Des toxiques cachés par les industriels dans 14 pesticides achetés dans le commerce... signez la pétition (non!)
Houlah !
Si vous ne l'avez pas encore découvert, voici le site « Secrets toxiques », une alliance improbable (ironie) du complotisme et du commerce de la pétoche.
Ce serait :
« Pour faire évoluer les méthodes d'évaluation des pesticides en France et en Europe, les actions se poursuivent ! »
Mais un peu plus loin on apprend que l'objet est de faire retirer du marché « 14 pesticides », en réalité 14 marques utilisant quatre formulations à base d'acide acétique (vinaigre), d'acide pélargonique, d'acides caprylique et caprique, ou encore de chlorure de benzalkonium).
La gesticulation attrape-couillons ne manque pas d'agiter aussi la bannière de l'anticapitalisme :
« C’est une question de santé publique, mais aussi de démocratie : reprenons le pouvoir sur les industriels ! »
Et il y a aussi le prêche appelant à la croisade :
« Dénonçons cette fraude massive, obligeons les fabricants à respecter la loi, exigeons la fin des produits toxiques et la protection de notre santé et de notre environnement. »
C'est assez cocasse... mais qui aura la présence d'esprit d'un obsédé textuel : ce serait une « fraude massive » permise par « les méthodes d'évaluation des pesticides en France et en Europe » que les agitateurs entendent dénoncer et faire invalider...
La « campagne » est portée par un attelage improbable (ironie) : Générations Futures, la petite entreprise aux petits soins du biobusiness (qui le lui rend plus ou moins bien), Nature & Progrès (un membre du biobusiness) et Campagne Glyphosate (la nébuleuse derrière les « pisseurs de glyphosate »).
Elle est soutenue par 14 entités : des usual suspects comme la Confédération paysanne, officiellement un syndicat d'agriculteurs de paysans, et d'autres qui tentent de se faire un nom et de s'insérer dans la confrérie de la bien-pensante protestation ; y compris un improbable (ce n'est pas de l'ironie ici) Zea qui s'est donné pour objectif de libérer l'Océan.
Et il y a bien sûr un « comité de soutien ». Rien que du beau monde...
Et on peut soutenir... en signant la pétition.
Jules César a signé. Il a inscrit son prénom, son nom et son adresse courriel. Il ne sait pas trop ce qu'il a signé... Il n'y a pas de texte. Il faut se contenter d'un « Avec vous, lançons une action en justice inédite : exigeons le retrait des produits incriminés. Rejoignez-nous ! »
Parfait charabia. « Ils » ont lancé une action, la signature de Jules César ne produit rien d'autre que le bruit d'un « clic » sur leur compteur. Mais Jules César, il est content ! C'est un clictiviste !
Et visez le vocabulaire. Ces gens saisissent les tribunaux pour « exiger »...
Dès le clic qur « signe la pétition » la page web a sauté vers un appel à dons dont voici le début :
Et, en revenant à la page principale, Jules César a eu la possibilité de retirer sa signature. C'est un progrès par rapport à d'autres attrape-couillons.
Neuf associations ont donc porté plainte le 1er décembre 2020 :
-
contre X « pour fraude à l’étiquetage, mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l'environnement afin de réclamer au plus vite le retrait pur et simple de ces produits, et la condamnation des responsables (8 entreprises sont visées nommément dans la plainte) » ;
-
contre l’État français « pour carences fautives afin d’interroger les systèmes actuels d’évaluation des pesticides que nous retrouvons dans nos magasins, sur nos légumes, dans notre eau et le sang de nos enfants ! [...] »
Lesquelles ? Il faut se démener pour en trouver la liste dans un communiqué de presse : Campagne Glyphosate France, Générations Futures, Nature & Progrès, Intelligence Verte, PIG BZH, ZEA, Bio Cohérence, Combat Monsanto et Agir pour l’environnement.
La guignolade n'est pas assez dense. Il est prévu d'autres actions !
À l'évidence, les ficelles de la chicanerie sont maîtrisées. Et malheureusement aussi, il n'est pas impossible que « ça marche » devant des tribunaux juridiquement compétents et techniquement incompétents, à qui on demandera de se prononcer sur un sujet essentiellement technique.
Un sujet fondé sur un « article scientifique » de... mais ce sera pour un autre billet.
Oups ! Pas si vite !
« L'équipe de Générations Futures » m'a écrit le 10 février 2021 pour m'entretenir de « Nos [leurs] actus à ne pas manquer ». Parmi elles, sous « [ACTION] Participez en ligne à nos deux actions majeures de février ! », la chose qui fait l'objet de cet article.
Oups ! Ce n'est pas fini... bien sûr puisque la coalition d'associations et d'« associations » a prévu de nouvelles actions. C'est tombé sur le site de Générations Futures à l'heure où je bouclais cet article :
« Ce 25 février, la coalition d’associations envoie, avec le soutien de 119 députés européens, français et sénateurs, un premier courrier à l’EFSA, chargée de l’évaluation des risques dans le domaine des denrées alimentaires. »
C'est aussi sur le site de Secrets toxiques, avec un lien vers la lettre. Celle-ci est « formulée pour le compte de »... devinez... MM. Éric Andrieu, Benoît Biteau, Manuel Bompard, Claude Gruffat et Mme Michèle Rivasi.
On imagine les cris d'orfraie qu'aurait suscité une démarche similaire si elle avait été le fait de députés et sénateurs agissant pour le compte des « industriels ».
(Source)
(Source)
L'association « Alerte aux Toxiques » et Mme Valérie Murat viennent d'être condamnées par le tribunal de Libourne à payer 125.000 euros de dommages-intérêts au Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) et à d'autres plaignants, leurs propos sur la Haute Valeur Environnementale ayant été jugés comme relevant du « dénigrement collectif ».
Pour le fond de l'affaire, voir sur ce site : « Le label "haute valeur environnementale" fait de l'ombre au « bio » ? Diffamons-le ! » Il y aura bien sûr appel.
Plus de détails sur le jugement sur Vitisphère, dans « Valérie Murat condamnée à 125 000 € pour dénigrement des vins de Bordeaux ».