Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Une nouvelle loi incite les chercheurs du domaine du végétal du Ghana à développer de nouvelles variétés

23 Janvier 2021 , Rédigé par Seppi Publié dans #Afrique, #amélioration des plantes, #Semences

Une nouvelle loi incite les chercheurs du domaine du végétal du Ghana à développer de nouvelles variétés

 

Joseph Opoku Gakpo*

 

 

 

 

Le Ghana a rejoint la liste des pays disposant de lois spécifiques protégeant le droit des obtenteurs de variétés de plantes – une mesure qui devrait stimuler l'innovation scientifique et soutenir la sécurité alimentaire dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.

 

« Cela aura un grand impact sur l'agriculture ghanéenne », a prédit le Dr Akoto Owusu Afriyie, Ministre de l'Alimentation et de l'Agriculture, après l'adoption du projet de loi sur la protection des variétés végétales par le Parlement fin 2020.

 

« Le projet de loi est destiné à protéger les droits des obtenteurs au Ghana », a-t-il expliqué. « Nos sélectionneurs dans les universités et les institutions de recherche, ils ont si bien réussi. Ils produisent tant de types de nouvelles variétés – à haut rendement, résistantes à des maladies, à la sécheresse – mais elles ne sont pas reconnues. Si j'écris un livre aujourd'hui, je peux compter sur mes droits sur mon livre et même lorsque je mourrai, celui qui me succédera pourra continuer à en bénéficier. Mais les sélectionneurs créent cette nouvelle variété, et ils n'en tirent rien. Ailleurs, leurs droits sont protégés. Le projet de loi vise donc à protéger le droit de l'obtenteur. Et il encouragera les scientifiques à donner le maximum et ils seront payés pour le travail qu'ils font. »

 

Le projet de loi permettra aux scientifiques et aux institutions de recherche qui développent des semences améliorées d'obtenir des redevances sur leurs nouvelles variétés. Ben Abdallah, président de la Commission Parlementaire des Affaires Constitutionnelles et Juridiques, a déclaré à ses collègues que le projet de loi vise à combler le vide existant dans les lois ghanéennes sur la propriété intellectuelle, à protéger les droits légitimes des sélectionneurs de plantes et à les inciter à fournir des semences de qualité pour stimuler les initiatives agricoles en cours. Les législateurs espèrent également qu'il contribuera à attirer les investissements étrangers dans le secteur.

 

« Cela devrait conduire au développement de variétés résistantes à des maladies, à la sécheresse et à haut rendement pour soutenir l'agriculture du pays. Ce système apportera également une valeur ajoutée à nos agriculteurs qui travaillent dur et favorisera le développement socio-économique du pays », a expliqué M. Abdallah.

 

Il a déclaré que le projet de loi garantit la conformité du Ghana avec la Convention Internationale pour la Protection des Obtentions Végétales de 1961. L'approbation est également conforme à l'Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui Touchent au Commerce de l'Organisation Mondiale du Commerce (Accord sur les ADPIC).

 

En Afrique, une dizaine de pays, dont l'Afrique du Sud, le Kenya, le Maroc et la Tanzanie, ont adopté différentes versions de législations visant à protéger les obtenteurs de variétés de plantes. Cela a accéléré l'introduction de nouvelles variétés végétales dans certains de ces pays.

 

L'Afrique du Sud, un des leaders du marché des semences en Afrique, dispose d'une loi sur la protection des obtentions végétales depuis 1976 et l'industrie en a grandement bénéficié. Ce pays diffuse chaque année plus de semences améliorées à l'usage des agriculteurs que le Ghana. Par exemple, selon l'édition de septembre 2018 de l'Africa Seed Access Index, l'Afrique du Sud a mis en circulation 363 variétés de quatre des principales cultures du pays au cours des trois années précédentes, alors que le Ghana n'en a mis en circulation que 17. Actuellement, moins de 10 % des agriculteurs ghanéens utilisent des semences améliorées. Au lieu de cela, la majorité d'entre eux s'appuient sur des variétés traditionnelles qui n'ont pas un rendement élevé, ce qui se traduit par une faible productivité dans de nombreuses exploitations. Le pays est également très dépendant des semences importées d'Europe et d'autres pays africains.

 

Le Procureur Général et Ministre de la Justice, Gloria Akufo, a expliqué dans un mémorandum au Parlement que la loi vise à promouvoir la sélection de nouvelles variétés de plantes afin d'améliorer la qualité et la quantité de nourriture et de matières premières pour l'industrie, à un moment où la situation alimentaire mondiale est précaire et incertaine.

 

La protection des nouvelles variétés végétales va stimuler l'investissement dans l'amélioration des plantes, qui nécessite des sources de financement à long terme auxquelles les entrepreneurs ne peuvent souvent pas accéder en l'absence de protection, a déclaré Mme Akufo. La loi va également promouvoir le développement de nouvelles variétés adaptées à l'environnement local et aux besoins spécifiques du Ghana, a-t-elle ajouté, et augmenter la productivité agricole face à la rareté des terres arables et des autres ressources.

 

Compte tenu du potentiel de productivité du Ghana, le fait de fournir aux agriculteurs de meilleures semences se traduira par une augmentation des rendements pour une même quantité de terres, ce qui favorisera le développement économique, a déclaré Mme Akufo. La sécurité alimentaire peut être améliorée en sélectionnant et en distribuant des semences de variétés à haut rendement qui sont non seulement adaptables à l'environnement du Ghana, mais qui ont un bon goût et de bonnes qualités nutritionnelles, a déclaré le mémorandum.

