Le glyphosate a-t-il des effets sur le microbiote intestinal ?
Voici un rapport de l'Agence de Protection de l'Environnement du Ministère danois de l'Environnement qui ne fera pas les choux gras de nos merdias : « Effects of glyphosate on the intestinal microbiota » (effets du glyphosate sur le microbiote intestinal).
Vous l'aurez compris : ce n'est pas une bonne nouvelle pour des organes de presse pour lesquels les vraies bonnes nouvelles, s'agissant de leur audience et de leur tiroir-caisse, sont les mauvaises nouvelles.
Sautons à la fin : la publication fournit en annexe un lien vers un article scientifique, « Glyphosate has limited short-term effects on commensal bacterial community composition in the gut environment due to sufficient aromatic amino acid levels » (le glyphosate a des effets limités à court terme sur la composition de la communauté bactérienne commensale dans l'environnement intestinal en raison de niveaux suffisants d'acides aminés aromatiques), de Lene Nørby Nielsen, Henrik M. Roager, Mònica Escolà Casas, Henrik L. Frandsen, Ulrich Gosewinkel, Kai Bester, Tine Rask Licht, Niels Bohse Hendriksen et Martin Iain Bahl (https://doi.org/10.1016/j.envpol.2017.10.016).
En voici le résumé, découpé comme d'habitude :
Points forts
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Premier essai d'exposition animale à se concentrer sur l'impact du glyphosate sur les bactéries intestinales.
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Le glyphosate a des effets très limités sur la composition du microbiote intestinal in vivo.
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Les acides aminés aromatiques intestinaux atténuent l'effet antimicrobien du glyphosate.
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L'exposition orale au glyphosate augmente le pH du contenu intestinal.
Résumé
Récemment, des inquiétudes ont été soulevées quant au fait que les résidus d'herbicides à base de glyphosate pourraient interférer avec l'homéostasie de la communauté bactérienne intestinale et ainsi affecter la santé des humains ou des animaux. La voie biochimique de la synthèse des acides aminés aromatiques (voie du shikimate), qui est spécifiquement inhibée par le glyphosate, est partagée par les plantes et de nombreuses espèces bactériennes. Plusieurs études in vitro ont montré que divers groupes de bactéries intestinales peuvent être différemment affectés par le glyphosate.
Nous présentons ici les résultats d'un essai d'exposition animale combinant le séquençage profond du gène de l'ARNr 16S de la communauté bactérienne et le profilage métabolique des acides aminés aromatiques et de leurs métabolites en aval, basé sur la chromatographie en phase liquide et la spectrométrie de masse (LC-MS).
Nous avons constaté que le glyphosate ainsi que la formulation commerciale Glyfonova®450 PLUS, administrés à une dose jusqu'à cinquante fois supérieure à la dose journalière admissible européenne (DJA = 0,5 mg/kg de poids corporel), avaient des effets très limités sur la composition de la communauté bactérienne chez des rats Sprague Dawley au cours d'un essai d'exposition de deux semaines.
L'effet du glyphosate sur la croissance des bactéries prototrophes dépendait fortement de la disponibilité des acides aminés aromatiques, ce qui suggère que l'effet limité observé sur la composition bactérienne était dû à la présence de quantités suffisantes d'acides aminés aromatiques dans l'environnement intestinal.
Une forte corrélation a été observée entre les concentrations intestinales de glyphosate et le pH intestinal, ce qui peut s'expliquer en partie par la réduction observée de l'acide acétique produit par les bactéries intestinales.
Nous concluons que des niveaux intestinaux suffisants d'acides aminés aromatiques fournis par le régime alimentaire atténuent le besoin de synthèse bactérienne des acides aminés aromatiques et empêchent ainsi un effet antimicrobien du glyphosate in vivo. Il est cependant possible que la situation soit différente en cas de malnutrition humaine ou chez les animaux de production. »
La première assertion est fausse. Nous avons déjà rapporté des études, réalisées notamment par le très militant Ramazzini Institute ici (ici pour l'instrumentalisation médiatique) et ici. Il y eut une autre encore, plus récente, que nous avons abordée, sous l'angle d'une instrumentalisation éhontée, dans « Glyphosate : et hop, la gesticulation sur le microbiote dans le Monde, Planète de M. Stéphane Foucart évidemment ».
