Aïe, aïe, aïe, il y a de l'arsenic dans des pesticides, nous prévient M. Gilles-Éric Séralini ! Nous allons tous mourir...
Avec l'interdiction du glyphosate pour les usages non agricoles, on en revient aux « bons » vieux acides qui « brûlent » les feuilles.
Dans un autre billet, « Des toxiques cachés par les industriels dans 14 pesticides achetés dans le commerce... signez la pétition (non!) », nous avons évoqué les grandes manœuvres qui font l'objet d'un site dédié, « Secrets toxiques ».
Ces manœuvres sont fondées sur « Toxic compounds in herbicides without glyphosate » (composés toxiques dans les herbicides sans glyphosate) de Gilles-Éric Séralini et Gérald Jungers.
L'article a été publié dans Food and Chemical Toxicology, la revue qui a publié l'infameuse étude sur les rats, qui a été accusée d'être entre les mains de Monsanto et dont le rédacteur en chef actuel est M. José L. Domingo... celui qui a été à la manœuvre pour la publication de l'in... étude.
Voici le résumé du nouvel article (découpé pour en faciliter la lecture) ;
Faits marquants
-
Des herbicides sans glyphosate sont maintenant vendus en raison d'un débat sur la toxicité du glyphosate.
-
14 formulations de ces composés ont été étudiées par spectrométrie de masse.
-
Les métaux lourds atteignent des niveaux allant jusqu'à 39 mg/L, avec le Fe, le Ni, le Pb, le Si, le Ti et l'As.
-
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques atteignent 32-2430 μg/L dans 12 pesticides étudiés.
-
Leur présence non déclarée est discutée au niveau légal et au niveau de la toxicité.
Résumé
Le glyphosate a été interdit dans certaines formulations herbicides. Nous analysons pour la première fois 14 produits commercialisés en Europe où le glyphosate a été remplacé par des acides acétique, pélargonique, caprylique ou caprique, ou même du chlorure de benzalkonium, pour être supposés moins toxique.
35 métaux lourds, 16 hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et des minéraux essentiels ont été testés par spectrométrie de masse spécifique associée à la chromatographie en phase gazeuse ou aux méthodes de plasma inductif dans les formulations.
Les minéraux essentiels n'atteignent pas des niveaux toxiques, mais les métaux lourds se trouvent à des niveaux allant jusqu'à 39 mg/L, selon le produit, et comprennent le silicium, l'arsenic, le plomb, le fer, le nickel et le titane. Leur présence à des concentrations plusieurs centaines de fois supérieures aux niveaux admissibles dans l'eau peut être due aux nanoparticules qui incorporent les pesticides.
Les HAP atteignent des niveaux de 32-2430 μg/L dans 12 des 14 échantillons ; par exemple, le carcinogène benzo(A)pyrène a été détecté. Il s'est avéré être présent plusieurs milliers de fois au-dessus de la norme dans l'eau, tout comme le benzo(A)anthracène. Ces composés n'ont pas ajouté d'effets herbicides significatifs.
De faibles niveaux de glyphosate ont été détectés dans deux échantillons.
Ces niveaux variables de substances chimiques toxiques non déclarées violent les règles de l'Union européenne sur les pesticides et peuvent avoir des conséquences sur la santé et l'environnement, surtout lorsque l'exposition est de longue durée.
Les herbicides sont désignés par des lettres dans les tableaux de résultats, selon la clé suivante :
Les auteurs ont vérifié l'efficacité des produits, mais d'une manière qui nous paraît étonnante :
« Six carrés de 14 cm2 de Poa annua L. à l'état végétatif (10-20 brins d'herbe/cm2) ont été traités une fois en triple exemplaire, simultanément au printemps dans un champ en Normandie.
Cela correspond à une dose de 3,57 litres/mètre carré.
Il n'y a rien de particulier à signaler à propos des minéraux essentiels (calcium, magnésium, phosphore, potassium, sodium), sinon qu'ils sont... essentiels.
Les résultats pour les métaux, etc. et les HAP sont plus intéressants.
On peut s'étonner de voir que tous les résultats nuls sont exprimés sous la forme d'une valeur inférieure à une limite. Cela se fait, en particulier dans les rapports sur les analyses d'eau potable, mais on est ici dans le cadre d'un article (en principe) scientifique portant sur des herbicides.
On peut aussi s'étonner de trouver des valeurs limites différentes, par exemple pour les colonnes A et B correspondant à du vinaigre à 6 %. Très différentes même, sans explication (<5 et <0,005 pour le cuivre).
Le lecteur non averti se contentant d'un aperçu global du tableau aura l'impression qu'il existe un problème important. Il y a du cuivre dans tous les produits ! Non, du cuivre a été trouvé dans un produit sur 14.
