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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Selon une étude, l'édition du génome est sur le point de garantir l'approvisionnement alimentaire mondial

28 Mars 2021 , Rédigé par Seppi Publié dans #CRISPR, #Article scientifique

Selon une étude, l'édition du génome est sur le point de garantir l'approvisionnement alimentaire mondial

 

Joan Conrow*

 

 

Image : une plante de tomate modifiée par édition de gènes. Cold Spring Harbor Laboratory

 

 

L'édition du génome est sur le point de révolutionner l'amélioration des plantes et pourrait contribuer à sécuriser l'approvisionnement alimentaire mondial, selon un nouvel article paru dans Cell.

 

Cette technologie émerge à un moment où l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture prévoit que la population humaine atteindra 10 milliards en 2050, ce qui nécessitera une augmentation de la production alimentaire alors même que le changement climatique met les systèmes agricoles à rude épreuve.

 

Le développement des technologies d'édition du génome des plantes offre de nombreuses possibilités de sélection végétale, écrit Mme Caixia Gao, chercheuse à l'Académie Chinoise des Sciences de Beijing.

 

« La mutagenèse efficace, précise et ciblée par l'édition du génome a jeté les bases de nombreuses stratégies de sélection de prochaine génération qui révolutionneront l'avenir de l'agriculture », écrit Mme Caixia Gao. « Pour exploiter tout le potentiel de l'édition du génome des plantes, toutes les approches doivent être explorées ».

 

Mme Gao explique que l'édition du génome permet de concevoir rationnellement une combinaison de traits génétiques dans les plantes cultivées, ce qui permet d'obtenir des résultats similaires à ceux de la sélection classique, mais de manière plus efficace et plus rapide.

 

« Toutefois, il est peu probable que la sélection de prochaine génération fondée sur l'édition du génome supplante complètement les approches conventionnelles ; ce n'est qu'en la combinant avec d'autres technologies, telles que le phénotypage à haut débit, la sélection génomique et la sélection rapide, que nous pourrons garantir la mise en œuvre généralisée de l'édition du génome dans l'agriculture », affirme Mme Gao. « Cette approche multidisciplinaire fera progresser l'amélioration des plantes pour contribuer à assurer une deuxième révolution verte afin de répondre aux demandes alimentaires croissantes d'une population mondiale en augmentation rapide dans des conditions climatiques en constante évolution ».

 

Mme Gao soutient que l'amélioration des plantes conventionnelle a atteint ses limites pour nourrir une population mondiale en constante augmentation, les progrès techniques tels que la sélection assistée par marqueurs et la sélection assistée par génomique repoussant encore les limites.

 

« L'édition du génome ouvre une nouvelle boîte à outils pour l'amélioration des plantes qui doit être effectuée à un rythme sans précédent et d'une manière efficace et rentable, ce qui propulsera l'amélioration des plantes au-delà de sa limite actuelle et passera à la prochaine génération », constate Mme Gao.

 

Comme la technologie se développe rapidement, elle a été appliquée aux principales céréales telles que le riz, le blé et le maïs, ainsi qu'à d'autres cultures importantes pour la sécurité alimentaire, comme la pomme de terre et le manioc, relève l'article.

 

En outre, les outils récemment développés dans le contexte de CRISPR, tels que les base editors et les prime editors, ont considérablement élargi le champ d'application de l'édition du génome, écrit Mme Gao. Cela « permet de créer des substitutions précises de nucléotides et des délétions et insertions ciblées d'ADN. Les technologies de CRISPR-Cas, combinées aux méthodes modernes de sélection, joueront un rôle important dans les programmes d'amélioration des plantes ».

 

Un avantage majeur de CRISPR par rapport à d'autres nucléases spécifiques de séquences programmables (SSN – sequence-specific nucleases) est sa capacité à éditer simultanément plusieurs sites cibles, relève l'article.