Le résumé de l'étude danoise n'est pas surprenant : le glyphosate inhibe la voie de synthèse des acides aminés aromatiques. Si ceux-ci sont présents dans le milieu, les bactéries disposant de cette voie font comme les autres qui n'en disposent pas : elles se servent dans le milieu... fin de l'histoire.
Les auteurs ont poussé leur étude jusqu'à cinquante fois la dose journalière admissible européenne (jusqu'à 25 mg/kg P.C./jour). Pour notre « crevette » de référence en toxicologie (50 kg de poids corporel), cela correspond à 1,25 gramme de glyphosate, ou encore 0,17 litre de Roundup (ancienne version) prêt à l'emploi, dosé à 7,2 g/L., ou encore l'équivalent d'un verre de vin standard plus un autre rempli au trois quarts.
Les escroqueries des tests d'urine réalisés par le laboratoire BioCheck de Leipzig, que ce soit pour le scandaleux Envoyé Spécial de janvier 2019 ou pour les « pisseurs involontaires de glyphosate », sont à cet égard, en quelque sorte, une bénédiction : les résultats – dont on sait qu'ils sont faux, et surtout surévalués – sont dans le domaine du microgramme/litre d'urine et pointent vers une « contamination » (si elle était réelle) de l'ordre de 10 microgrammes/personne/jour.
Rappelons à cet égard, que le glyphosate éventuellement absorbé et évacué par les selles (de l'ordre de 70 à 80 % de la dose absorbée), ne fait que transiter par notre corps – sachant que, comme le confirme l'étude danoise (et d'autres), il n'a aucun effet marquant sur le microbiote dans la vie réelle.
Dans leur article scientifique, les auteurs notent une présence de glyphosate et de son métabolite, l'AMPA, dans les échantillons intestinaux des rats du groupe contrôle à des doses de 1,0 ± 0,03 μg/g et 0,72 ± 0,12 μg/g. Ils l'expliquent par la présence de résidus dans l'aliment standard. C'est peut-être une faiblesse de l'étude. Mais, d'une part, les humains ne consomment pas du maïs et du soja bruts, éventuellement GM (mais pourraient consommer des céréales ou des graines de légumineuses ayant fait l'objet d'une dessication par le glyphosate), et, d'autre part, on reste à des niveaux très inférieurs à la DJA.
La recherche a porté non seulement sur le glyphosate pur, mais aussi sur des formulations commerciales. Il se confirme une fois de plus que les co-formulants sont beaucoup plus actifs que le glyphosate. Et, sauf erreur de notre part, ces co-formulants ne se retrouvent pas dans nos aliments.
Par ailleurs, il serait peut-être utile de vérifier par une recherche dans la littérature si les outils modernes (les « omics » en particulier) et les modélisations ne produisent pas des résultats menant à des interprétations excessives de l'effet des molécules analysées.
Les auteurs de « Use of Shotgun Metagenomics and Metabolomics to Evaluate the Impact of Glyphosate or Roundup MON 52276 on the Gut Microbiota and Serum Metabolome of Sprague-Dawley Rats » (utilisation de la métagénomique à grand débit et de la métabolomique pour évaluer l'impact du glyphosate et du Roundup MON 52276 sur le microbiote intestinal et le métabolome sérique du rat Sprague-Dawley) avaient conclu avec modestie :
« Notre étude souligne la puissance des approches multi-omiques pour étudier les effets toxiques des pesticides. La multi-omique a révélé que le glyphosate et le MON.52276 inhibaient la voie du shikimate dans le microbiote de l'intestin du rat. Nos conclusions pourraient être utilisées [could be used] pour développer des biomarqueurs pour les études épidémiologiques visant à évaluer les effets des herbicides au glyphosate sur les humains. https://doi.org/10.1289/EHP6990 »
C'était devenu : « Le glyphosate peut perturber le microbiote à des doses très faibles, selon une étude internationale » sous la plume de M. Stéphane Foucart dans le Monde Planète du 2 février 2021 (date sur la toile).
Il n'écrira pas, à propos de l'étude danoise : « le glyphosate n'a que des effets très limités à court terme sur le microbiote intestinal ». Pas dans la ligne éditoriale...