Un « bricoleur » n'est pas un paysan
Les guillemets dans le titre sont destinés à respecter l'honorabilité – nullement en cause, bien au contraire – de la personne qui est le personnage central d'un article de France 3 Bretagne, « A Rennes, Mikaël a fait le pari de vivre de l'agriculture urbaine ».
En chapô :
« A Rennes, Mikaël Hardy a prouvé qu’un paysan peut vivre dignement en exploitant une petite parcelle sans emprunt et sans subvention. La sienne mesure un demi-hectare et il en tire deux SMIC. Son secret : tout travailler à la main pour éviter le coût de la mécanisation. »
Pour le dire crûment, y en a marre de ces reportages de « journalistes » qui ne comprennent rien ou pas grand-chose aux sujets qu'ils abordent, prennent des vessies pour des lanternes et font prendre des vessies pour des lanternes dans les milieux qui sont détachés des réalités de l'agriculture.
Nous ne pouvons qu'espérer que M. Mickaël Hardy vit dignement de son travail, s'agissant tant de la pénibilité d'un travail entièrement manuel que des résultats.
Mais de là à l'appeler « paysan » et à laisser entendre que sa démarche est un exemple généralisable, il y a un pas que le journaliste aurait dû s'interdire de franchir.
M. Mickaël Hardy travaille donc sur un demi-hectare « prêté » par la ville de Rennes. Cela représente une charge en moins. Exploite-t-il toute la surface, à la main, sans outils motorisés ? Nous ne le saurons pas vraiment. Mais les photos laissent entrevoir qu'une partie du terrain est aménagée en une sorte d'espace vert.
Selon l'article :
« Mikaël a mûrement réfléchi sa stratégie basée sur la permaculture : "Sur 1 m² avec un tracteur on fait deux rangs de légumes. A la main j’en fais sept. Pour moi l’idéal, c’est 3000 m² à la main pour 2 personnes. Chacun en retire un SMIC."
Les travaux de la ferme expérimentale du Bec Hellouin en Normandie vont encore plus loin, affirmant que 1000 m² suffisent pour dégager un SMIC. »
Des travaux dont les comptes rendus doivent être étudiés avec la plus grande attention pour distinguer les illusions des réalités.
M. Mickaël Hardy s'est installé sans emprunt ni subvention, en maintenant une activité parallèle.
« Aujourd’hui, ce pionnier vend des plants, des graines et sa production de légumes en paniers ou sur les marchés de Rennes. Pour se rendre sur les marchés, là encore, Mikaël bannit les engins à moteur. C’est donc à vélo qu'il parcourt les trois kilomètres. »
C'est donc que, pour que « ça marche » ainsi, il ne faut pas être trop éloigné de son marché. Ce n'est ps donné à tout le monde.
M. Mickaël Hardy vend aussi 30 paniers de légumes par semaine (à 15 euros le panier). Mais :
« Mikaël Hardy, lui, estime pourvoir à l’alimentation de 80 familles sur sa parcelle. "En France on a 5000 m² de terre disponible pour nourrir chaque habitant. Or une vache a besoin de 10 000 m² donc avec un régime végétarien, on peut arriver à une autonomie de 100% sur le territoire français." »
Là, on est entré dans le discours de l'intégrisme « écologique », largement déroulé dans l'article. Ainsi :
« Vers une autosuffisance des métropoles ?
En se basant sur des hypothèses de régime alimentaire moins carné et une utilisation optimale des surfaces "vertes" disponibles (toits, espaces publics...), l'étude de l'Agrocampus affirme que la métroppole rennaise peut assouvir ses besoins alimentaires dans un rayon de 22 kilomètres autour de Rennes (soit 8 km au-delà des frontières de la métropole stricto sensu). »
Y compris pour les productions qui nous fournissent l'énergie, telles que le blé tendre et le blé dur, la betterave sucrière (pour laquelle on devrait installer une sucrerie) ?
Le rêve éveillé « écolo », quoi...
En tout cas, qualifier de « paysan » un personnage qui produit des graines, des plants et des légumes – et manifestement déploie ou envisage de déployer d'autres activités – est une aberration, tout comme les ambitions de créer une « autonomie alimentaire » des centres urbains qui fonctionneraient comme les anciennes seigneuries de la féodalité.
Ras le bol ! Oui, « on » peut vivre d'une micro-ferme, et M. Mickaël Hardy nous le prouve (pour autant que l'article soit honnête). Non, tout le monde ne peut pas vivre d'une micro-ferme.