Le Monde de... : après le journalisme d'insinuation ?
Perseverance s'est posé sur Mars le jeudi 18 février 2021
Il fallait se pincer à lecture de la chronique de M. Stéphane Foucart intitulée « A la recherche de la "planète B" » dans l'édition papier datée des dimanche 14 – lundi 15 février 2021.
L'édition électronique est plus diserte dans son titre (c'est une citation tirée du texte de l'auteur) : « Coloniser Mars ? Le fantasme d’un exode vers d’autres mondes nourrit nos imaginaires et rend supportable la destruction de notre environnement ».
En chapô :
« Vivre sur Vénus, "terraformer" Cérès ou coloniser Mars… L’accumulation d’informations sur la conquête spatiale ouvre des horizons factices qui travaillent les imaginaires, estime Stéphane Foucart, journaliste au "Monde". »
Cela aurait pu être intéressant, mais passer des fantasmes de colonisations extraterrestres à la « destruction de notre environnement », qui serait rendue « supportable », est-ce bien raisonnable ?
Cela donne en plus développé :
« Derrière cette accumulation de science hollywoodienne et son relais dans les médias se cache bien plus qu'un intérêt pour les progrès de la connaissance (dont nul ne conteste la valeur intrinsèque). Il se forme là, à l'évidence, une mythologie qui ne dit pas son nom, mais qui travaille les imaginaires et les inconscients. Par l'empilement d'informations décontextualisées faisant accroire qu'il y aurait dans le cosmos une multitude d'ailleurs vivables et accessibles, elle rend plus supportable la destruction de l'environnement, en nourrissant le vague espoir d'un exode possible – ce n'est d'ailleurs peut-être pas un hasard si la première mission des Emirats arabes unis vers Mars a été baptisée "Al-Amal" ("espoir", en français). »
Ce paragraphe mériterait un démontage en règle. Des annonces sporadiques – au gré des événements, des annonces de milliardaires entreprenants et des initiatives d'auteurs intéressés par le thème – sont élevées au niveau d'une « accumulation »...
...De quoi ? De quoi ? De « science hollywoodienne »... Et derrière tout cela il y a un vaste complot !
Mais, poursuivant la lecture, on se pince le nez...
« Si l'ouvrage de Sylvia Ekström et Javier G. Nombela est de salubrité publique, c'est que l'idée que nous pourrions ruiner la Terre avant de partir tranquillement vers d'autres soleils séduit des esprits parmi les plus éclairés. [...] »
Qui donc ? Qui donc ?
« […] Le sociologue médiatique Gérald Bronner, grand pourfendeur des croyances irrationnelles et du principe de précaution, est sans doute l'intellectuel qui l'a formulé avec le plus de clarté. »
C'est agrémenté d'une citation de « La Planète des hommes », un ouvrage de... 2014, entrecoupée d'un commentaire :
« "Si l'on se replace dans la perspective d'un exode, [l]es raisons [d'espérer] sont (...) de plus en plus nombreuses, écrit-il [...]. Ce sont par exemple l'existence, avérée à présent, d'exoplanètes, de mondes telluriques qui pourraient un jour nous accueillir, aptes à la biochimie, et présents dans notre galaxie." Il s'agirait alors de ne pas se rater : après quelques centaines de milliers d'années de voyage, il serait malheureux que le point de chute s'avère impraticable.
"L'hypothèse de cet exode nous ramène aussi à une réalité essentielle de notre espèce, ajoute M. Bronner en conclusion de son essai. En quittant la Terre, il deviendrait évident que nous sommes humains avant d'être terriens.[...]" »
Il n'y a, certes, aucun obstacle à citer un ouvrage vieux de sept ans, mais est-ce bien raisonnable à l'appui d'une thèse qui prétend qu'il existe désormais une incroyable dérive comportementale humaine ?
Pour sûr, M. Gérald Bronner ne s'est pas placé dans le scénario d'un vandalisme effréné de la planète.
Et, la « démonstration » se poursuivant, y compris à coup de citations pêchées dans le même chapitre de son ouvrage, M. Gérald Bronner passe, au mieux, pour un doux rêveir, au pire pour un [censuré], sèchement contredit par Mme Sylvia Ekström et M. Javier G. Nombela.
En réalité, le chapitre « Humain plutôt que terrien » s'ouvre sur une mise en contexte parfaitement réaliste :
« Nous connaissons tous la silhouette de Stephen Hawking, ce célèbre astrophysicien frappé d'une terrible maladie neurodégénérative qui l'empêche de se mouvoir et le contraint à utiliser un synthétiseur vocal pour communiquer. Il a récemment déclaré que l'humanité disparaîtrait d'ici deux cents ans. Mon horloge de l'apocalypse n'est pas réglée à la même heure que la sienne, mais, comme je l'ai souligné plus haut, si l'humanité survit assez longtemps, elle devra nécessairement se poser la question d'un exode. En ceci, je partage tout à fait le point de vue de l'astrophysicien qui affirme que "l'avenir à long terme de l'espèce humaine se trouve dans l'espace". N'étant pas Tirésias, je n'ai pas le début d'une idée du moment où cet exode sera nécessaire, la seule chose qui paraît raisonnable étant d'admettre qu'il s'agit d'une certitude si l'on considère un temps long.
Ce qui paraît non moins raisonnable est de considérer que le bond technologique nécessaire à une telle entreprise est presque inimaginable aujourd'hui. La première question est déjà de savoir comment propulser des masses gigantesques vers le ciel à une telle vitesse qu'elle puisse s'affranchir de l'attraction terrestre. […] »
M. Gérald Bronner ? Il a eu droit à un chapitre entier dans « Les gardiens de la raison » de... M. Stéphane Foucart (et Mme Stéphane Horel et M. Sylvain Laurens)... Et il a annoncé avoir porté plainte en diffamation contre les auteurs...
Et du coup on peut se poser des questions...