Oups ! Le cuivre est un mauvais exemple... il est utilisé en bio (et en conventionnel), et ce, massivement. Mais ne vous inquiétez pas : s'il dépasse le seuil dit de toxicité dans les herbicides étudiés, ce n'est évidemment pas un souci quand il s'agit de bouillie bordelaise, par exemple.
On peut aussi s'étonner de trouver une colonne avec le total d'un même atome pour les 14 produits herbicides. Cela ne rime à rien. Mais là encore, quelle est l'intention, en supposant qu'il y en ait une ? Que nous apprend le total de 93,95 mg de silicium dans 14 produits ? Strictement rien.
Ce sont enfin les chiffres eux-mêmes qui paraissent étonnants.
Ainsi, il y aurait 2 mg/L de plomb dans le produit A et moins de 0,01 mg/L dans le produit B, tous deux de l'acide acétique (vinaigre). Il y a une grande différence entre les marques C et D, dont il y a lieu de penser que c'est le même produit, d'un même fournisseur. Les produits E et F sont du même fournisseur, le deuxième étant le dilué prêt à l'emploi... et c'est celui qui serait le plus « chargé ».
Voici encore un tableau qui vaut pour la présence d'arsenic et de glyphosate et AMPA.
Il vaut aussi pour le commentaire qui l'accompagne, un commentaire qui résume assez bien l'« angle » que l'on a donné à cet article (en principe) scientifique :
« Pour faciliter les comparaisons, le tableau 6 résume les totaux des métaux, des HAP et des minéraux essentiels et présente les résultats détaillés par pesticide pour l'arsenic, mais aussi pour le G [glyphosate] et son métabolite AMPA. La raison en est que l'arsenic est mesuré sur une échelle différente de celle des autres métaux. 7 pesticides sur 14 contiennent des niveaux quantifiables d'arsenic. Le G et l'AMPA n'ont pas non plus été déclarés mais ont été étonnamment trouvés dans 2 pesticides à de faibles niveaux par rapport à leurs utilisations précédentes dans des herbicides dont ils sont l'ingrédient actif déclaré (environ 400 g/L). Malgré cela, les 2 pesticides présentaient une différence de plus de 21 fois en G + AMPA. Cependant, ils avaient le même numéro d'autorisation (L et M) et devraient donc contenir la même composition de tous les produits chimiques. Dans les deux cas, les acides caprylique et caprique étaient les seuls produits chimiques déclarés. Pour C et E également, 2 lots différents ayant le même numéro d'autorisation ont été mesurés, mais les résultats étaient différents dans chaque cas (voir données brutes). Il n'y avait pas de corrélation évidente entre les minéraux essentiels et les métaux ou les HAP. »
Bref, il y a des choses surprenantes dans ces herbicides – c'est un constat que nous faisons sans ironie.
Ces choses sont au moins implicitement considérées dans cet article comme des ingrédients et non des substances dont la présence serait – sauf preuve du contraire – fortuite.
Car ces choses là n'ont pas été « déclarées »...
Et, comme elles n'ont pas été « déclarées », cet article (en principe) scientifique sert de fondement à la campagne massive que nous avons décrite dans « Des toxiques cachés par les industriels dans 14 pesticides achetés dans le commerce... signez la pétition (non!) ». Du coup, on peut se poser des questions sur la finalité de cet article : conçu dans un but militant, ou conçu de manière innocente et exploité par des militants ?
Mais...
Mais... il y a la partie discussion qui ressemble à s'y méprendre à des éléments de langage pour le militantisme et les actions judiciaires et politiques anti-pesticides
L'article ne manque pas de gesticuler sur la toxicité de ce qui a été trouvé. Voici un paragraphe de la partie « résultats » bien timide par rapport aux hypothèses apocalyptiques formulées dans la partie « discussion » :
« Une simple observation peut être faite des niveaux maximaux de métaux observés dans les formulations d'herbicides de cette étude, en comparaison avec les normes de toxicité (tableau 7A). Les seuils dits de toxicité dans l'eau sont indiqués selon au moins une agence nationale ou internationale (AFSSA, ANSES, EPA, INERIS, NIH, OMS), mais ce sont des valeurs classiques. Il en ressort que As atteint deux fois la norme, Zn 16 fois, Fe 38 fois, puis Ag, Cu, Pb, Ni et Ti atteignent respectivement 100, 170, 200, 1382, et 7800 fois le seuil admis ; en conséquence, ces métaux peuvent être considérés comme les plus toxiques dans la présente étude. »
Ha ! Ha ! Ha !
On est dans le même registre que pour les « glyphotests » des « pisseurs de glyphosate » !
Il s'agit ici d'herbicides, et non d'eau potable. Et d'herbicides qui ne sont pas utilisés sur des plantes cultivées qui seraient tolérantes.
Cela dit, les deux auteurs ont peut-être mis le doigt sur un réel problème. Il serait utile que leurs résultats soient vérifiés par d'autres équipes (et nous attendons avec impatience les réponses de l'EFSA à la lettre des signée par des députés européens).