau de la cellule vers les usines à protéines – appelées ribosomes – qui se trouvent à l'extérieur du noyau, dans le cytoplasme cellulaire.
C'est ce que le "m" de l'ARNm signifie : messager. L'ARN messager ne fait que transmettre aux ribosomes les instructions contenues dans la matrice d'ADN pour l'assemblage des protéines. (Les protéines font presque tout ce qui compte dans l'organisme.) C'est tout.
C'est utile pour les vaccins car les scientifiques peuvent facilement reconstruire des séquences génétiques spécifiques qui codent pour des protéines qui sont spécifiques au virus envahisseur. Dans le cas de la Covid, il s'agit de la protéine spiculaire (de pointe) bien connue qui permet au coronavirus de pénétrer dans les cellules humaines.
Les vaccins à ARNm incitent quelques cellules proches du site d'injection à produire la protéine spiculaire. Cette protéine stimule ensuite le système immunitaire à produire les anticorps et les lymphocytes T qui combattront la véritable infection par le coronavirus lorsqu'elle se produira. »
Le vaccin Oxford/AstraZeneca, quant à lui, injecte un virus génétiquement modifié dans votre organisme. Bien que cela puisse sembler être une source de nourriture pour les sceptiques et les théoriciens de la conspiration, c'est en fait très cool. Là encore, M. Lynas explique comment cela fonctionne :
« Le vaccin d'Oxford utilise ce que l'on appelle une approche de « vecteur viral ». L'équipe scientifique a pris un adénovirus – un type d'agent pathogène qui provoque un rhume – et y a épissé la séquence génétique de la protéine spiculaire du coronavirus.
L'adénovirus sert simplement de véhicule pour faire entrer la séquence génétique dans les cellules. C'est bien pour cela qu'il est appelé « vecteur viral », après tout. Les virus ont été conçus par des milliards d'années d'évolution précisément pour trouver des moyens de se faufiler dans les cellules hôtes.
Notez que le génie génétique est une partie essentielle du processus de développement. Tout d'abord, les virus vecteurs sont dépouillés de tous les gènes qui pourraient vous nuire et provoquer une maladie. Les gènes qui provoquent la réplication sont également supprimés, de sorte que le virus est inoffensif et ne peut pas se répliquer.
Ensuite, les gènes de la protéine spiculaire du coronavirus sont ajoutés – une utilisation classique de l'ADN recombinant. »
Scientific American a terminé l'année avec un article fort et bien étayé qui souligne le consensus scientifique écrasant sur la sécurité des cultures GM et leur rôle dans la lutte contre les effets du changement climatique sur l'agriculture. Comme le note l'article :
« Pendant trop longtemps, la rhétorique sur le génie génétique en agriculture a été polarisée, et le raisonnement a été obscurci par l'émotion au lieu d'être fondés sur des preuves. Les deux parties sont responsables de l'antagonisme existant. Des stratégies de marketing extrêmement efficaces ont été fondées sur l'incitation à la peur et la diffusion de fausses informations. Les grandes entreprises ont semé la méfiance. Des promesses ont été faites qui n'ont jamais été réalisées.
Mais en 2020, le débat "OGM contre bio" est dépassé et stérile. »
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* Source : Lost year? Not for GMOs! - Alliance for Science (cornell.edu)