La regrettable décision de la Tanzanie en matière de technologie agricole
Gilbert Arap Bor*
Ma note : Cet article est à lire en ayant à l'esprit celui d'hier, « Sauver les greniers agroécologiques de l'Afrique du mouvement agroécologique occidental ». Qui, à votre avis, a soufflé à l'oreille du ministre de l'agriculture tanzanien « souveraineté en matière de semences » ?
Au moment même où le Kenya s'affirme comme une réussite en matière d'OGM, notre voisin du sud et membre de la Communauté de l'Afrique de l'Est a tourné le dos à l'avenir de l'agriculture : le gouvernement tanzanien vient d'annuler les essais en champ d'OGM qui auraient pu aider ses agriculteurs à améliorer la sécurité alimentaire de leur pays.
« Nous allons mener d'autres types d'activités de recherche agricole pour améliorer nos semences et augmenter le rendement et la productivité par des méthodes conventionnelles mais pas par la recherche sur les OGM », a déclaré le ministre de l'agriculture, le Dr Adolf Mkenda, le mois dernier [en janvier 2021].
Les OGM sont parmi les meilleures cultures du monde. Ils sont tellement populaires, en fait, qu'il est incroyable que M. Mkenda fasse la distinction entre les cultures « conventionnelles » et les OGM.
Pour le cotonnier, le maïs et le soja, les OGM sont conventionnels. Les agriculteurs ont commencé à les adopter il y a une génération, car ils sont très efficaces pour protéger les cultures des mauvaises herbes, des parasites et des maladies, et ils produisent de bien meilleures récoltes que les variétés non GM qui les ont précédés.
Nous commençons à prendre conscience des avantages des OGM ici au Kenya.
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Comme de nombreux pays africains, le Kenya a adopté tardivement la technologie des OGM. Nous avons longtemps résisté à ces innovations, en partie parce que nous n'avons pas suivi la science qui a montré qu'ils étaient sûrs. Au lieu de cela, nous avons écouté des voix fortes qui étaient déterminées à attiser la peur dans le public pour en tirer un avantage politique.
Ces dernières années, cependant, le Kenya a décidé qu'il ne pouvait plus ignorer la révolution des OGM. Nous avons commencé des essais de cultures GM en plein champ. Ensuite, nous avons commercialisé le cotonnier GM. Il y a un peu plus d'un an, nous l'avons semé pour la première fois, dans la partie occidentale du pays.
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Les résultats ont été étonnants : les rendements moyens du cotonnier GM étaient deux fois plus élevés que ceux du cotonnier non GM. Les agriculteurs ont juré de ne plus jamais revenir aux semences non GM. De plus, les agents agricoles des régions qui ont semé la première culture de cotonnier Bt dans le centre et l'est du Kenya rapportent que « les semences génétiquement modifiées poussent plus vite que la variété conventionnelle et ont plus de ramifications, donc plus de capsules qui donneront plus de rendement ». [Ma note : si c'est vrai pour la vitesse de croissance et l'architecture de la plante, ce n'est pas le résultat du caractère GM.]
C'est l'expérience commune des agriculteurs qui ont adopté les OGM. Voir les résultats incroyables de ses propres yeux fait une énorme différence.
Aujourd'hui, les agriculteurs de toutes les régions du Kenya plantent du coton GM et les pluies du début 2021 permettent à cette culture de donner de magnifiques résultats.
Les Tanzaniens n'en seront pas témoins à l'intérieur de leurs propres frontières, en raison de la regrettable décision du gouvernement d'interdire tout ce qui a trait aux OGM.
« Nous ne pouvons pas continuer ainsi », a déclaré M. Mkenda.
Mais c'est exactement l'inverse. La Tanzanie ne peut pas se permettre de continuer à l'ancienne. L'interdiction de la recherche sur les OGM va certainement nuire aux agriculteurs et aux consommateurs tanzaniens plutôt que de les aider.
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Sans OGM, la population tanzanienne continuera à souffrir d'insécurité alimentaire, sans parler de la concurrence sur les marchés mondiaux. Dans les zones rurales du pays, 75 % de la population dépend de l'agriculture. Aujourd'hui, ces petits exploitants vont continuer à souffrir de la sécheresse et des ravageurs comme la légionnaire d'automne – deux menaces que la recherche tanzanienne sur les OGM s'efforçait de surmonter.
Le gouvernement a même interrompu les recherches sur le développement d'une variété de manioc GM, une culture de base en Tanzanie et dans d'autres régions d'Afrique de l'Est. Malheureusement, le manioc est vulnérable au virus de la striure brune, qui peut se propager dans les champs et anéantir une saison de travail. Les OGM offrent une solution potentielle, mais la Tanzanie a maintenant interdit les essais en plein champ qui donnent aux scientifiques une chance de vaincre ce terrible problème.
Ce sont de mauvaises décisions comme celles-ci qui maintiennent l'Afrique si loin derrière le reste du monde en matière de production alimentaire.
M. Mkenda a tenté de défendre son refus des OGM en invoquant la « souveraineté en matière de semences », prétendant que l'adoption des OGM forcerait les agriculteurs tanzaniens à acheter des semences à des sociétés étrangères. Il semble penser que les agriculteurs produisent des semences d'année en année, mais cela n'est plus vrai depuis longtemps, du moins chez les agriculteurs sérieux. Aujourd'hui, nous achetons des semences pour chaque campagne.
Ce n'est pas la première fois que la Tanzanie interdit la recherche sur les OGM. Elle a annoncé une décision similaire en 2018, puis l'a annulée l'année suivante.
Alors peut-être que la Tanzanie changera encore d'avis et adoptera les technologies qui aident les agriculteurs à produire plus de nourriture sur moins de terres, alors qu'ils s'efforcent de mettre en place un système d'agriculture durable qui offre à la fois l'abondance et la conservation.
En attendant, le Kenya continuera à aller de l'avant avec les OGM. La Tanzanie pourra nous rejoindre dès que des membres du gouvernement comme le Dr Mkenda se rendront compte de leur erreur.
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* Gilbert Arap Bor
Agriculteur, Kapseret, Kenya
D. Gilbert Arap Bor cultive du maïs et des légumes et élève des vaches laitières dans une petite ferme de 10 hectares située à Kapseret, près d'Eldoret, au Kenya. Il enseigne également à l'Université Catholique d'Afrique Orientale, sur le campus d'Eldoret, et est membre du conseil d'administration de la Kenyan Fish Marketing Authority. M. Bor est le récipiendaire du prix Kleckner 2011 et est membre du Réseau Mondial d'Agriculteurs (Global Farmer Network).
Source : Tanzania’s Regrettable Ag Technology Decision – Global Farmer Network