De la ferme à la table, etc. : l'enquête de l'UE sur les pesticides est naïve, chimiophobe et polluée par le militantisme (1ère partie)
Risk-monger*
La Commission Européenne organise [a organisé] une consultation publique sur les pesticides afin de réviser sa directive sur l'utilisation durable des pesticides et de légitimer sa stratégie de la ferme à la fourchette (Farm2Fork – qui inclut le bio). En se fronçant le nez, le Risk-monger a pensé que cela valait la peine de participer.
Mais le questionnaire était tellement chargé de préjugés chimiophobes, d'erreurs stupides (que n'importe quel élève de CM2 pourrait corriger) et de propagande militante que l'ensemble du processus semblait aussi équitable pour les agriculteurs et les agronomes qu'une audition publique du Parlement Européen organisée par des députés Verts pour le compte des Amis de la Terre et du Pesticide Action Network. Cet article n'est pas une satire, mais si cette enquête EUSurvey est le reflet du niveau de compréhension et de respect de la Commission Européenne pour la science et l'agriculture, alors je conseillerais aux agriculteurs européens de vendre leurs terres et de s'installer dans des pays qui ont un minimum de respect pour l'élément le plus important de la chaîne alimentaire.
La stratégie de la ferme à la fourchette de l'UE était un ajout que Mme Ursula von der Leyen a imposé, sur la base de conseils scientifiques limités, à la DG Santé pour mettre plus de beurre sur la tartine du Green Deal, du Pacte Vert. Mais cette consultation publique aurait dû donner aux fonctionnaires de la Commission les moyens de limiter discrètement le carnage que le cabinet de Mme von der Leyen infligeait aux agriculteurs et aux consommateurs européens (sans parler de la sécurité alimentaire mondiale). Le fait que personne ne se soit manifesté pour « faire un CCR » [consulter le Centre Commun de Recherche] implique qu'il n'y a plus d'expertise scientifique (ou de colonne vertébrale) au sein de la DG Santé.
Avant de publier ma contribution à l'enquête EUSurvey (prochain article), j'ai donc pensé que je devais analyser les hypothèses chimiophobes et les grossières erreurs scientifiques qui parsèment la consultation publique de la Commission Européenne. Ce qui suit sont des captures d'écran du questionnaire, puis quelques commentaires de ma part pour souligner le manque d'« attention » intellectuelle que nos fonctionnaires ont consacré à leur stratégie de la ferme à la table.
Etant donné l'importance de l'avenir de l'agriculture européenne, je demande instamment à ceux qui s'intéressent à l'agriculture et à la production alimentaire de prendre le temps d'interpeller la Commission Européenne sur son soutien naïf à une campagne idéologique contre les technologies agricoles [trop tard !]. Cette question est trop importante pour laisser des activistes fanatiques influencer complètement le processus tout en laissant les Européens dépendre des autres pour les nourrir.
Participez à la consultation ici (ouverte jusqu'au 12 avril [trop tard]). Les questions étant biaisées, je vous recommande de télécharger vos commentaires dans un fichier à la fin de l'enquête.
Après qu'il a été démasqué – les agriculteurs biologiques utilisent également des pesticides –, le lobby de l'industrie des produits biologiques a commencé à sortir de son petit coin de mensonge en déclarant que les aliments biologiques ne contenaient pas de pesticides de synthèse (un autre mensonge) ou de produits chimiques toxiques. Toute personne ayant reçu la formation scientifique la plus élémentaire comprendrait que tout est composé de substances chimiques et que toutes les substances doivent être évaluées en fonction de leur toxicité et des niveaux d'exposition. Une tasse de café, par exemple, contient plus de 1.000 substances chimiques et la plupart de celles que nous avons réellement testées se sont révélées très toxiques pour les souris.
Pourquoi alors la Commission Européenne pense-t-elle pouvoir utiliser le terme « pesticides chimiques » pour désigner, je suppose, les outils de protection des plantes de synthèse et, pour une raison ou une autre, penser qu'ils pourraient être conceptuellement différenciés des pesticides naturels, moins testés, utilisés par les agriculteurs biologiques ? C'est ridicule, même pour un élève de CM2, mais le fait que l'on ait permis à un vocabulaire aussi naïf de se frayer un chemin dans une consultation publique de la Commission Européenne (16 fois !) n'est pas seulement embarrassant, c'est aussi, franchement, d'une extraordinaire stupidité.
