Vaccination contre la Covid : de qui se moque-t-on au CRIIGEN ?
Commençons par la fin (à l'heure où nous écrivons), un gazouillis de Mme Corinne Lepage, présidente d'honneur du Comité de Recherche et d'Information Indépendantes sur le Génie Génétique (CRIIGEN).
« On a aimé la saison 1 Les masques ; on a beaucoup apprécié la saison 2 les tests. On va adorer la saison 3 : les vaccins! »
(Source)
Pour des raisons qui lui sont propres, Mme Corinne Lepage a donc choisi de se moquer de la lenteur de la mise en branle de la vaccination contre la Covid en France – pour tout dire, de la chienlit. Elle s'affiche donc implicitement dans le camp des pro-vaccins, ce qui est tout à son honneur et n'est pas pour nous déplaire.
Cela devient du reste explicite dans l'échange suivant :
(Source)
Un anti-vaccins – ou vaccino-sceptique – s'est rapidement manifesté sur son fil :
« Pour me faire vacciner il me faudrait :1kg de transparence et 1 tonnes de recul donc c’est pas pour demain Un peu de pédagogie vaccinale regardez bien jusqu’à la fin les risques.
https://youtube.com/embed/tYwCxe9gvQY
(Source)
Là, çà devient cocasse : la présidente d'honneur du CRIIGEN se voit opposer une vidéo de 48 minutes et quelques, postée par le... CRIIGEN et montrant la « performance » de M. – oups ! du Dr – Christian Vélot, « généticien moléculaire à l'université Paris-Saclay et Président du Conseil Scientifique du CRIIGEN ». Celui-ci, selon la présentation sur Youtube (où les commentaires ont été fort opportunément désactivés...),
« propose une vidéo didactique sur les différents types de vaccins contre la COVID-19, et en particulier ceux de dernière génération avec les risques potentiels qu'ils peuvent engendrer. »
« ...risques potentiels » ? La stratégie habituelle des opposants au progrès technologique (ou certains d'entre eux) qui, faute de disposer d'arguments sérieux, font commerce de la trouille.
Cette vidéo fait écho à un « Covid-19 : Rapport d’expertise sur les vaccins ayant recours aux technologies OGM » fièrement affiché sur le site du CRIIGEN, à partir d'ici, en français, espagnol et, bientôt, anglais. Selon son titre, il s'agit d'une « Note d’expertise grand public sur les vaccins ayant recours aux technologies OGM ».
« ...grand public » ? Vraiment ?
C'est à ce stade qu'il faut remonter le temps.
La pandémie de Covid-19 a donné lieu à un formidable effort, foisonnant, pour mettre au point des vaccins. Parmi eux, certains sont classiques – par exemple à base de virus inactivé ou atténué – et d'autres font appel à des technologies qui relèvent du génie génétique (pas forcément des « OGM »).
Les instances européennes ont fini par découvrir, avec stupeur et tremblement, que sa réglementation des OGM fait obstacle à des travaux de recherche ou, à tout le moins, aux phases de ces travaux qui impliquent une « dissémination », même à des fins expérimentales (notamment aux essais cliniques).
En bref, les essais cliniques impliquent normalement une « dissémination » qui ne peut avoir lieu qu'après une autorisation délivrée sur la base d'une demande comportant une évaluation des risques pour la santé humaine – et l’environnement – qui ne peut se réaliser que moyennant une... dissémination dans le cadre d'un essai clinique...
Avec une remarquable célérité, la machine législative a donc adopté un Règlement (UE) 2020/1043 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2020 relatif à la conduite d’essais cliniques avec des médicaments à usage humain contenant des organismes génétiquement modifiés ou consistant en de tels organismes et destinés à traiter ou prévenir la maladie à coronavirus (COVID-19), ainsi qu’à la fourniture de ces médicaments.