 

Mais même avec ces nouvelles avancées techniques dans l'édition du génome des plantes, il n'est toujours pas possible de générer tous les changements souhaités dans un génome, écrit Gao. « Une édition précise du génome, comme la génération de substitutions de bases ciblées, d'insertions/suppressions de gènes et de remplacements de gènes, est nécessaire de toute urgence pour améliorer les caractéristiques des cultures. »

 

Bien que les effets hors cible soient l'une des principales préoccupations en matière d'édition du génome, Mme Gao note que l'outil est encore plus spécifique que la sélection de mutations conventionnelle, qui introduit de nombreuses mutations non intentionnelles dans le génome des plantes. « De plus, un nombre limité de mutations hors cible peut être éliminé par rétrocroisements ».

 

Mme Gao estime également que le système CRISPR-Cas offre un potentiel énorme pour améliorer la conception des plantes et la biologie synthétique, une nouvelle stratégie utilisée pour accélérer le développement de nouvelles caractéristiques agronomiques. « En modifiant les gènes endogènes ou en introduisant des gènes étrangers codant pour diverses enzymes ou composants de voies de signalisation, les chercheurs ont pu réorienter les réseaux métaboliques inhérents ou établir de nouvelles voies dans les plantes afin de produire des aliments enrichis en composés naturels ou artificiels souhaités », rapporte Mme Gao.

 

Une autre frontière passionnante se trouve dans le génie microbiomique, qui « a déjà eu un effet significatif sur la production agricole », indique l'article. « Dans la nature, les plantes sont exposées à des billions de microbes, y compris des bactéries, des champignons, des protozoaires, des archées et des virus. Des interactions plantes-microbiome bénéfiques peuvent améliorer la croissance des plantes ou contrôler les agents pathogènes. L'inoculation de microbiomes au sein d'un consortium de rhizobactéries favorisant la croissance des plantes peut améliorer le développement des plantes et contribuer à les protéger à la fois contre les agents pathogènes et le stress abiotique. »

 

« Le microbiome est donc considéré comme un "second génome" chez les plantes », explique Mme Gao. « Le microbiome des plantes influence la croissance des plantes en modifiant l'absorption des nutriments et l'expression des gènes et en agissant comme un agent pathogène de biocontrôle ».

 

Néanmoins, l'acceptation sociale et un processus réglementaire raisonnable sont nécessaires pour que les outils d'édition du génome puissent apporter leur contribution cruciale au développement de nouvelles variétés de plantes, avertit Mme Gao.

 

Les régulateurs adoptent actuellement une approche basée sur le processus ou sur le produit pour examiner les plantes modifiées par édition du génome. L'Union Européenne utilise une réglementation basée sur les procédés, tandis que le Canada, les États-Unis et l'Argentine soutiennent l'approche basée sur les produits. Cependant, la plupart des autres pays n'ont pas encore établi de cadre réglementaire.

 

Malgré la confusion réglementaire, plusieurs plantes éditées ont été entièrement approuvées en utilisant l'approche basée sur les produits, rapporte l'article.

 

« La plupart des plantes modifiées par édition du génome en attente d'approbation dans le pipeline réglementaire ont été déposées par des instituts de recherche publics et des petites ou moyennes entreprises », constate Mme Gao. « Cependant, si une approche réglementaire restrictive est adoptée et traite les plantes éditées comme des OGM, cela créerait d'énormes charges financières que seules les grandes multinationales pourraient supporter. »

 

« Comme l'édition du génome n'est pas une technologie unique mais plutôt une boîte à outils moléculaires, une approche réglementaire globale et unique pourrait être inadaptée. Il faudrait plutôt utiliser un système réglementaire à plusieurs niveaux pour s'adapter aux technologies existantes et futures », conclut Mme Gao. « Les réglementations doivent être raisonnables et faciles à mettre en œuvre».

 

____________

 

* Source : Genome editing poised to secure global food supply, study finds - Alliance for Science (cornell.edu)

 

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U
CQFD...
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