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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

CRISPR peut-il dompter la grippe aviaire et prévenir la prochaine pandémie ?

6 Avril 2021 , Rédigé par Seppi Publié dans #CRISPR, #élevage

CRISPR peut-il dompter la grippe aviaire et prévenir la prochaine pandémie ?

 

Justin Cremer*

 

 

Image : Shutterstock/monticello

 

 

Maintenant que le déploiement du vaccin contre la Covid-19 prend de la vitesse, il est tentant d'espérer que le monde pourra bientôt dépasser les horribles bilans humains et économiques de la pandémie de coronavirus et revenir à la « normale ». Malheureusement, comme l'ont souligné des scientifiques et même des humoristes, notre mode de vie « normal » nous expose à d'autres pandémies.

 

Selon le Financial Times, il y a quelque 1,6 million de virus chez les mammifères et les oiseaux et environ 700.000 d'entre eux pourraient potentiellement infecter les humains. La grande majorité d'entre eux n'ont pas fait le saut vers l'homme et les risques qu'ils présentent sont donc inconnus. Nous en connaissons d'autres, qui suscitent de vives inquiétudes.

 

L'un d'eux est le virus de la grippe aviaire, une maladie respiratoire hautement infectieuse qui peut rapidement décimer des populations massives de volailles. La transmission à l'homme est plutôt rare, mais lorsqu'elle se produit, elle est incroyablement dangereuse. Selon l'OMS, le taux de mortalité humaine en cas d'infection par le virus H5N1 est de 60 %. La FAO rapporte qu'une autre souche de la grippe aviaire, H7N9, a causé 616 décès humains depuis 2013. Les deux souches peuvent provoquer des pandémies, préviennent les responsables de la santé.

 

 

Nombreuses épidémies actuelles

 

Au-delà des risques pour la santé humaine, les souches de grippe aviaire peuvent créer des ravages économiques dans l'industrie mondiale de la volaille. À l'heure actuelle, de nombreux foyers du virus hautement pathogène H5N8, dont il n'a pas été démontré qu'il pouvait infecter l'homme, sévissent en Asie et obligent les éleveurs de volailles à abattre des millions d'oiseaux. La Corée du Sud a abattu près de 29 millions de volailles, le Japon a dû en éliminer plus de 7 millions et l'Inde est confrontée à « l'une des pires épidémies jamais enregistrées ».

 

À la mi-février, on dénombrait également près de 500 foyers de grippe aviaire en Europe, tandis que des foyers au Nigeria et en Algérie ont semé l'inquiétude chez les éleveurs de volailles africains.

 

 

CRISPR à la rescousse ?

 

Les préoccupations en matière de sécurité entourant la grippe aviaire se traduisent souvent par une approche du type « mieux vaut prévenir que guérir », qui aboutit à des ordres d'abattage massif causant d'énormes dommages économiques aux éleveurs de volailles. Une épidémie survenue en 2015 aux États-Unis a entraîné la mort de quelque 50 millions d'oiseaux et un bilan économique estimé à 3,3 milliards de dollars.

 

La startup agrotechnique israélienne eggXYt, plus connue pour ses poules à détection du sexe, pense que la technologie CRISPR qu'elle utilise pour éliminer l'abattage des poussins mâles pourrait également être utilisée pour développer des poules résistantes à la grippe aviaire.

 

« La transition du sexage à la résistance à des maladies a été pour nous très naturelle. Nous pensons que CRISPR et d'autres outils d'amélioration génétique avancés sont la clé de la création d'une industrie de l'élevage plus durable, tant en termes de bien-être animal que d'efficacité agricole », a déclaré Yehuda Elram, cofondateur et PDG d'eggXYt, à l'Alliance pour la Science.

 

En décembre, eggXYt a annoncé qu'elle collaborait avec la startup britannique Tropic Biosciences pour utiliser l'édition des gènes afin de créer une résistance à cette maladie coûteuse et mortelle.

 

« Après l'épidémie de Covid-19, nous sommes tous très conscients de la menace que représentent les zoonoses pour la santé humaine et nous sommes donc particulièrement motivés pour nous lancer dans un projet qui pourrait contribuer à prévenir d'autres pandémies », a déclaré M. Elram dans un communiqué de presse commun.

 

 

Appliquer la technologie des cultures à la volaille

 

Le projet sur la grippe aviaire utilisera la technologie GEiGS (Gene Editing induced Gene Silencing) de Tropic Biosciences, actuellement utilisée pour créer une résistance à des maladies dans les cultures tropicales comme les bananiers.

 

« La plateforme GEiGS exploite les mécanismes de défense naturels pour s'attaquer directement aux agents pathogènes, résolvant ainsi le lourd fardeau de la découverte de gènes cibles pour les applications d'édition de gènes », a déclaré M. Eyal Maori, cofondateur et directeur scientifique de Tropic Biosciences. « Cela suscite un intérêt considérable pour la technologie de la part de parties tierces et nous sommes ravis de nous associer à eggXYt et à d'autres entreprises innovantes du secteur plus large de l'agriculture et des sciences de la vie. »

 

M. Elram a déclaré que les récentes épidémies en Europe ont incité eggXYt à identifier « la prévention des maladies chez les volailles comme un problème qui mérite d'être résolu. »

 

« Nous étions conscients que les maladies aviaires infligent d'énormes dégâts. Avec la grippe aviaire en particulier, chaque fois qu'une épidémie est signalée, généralement tous les oiseaux dans un certain rayon doivent être abattus selon la loi, qu'ils aient été infectés ou non », a-t-il déclaré. « C'est une réalité cruelle qui s'accompagne d'un prix élevé. »

 

 

D'autres maladies à l'avenir ?

 

Il a ajouté que les capacités d'édition de gènes créées par la société lors du perfectionnement de sa solution de sexage pourraient être appliquées à la résistance à des maladies.

 

« Nous avons réuni une équipe de biologistes moléculaires de renommée mondiale, spécialisés dans l'édition des gènes et dans la science aviaire, ce qui leur confère une position unique pour relever ce défi », a déclaré M. Elram. « Nous sommes l'une des seules, si ce n'est la seule, entreprises dont c'est l'un des principaux atouts. En utilisant l'édition des gènes, notre équipe est en mesure de conférer aux poules une immunité génétique contre toute une série de maladies, dans ce premier cas la grippe aviaire. »

 

eggXYt et Tropic Bioscience espèrent que la solution d'interférence ARN (ARNi) qu'ils utilisent permettra d'accélérer les processus d'approbation réglementaire. M. Elram a déclaré que le travail d'eggXYt sur le sexage des œufs et la résistance à des maladies illustre le potentiel infini que CRISPR peut avoir pour « le bien-être et la santé des animaux et, par extension, la santé humaine, puisque tant de maladies humaines sont aujourd'hui zoonotiques. »

 

« La grippe aviaire n'est que la première des nombreuses maladies auxquelles nous espérons nous attaquer grâce à cette méthodologie », a-t-il déclaré. « Si le sexage est une application incroyable de CRISPR, la résistance à des maladies ouvre la porte pour lutter contre d'innombrables autres maladies chez les volailles et autres animaux d'élevage qui peuvent être prévenues grâce à cette technologie. »

 

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* Source : Can CRISPR tame avian flu and prevent the next pandemic? - Alliance for Science (cornell.edu)

 

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