Au terme de pas moins de 26 considérants, suivis comme d'usage d'un article premier avec des définitions (qui vous renvoient au labyrinthe législatif), le règlement dispose en son article 2 :
« Aucune opération liée à la conduite d’essais cliniques, y compris l’emballage, l’étiquetage, le stockage, le transport, la destruction, l’élimination, la distribution, la fourniture, l’administration ou l’utilisation de médicaments expérimentaux à usage humain contenant des OGM ou consistant en de tels organismes et destinés à traiter ou à prévenir la COVID-19, à l’exception de la fabrication des médicaments expérimentaux, n’exige une évaluation des risques pour l’environnement préalable ou une autorisation ou un consentement préalable conformément aux articles 6 à 11 de la directive 2001/18/CE ou aux articles 4 à 13 de la directive 2009/41/CE lorsque ces opérations portent sur la conduite d’un essai clinique autorisé conformément à la directive 2001/20/CE. »
Nous vous ferons grâce du reste.
La proposition – de pur bon sens – a fait l'objet de 67 votes contre et 109 abstentions (pour 505 voix pour) au Parlement Européen. Parmi les abstentionistes... 49 « verts », huit « verts » Français ayant voté... contre. Manifestement, les idéologies passent avant la vie...
On ne saurait clore ce chapitre sans une référence à l'inqualifiable prise de position de Mme Michèle Rivasi :
« Nous n’avons pas toutes les garanties de leur sécurité. Les dérogations accordées sont contraires au principe de précaution.
Je me suis opposée à ce texte car on enlève les garde-fous nécessaires à la protection de notre santé. Face à ces nouveaux vaccins, nous devons redoubler de vigilance. L’argument de la Commission européenne, à l’origine du texte voté aujourd’hui, disant qu’au vu de l’urgence Covid-19 il faut se passer d’études préalables sur la santé et l’environnement, n’est pas acceptable.
De plus ce texte est arrivé au Parlement européen sous forme d’une résolution d’urgence, sans débat ni audition en commission environnement, ni même de débat en plénière.
L’urgence, c’est surtout de ne pas se tromper en autorisant des produits dont la sûreté n’est pas évaluée. Les vaccins OGM actuellement à l’étude utilisent Crispr-Cas9, une enzyme qui fonctionne comme des ciseaux génétiques. Ces nouveaux vaccins n’ont jamais été évalués de façon complète.
C’est un incompréhensible cadeau fait à l’industrie pharmaceutique et un gros coup de canif porté à la directive européenne sur les OGM, protectrice de l’environnement et de la santé humaine. La directive sur les OGM est un rempart efficace qu’il faut absolument préserver.
Je refuse d’être complice d’une fuite en avant qui nous transforme tous en cobayes ! »
Mme Michèle Rivasi a aussi accordé une longue interview avec (F)rance soir, un site qui est aux médias ce que le Canada Dry est au whisky.
Mais revenons au CRIIGEN et à M. Christian Vélot.
Nous n'entrerons pas dans son document de 14 pages, ni dans sa vidéo. D'autres s'y sont attaqués.
(Source)
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Voici cependant trois paragraphes de la conclusion :
« Par conséquent, ces candidats vaccins nécessitent une évaluation sanitaire et environnementale approfondie incompatible avec l’urgence, qu’il s’agisse de celle résultant de la pression des autorités décisionnelles et sanitaires ou celle des profits des industries pharmaceutiques embarquées dans cette course au vaccin. Dans sa note de cadrage du 23 juillet 2020 sur la stratégie vaccinale contre la Covid-19 [35], la Haute Autorité de Santé (HAS) déclare : "Dans le cadre de la pandémie de Covid-19, l’enjeu est donc de concevoir un vaccin le plus efficace et le plus sûr possible en un temps record". Cette allégation est un non-sens et une aberration de la part d’une autorité telle que la HAS.
Les dangers liés aux caractéristiques des vecteurs viraux génétiquement modifiés ou à leur éventuelle dispersion ou dissémination doivent être traités dans le cadre d’une évaluation des risques environnementaux extrêmement contraignante.
Au contraire, les articles 2 et 3 du tout récent règlement européen 2020/1043 selon lesquels tout essai clinique de médicaments contenant des OGM ou consistant en de tels organismes et destinés à traiter ou à prévenir la Covid-19 échappe aux évaluations préalables sur la santé et l’environnement ouvre la porte au plus grand laxisme en termes d’évaluation et va totalement à l’encontre du principe de précaution. »
Ce texte mériterait sans doute une analyse. La HAS aurait proféré un « non-sens » et une « aberration » ? Comment faire des « évaluations préalables » qui ne seraient pas des essais cliniques ?...