La DG Santé essaie-t-elle d'apaiser les chimiophobes ? Ce questionnaire de consultation a-t-il été rédigé par une ONG militante ou par un fonctionnaire véreux de la Commission ayant des objectifs politiques ? Sommes-nous censés exclure les pesticides biologiques (qui sont souvent bien plus toxiques pour l'homme et l'environnement) de la stratégie de la ferme à la table de l'UE parce que, selon un fonctionnaire de Bruxelles, ils ne sont pas des... « produits chimiques » ?
Comment la communauté scientifique peut-elle prendre la Commission Européenne au sérieux ?
Les techniques non chimiques pourraient inclure des actions comme le désherbage manuel en remplacement des herbicides ou l'introduction de prédateurs naturels, mais l'enquête a choisi le terme : « pesticides non chimiques ». Qu'est-ce que cela signifie ? Sont-ils 100 % sûrs et non toxiques ? Pourquoi alors utiliser un produit aussi inoffensif et amical si l'objectif de l'application d'un pesticide est d'éradiquer une menace pour une culture ? Si le terme désigne les produits chimiques naturels approuvés pour l'agriculture biologique, comment savoir s'ils sont « sans risque » (car de nombreux pesticides approuvés pour l'agriculture biologique ne sont pas soumis à des tests rigoureux) ? Le mancozèbe, par exemple, un soi-disant « pesticide chimique », est bien plus sûr pour l'homme et l'environnement que son équivalent « non chimique » utilisé par les agriculteurs biologiques, le sulfate de cuivre. Désolé, mais le Risk-monger est-il le seul à voir à quel point ce jeu avec des mots est totalement absurde ? Le Risk-monger est-il le seul à comprendre que la dichotomie artificielle entre naturel et synthétique n'a aucune valeur pratique pour les agriculteurs, l'environnement ou la sécurité alimentaire ?
Y a-t-il quelqu'un à la DG Santé qui possède un diplôme de premier cycle en chimie ?
Les questions de suivi énumérées ci-dessus ne sont pas bien meilleures. Tous les agriculteurs aimeraient utiliser moins de pesticides s'ils le pouvaient. En tant que gestionnaire des risques, chaque agriculteur aimerait réduire les risques que présentent les pesticides pour les cultures, le sol et lui-même. Dès la première partie de la consultation, il est apparu que les fonctionnaires de la DG Santé responsables de cette enquête ne connaissent absolument rien des agriculteurs européens et des défis auxquels ils sont confrontés (sans parler des notions élémentaires de chimie).
Oui... et...
...et c'est une bonne chose car certains ravageurs s'avèrent plus difficiles et plus destructeurs que d'autres. Dans de nombreuses situations, vous avez besoin de produits chimiques plus puissants pour vous protéger contre des menaces plus graves. Tout gestionnaire de risques sait que les produits chimiques dangereux doivent être gérés correctement en réduisant les expositions au niveau le plus bas possible. Si vous adhérez à l'approche fondée sur le danger (selon laquelle tous les dangers sont nocifs et doivent être éliminés, quels que soient les niveaux d'exposition ou les avantages), vous serez facilement influencé par la doctrine selon laquelle tout ce qui n'est pas 100 % sûr et sans risque doit être retiré de la circulation (quelles que soient les conséquences potentiellement négatives). Certains militants appellent cela le « principe de précaution » et pensent qu'il devrait être utilisé à la place de la gestion des risques.
Après 20 ans de recours au principe de précaution, faut-il s'étonner que les fonctionnaires de la Commission Européenne n'aient aucune idée des outils de base nécessaires à la gestion des risques ? Avec la Covid-19, nous avons été témoins des conséquences dévastatrices lorsque nos responsables gouvernementaux se sont révélés incapables de gérer les risques, ce qui a eu pour conséquence de devoir contraindre les populations à des mesures de précaution répressives et débilitantes. Sans aucune compréhension des mesures de réduction des risques, de l'élaboration de scénarios ou de la gestion de l'exposition, devrions-nous vraiment habiliter les précautionnistes se fondant sur le danger à gérer une stratégie de type de la ferme à la table (qui leur est imposée à d'autres fins) ?
Dans le cadre de la consultation de la Commission Européenne, une question a été posée pour apaiser les activistes zélés et bien-pensants qui estiment que leur point de vue compte plus que les avantages pour le bien commun.
Tous les chimiophobes non scientifiques qui auront répondu à cette consultation publique auront mordu à l'hameçon et cliqué sur « Oui, certainement » à cette question tendancieuse. Mais prenons quelques exemples pour montrer à quel point ce droit de savoir du public serait ridicule et inapplicable. Si je remarque que les pruniers de mon jardin sont dévorés par une infestation d'insectes (ils adorent les prunes), dois-je attendre que tous les habitants de l'immeuble d'en face soient informés avant de m'attaquer au problème ? La plupart des parcs sont entourés de milliers de personnes. Si un jardinier remarque que des limaces dévorent les parterres de fleurs, le traitement serait-il suspendu si un habitant du bâtiment 34G, numéro 135, s'inquiète du risque ?
Toute personne vivant dans une communauté rurale a accepté, le jour de son déménagement, de vivre à côté d'exploitations agricoles et devrait accepter que les agriculteurs doivent protéger leurs cultures. Quant au couple possédant une résidence secondaire dans la campagne française qui pensait pouvoir poursuivre un agriculteur pour le bruit que faisait son coq chaque matin, la réponse est simple : retournez en ville, bande de zélotes cosmopolites !
Le fait que la Commission Européenne ait même inclus une question aussi stupide dans cette consultation publique montre où ils vivent et ce qu'ils pensent des agriculteurs.
En lisant les questions de la consultation publique de la Commission Européenne, j'ai eu le sentiment que ce sur quoi nos autorités se concentrent, c'est l'utilisation des pesticides par les jardiniers amateurs et le grand public – des personnes sans expérience, sans formation en gestion des risques chimiques et sans compréhension des alternatives. La seule autre explication est que nos fonctionnaires pensent que les agriculteurs européens sont stupides.
Les activistes à l'origine de l'élaboration de la stratégie de la ferme à la table de l'UE utilisent de manière trompeuse l'ignorance des consommateurs s'agissant des jardins comme un voile pour retirer les agro-technologies des champs et des serres européens qui alimentent notre chaîne alimentaire. Lorsqu'une campagne visant à interdire un herbicide se concentre sur les bidons verts de mon magasin de bricolage local, cela ne concerne pas seulement moi – je peux facilement me pencher et arracher cette mauvaise herbe – mais cela prive les agriculteurs d'un élément bénéfique de la gestion des sols européens, rendant ainsi des millions d'hectares moins durables et moins fertiles.
Honnêtement, il n'y aurait guère de problème si l'UE décidait d'interdire la plupart des pesticides destinés directement aux consommateurs tout en permettant aux agriculteurs de continuer à utiliser correctement ces outils essentiels. Mais l'idée d'interdire tous les pesticides « chimiques » au secteur agricole parce que M. Jean Dupond, qui habite à Trifouilly-les-Oies, n'a pas dilué correctement son insecticide lorsqu'il a pulvérisé ses roses est aussi idiote que d'interdire tous les emballages plastiques parce que quelqu'un en a négligemment jeté un dans la rue... Bon, d'accord, c'est peut-être comme ça, mais pourquoi la Commission Européenne doit-elle contribuer à cette absurdité ?
Qu'en est-il du coût pour l'humanité de l'absence de sécurité alimentaire, du coût de la perte de biodiversité due à la demande accrue de terres agricoles pour nourrir une population mondiale croissante avec des technologies agricoles moins efficaces, du coût pour l'économie de l'augmentation des prix et des importations alimentaires ou du coût pour la santé humaine de ceux qui ne peuvent pas s'offrir cinq portions quotidiennes de fruits et légumes ? Cette proposition a été rédigée par un citadin riche et ignorant qui n'a aucune idée de la façon dont les aliments sont produits. Elle reflète l'idéologie de la campagne True Cost of Food, sur le coût réel de l'alimentation. Les militants à l'origine de cette campagne ayant été traduits en justice et reconnus coupables de mensonges, pourquoi la Commission Européenne continue-t-elle à faire écho à leur propagande ?
Avons-nous vraiment besoin d'« informer » les citoyens européens des effets nocifs des pesticides ? Je suppose que quelqu'un à Bruxelles pense encore que le lobby de l'industrie des produits biologique n'a pas déjà fait un assez bon travail en terrifiant les consommateurs européens pour qu'ils paient beaucoup plus pour leur label alimentaire de luxe.
J'aimerais penser qu'un tel plan comprendrait une campagne de communication qui apaiserait les craintes et fournirait quelques informations scientifiques (par exemple, qu'il y a plus de substances cancérigènes dans une seule tasse de café que dans tous les résidus de pesticides présents dans une année entière de consommation de fruits et légumes cultivés de manière conventionnelle – Bruce Ames). Puis j'ai vu l'expression « effets nocifs potentiels » et j'ai compris que la Commission Européenne avait l'intention d'intensifier la rhétorique chimiophobe et d'effrayer le public avec sa stratégie de la ferme à la table.