Mais ne suspecteriez-vous pas quelque chose à cette lecture ?
En fait, nous avons maintenu le suspense jusqu'à ce stade. La réponse se trouve dans la page du site du CRIIGEN qui introduit la chose dénommée sur ladite page « Covid-19 : Rapport d’expertise sur les vaccins ayant recours aux technologies OGM ».
Voici le texte de présentation complet :
« Nous tenons à préciser que l’expertise du CRIIGEN abordée ici, n’est en aucune sorte une prise de position anti ou pro-vaccinale, mais simplement d’une analyse objective des risques en fonction des différents types de vaccins à l’étude. Bonne lecture.
Le règlement européen 2020/1043 vient modifier la règlementation OGM. Il permet à tout essai clinique de médicaments contenant des OGM, ou consistant en de tels organismes destinés à traiter ou à prévenir la Covid-19, d’échapper aux évaluations préalables sur la santé et l’environnement. Six associations et groupes de citoyens, représentés par Maitre TUMERELLE, ont déposé un recours en annulation de ce règlement. En appui à cette procédure, le Dr VÉLOT*, généticien moléculaire à l’Université-Paris-Saclay et Président du Conseil scientifique du CRIIGEN, a rédigé un rapport d’expertise grand public sur les risques sanitaires et environnementaux que peuvent présenter les candidats vaccins contre la Covid-19 actuellement en cours d’essais cliniques. Il montre ainsi en quoi ce règlement européen est dangereux. Au regard d’une future campagne de vaccination qui se veut massive et mondiale, une telle carence d’évaluation est en total désaccord avec le principe de précaution qui devrait s’imposer en termes de santé publique. »
En bref, « nous sommes ni pour, ni contre, bien au contraire »... mais nous contribuons à un recours juridique devant la Cour de Justice de l'Union Européenne en annulation d'un règlement européen qui permet justement la vaccination dans les meilleurs délais...
L'avocat des six « associations et groupes de citoyens » requérants explique la démarche sur son site et sur (F)rance soir. De ce dernier :
« Ces vaccins OGM anti-Covid 19 dont les essais cliniques ont débuté présentent pourtant des risques bien réels. Le rapport du généticien moléculaire Christian Velot du Criigen, rappelle qu’ils pourraient mener à des recombinaisons virales potentiellement plus graves que les virus que l’on cherche à combattre par le vaccin, impactant la vie animale et la santé humaine. Les risques d’interaction avec l’ADN humain ou l’introduction de nouvelles technologies génétiques peuvent avoir des conséquences inconnues, potentiellement graves et irréversibles. En d'autres termes, aucune mesure spécifique ne sera appliquée pour contrôler le risque lié à la modification génétique des êtres vivants. »
Et voilà ! Conditionnel, « risque », semi-auxiliaire « pouvoir » pour exprimer une éventualité, adverbe « potentiellement »... Tout y est.
À ce stade, on est obligé de s'interroger : pourquoi le CRIIGEN ne figure-t-il pas parmi les requérants si c'est si grave ? Serait-ce que cela ne l'est pas vraiment ? Serait-ce que même sur les points de procédure, l'avocate et ancienne députée européenne Corinne Lepage n'est pas convaincue ?
Une chose est quasiment sûre : la requête n'a aucune chance de prospérer – à supposer qu'elle soit fondée – en temps utile, le temps de l'instance judiciaire étant bien plus long en l'occurrence que le temps de la recherche médicale.
Une autre chose est sûre : en s'arc-boutant sur son opposition aux plantes génétiquement modifiées au mépris d'une expérience maintenant pluri-décennale, et au mépris d'intérêts supérieurs comme la santé publique, par exemple dans le cas du riz doré, le CRIIGEN avait déjà atteint une orbite élevée dans l'indignité.
Il vient d'allumer les moteurs pour s'éloigner encore plus de la décence en s'associant à une action judiciaire qui affiche son mépris pour la santé publique – pour la vie des Humains – en faisant valoir un respect aveugle d'un « principe de précaution » mal compris et invoqué à tort, et des procédures législatives européennes.