Ce texte a dû être écrit par un militant d'une ONG car seul un zélateur utiliserait un vocabulaire aussi arrogant. Que signifie « éduquer » quelqu'un sur ses pratiques ? Seul un activiste conclurait qu'il faut corriger ces gens stupides qui ne savent pas.
Il existe déjà des pesticides « non chimiques » moins dangereux (traduction : pesticides autorisés en agriculture biologique) largement disponibles sur le marché. Le problème est qu'ils ne fonctionnent pas très bien, de sorte que toute personne ayant un peu d'expérience dans la protection des plantes ne les achètera pas.
Et c'est à cela que la stratégie de la ferme à la table veut que toute l'Europe revienne ? Whiskey, Tango, Foxtrot ? Ce serait comme exiger que tous les Européens reviennent en arrière et n'utilisent que des ordinateurs Commodore 64.
Au début, je pensais que c'était une idée géniale. Que la Commission Européenne pensait à une stratégie plus intégrée en matière d'agritech, en autorisant, par exemple, le développement de plantes résistantes à des herbicides. Une étude du NIAB [National Institute of Agricultural Botany britannique] réalisée en 2008 montre que plus de 50 % des augmentations de rendement agricole sont dues à l'amélioration des technologies des semences... Je voterais donc sans hésiter pour cette idée.
Mais ensuite, j'ai vu les mots « pesticides chimiques » et j'ai compris que la question ne portait pas sur les technologies de semences améliorées mais sur le principe de précaution. Chaque interdiction de pesticide (en l'absence d'une meilleure technologie pour résoudre les problèmes de ravageurs) a conduit les agriculteurs à abandonner les cultures concernées (comme nous l'avons vu avec le déclin rapide de la production de colza suite à l'interdiction des néonicotinoïdes par l'UE). La Commission Européenne demande en fait ici à ses citoyens s'ils accepteraient de ne cultiver dans l'UE que des cultures qui n'auraient pas besoin de pesticides (comme la luzerne, l'herbe et certains arbres). Elle aurait dû être plus franche et poser la question suivante : pour avoir une Europe sans pesticides (chimiques), seriez-vous d'accord pour importer tous vos fruits et légumes et la plupart des céréales d'autres pays (principalement d'Afrique où des millions de petits exploitants peuvent nourrir votre famille à condition de retirer leurs enfants de l'école pour désherber à la main et lutter contre les infestations) ? Cette question aurait été honnête.
Depuis plusieurs générations, nos agriculteurs envoient leurs enfants à l'université pour étudier diverses sciences agricoles. Ils y étudient la chimie et la gestion des risques. Je me demande ce que doivent ressentir les agriculteurs européens lorsqu'ils lisent une telle phrase écrite par un fonctionnaire de la Commission Européenne titulaire d'une licence en histoire de l'art qui pense que les agriculteurs sont stupides. La plupart des États membres de l'UE exigent que tout agriculteur qui utilise des pesticides soit certifié. Ce fonctionnaire de la Commission est payé pour le savoir.
Ce qui est encore pire, c'est l'hypothèse sous-jacente selon laquelle les agriculteurs doivent simplement prendre plaisir à déverser des produits chimiques dans la gorge de Mère Nature et qu'ils ne savent tout simplement pas faire mieux en détruisant volontairement la source de leurs propres moyens de subsistance. On peut s'attendre à ce genre d'insultes horribles de la part de militants écologistes fortunés qui répandent hypocritement leur peur, leur indignation et leur dogme fondamentaliste, mais il s'agit ici d'une publication d'une institution européenne qui cherche à obtenir l'avis de sa population. L'affirmation implicite selon laquelle les agriculteurs utilisent des pesticides parce qu'ils ne savent pas faire mieux représente la pensée officielle de l'Union européenne.
Compte tenu du temps que j'ai passé à rencontrer des agriculteurs européens, à parcourir leurs champs avec eux, à partager leurs préoccupations lors d'appels Zoom, compte tenu des conversations que j'ai observées entre les agriculteurs et leurs agronomes, compte tenu de ma propre expérience, on peut affirmer sans risque de se tromper que s'il y a une quelconque ignorance ou un quelconque besoin de formation et d'orientation, c'est chez les fonctionnaires de la Commission Européenne qui ne comprennent manifestement pas les personnes qu'ils représentent et celles qui souffriront gravement des conséquences de ce préjugé mal fondé.
Mme Stella Kyriakides devrait s'excuser auprès des agriculteurs européens et retirer ce document insultant.
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* David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur Twitter oulapage Facebook de Risk-Monger.