 

 

Une longue histoire

 

Le projet de loi sur la protection des obtentions végétales a été présenté pour la première fois il y a environ six ans sous le nom de « Plant Breeders' Bill », mais il a été abandonné suite à l'opposition de certains groupes de la société civile. En 2015, plus de 200 scientifiques du Conseil pour la Recherche Scientifique et Industrielle, du Centre d'Afrique de l'Ouest pour l'Amélioration des Cultures (WACCI) et de diverses universités du pays ont adressé une pétition au Parlement pour qu'il adopte rapidement le projet de loi. Leur pétition a noté : « Ce projet de loi est une mesure importante pour combattre la pauvreté dans notre pays. Nos agriculteurs ont désespérément besoin d'avoir accès à des variétés améliorées de nos cultures de base. C'est essentiel si nous voulons continuer à moderniser l'agriculture. »

 

Le professeur Eric Yirenkyi Danquah, directeur du WACCI, a fait observer : « L'adoption du projet de loi sur les sélectionneurs de plantes au Ghana encouragera les investissements pour le développement de variétés supérieures de cultures de base dont les agriculteurs ont un besoin urgent dans leurs champs pour déclencher une révolution verte dans le pays. »

 

Kwasi Etu-Bondie, membre de la Commission Parlementaire de l'Alimentation, de l'Agriculture et du Cacao et député de Kintampo North, a cité le maïs et le palmier à huile comme exemples de deux cultures principales qui auraient pu générer des revenus importants pour le Ghana, mais qui ne l'ont pas fait en l'absence d'un projet de loi sur la protection des obtentions végétales.

 

« 'Obantapa' est la seule variété de maïs à avoir la teneur en protéines la plus élevée au monde. Et ce maïs est cultivé dans toute l'Afrique de l'Ouest. Le Ghana a investi dans les scientifiques de l'Institut de Recherche sur les Cultures pour le produire. Mais tout le monde le prend gratuitement sans payer de dividende au Ghana. C'est ce que, disons-nous, nous devons protéger », a-t-il expliqué dans une interview à l'Alliance pour la Science.

 

« Tout le monde sait que le palmier à huile a été obtenu en Afrique de l'Ouest. Et maintenant nous savons que le palmier à huile rapporte beaucoup d'argent à la Malaisie, qui a pris la graine au Ghana. Si nous avons cette loi, la Malaisie va payer quelque chose au Ghana », a-t-il ajouté. [Ma note : c'est faux.]

 

 

Raviver les vieilles guerres

 

Après de nombreuses années, il semble que le désir d'augmenter les investissements dans l'agriculture ait donné au gouvernement actuel la volonté politique de faire passer le projet de loi, malgré l'opposition persistante. La Food Sovereignty Platform, un groupe de la société civile, a déclaré lors d'un point de presse à Accra que le projet de loi porte atteinte à la souveraineté et à la biodiversité du Ghana. Le groupe a déclaré que le projet de loi affaiblira le secteur agricole du pays car il « viole le système de valeur des semences ghanéennes » qui voit beaucoup de partage de semences entre les agriculteurs.

 

« Le projet de loi est conçu pour renforcer les plus grandes entreprises semencières mondiales et désavantagera le semencier ghanéen », a déclaré Edwin Kweku Andoh Baffour de la Plate-forme pour la Souveraineté Alimentaire.

 

Mais la communauté scientifique et le gouvernement ne sont pas d'accord. « Parce que la demande de semences augmente de façon si drastique, nous encourageons les entrepreneurs, les sélectionneurs à se réunir pour produire des semences pour nous. Et ce sont des scientifiques locaux qui s'en chargent. Cela n'a rien à voir avec les multinationales... c'est le genre de propagande qui vise à effrayer les gens », a déclaré le Ministre de l'Alimentation et de l'Agriculture aux médias.

 

Dans son mémo au Parlement, le Procureur Général a également rejeté les allégations selon lesquelles le projet de loi interdirait aux agriculteurs de partager les semences. « Le système des droits d'obtenteur permet à l'agriculteur de conserver et de replanter des semences et lui donne le droit d'utiliser des variétés protégées comme source de recherche et d'activités de sélection supplémentaires », a-t-elle expliqué.

 

 

Un optimisme prudent

 

« Les scientifiques peuvent être heureux que maintenant, lorsqu'ils travaillent, leur sueur ne sera pas vaine », a déclaré le Dr Richard Ampadu Ameyaw, chercheur au Conseil pour la Recherche Scientifique et Industrielle, à l'Alliance pour la Science. Il a déclaré que la loi encouragera les scientifiques à travailler plus dur. « Les faibles bénéfices que vous obtiendrez en termes de royalties reviendront pour soutenir le développement des semences et donneront un plus à la Nation », a-t-il ajouté.

 

Le Dr Maxwell Asante Darko, sélectionneur de plantes à l'Institut de Recherche sur les Cultures, géré par l'Etat, est d'accord pour dire que la nouvelle loi va améliorer le travail des sélectionneurs. « Tout se résume au financement. Une fois que l'argent arrive, vous pouvez résoudre les problèmes de rendement, de changement climatique, de ravageurs, de sécheresse et tout ce qui est lié à la production. Et être capable de répondre aux besoins de qualité des consommateurs. Sans financement, il est impossible de répondre aux besoins des agriculteurs et des consommateurs. »

 

Toutefois, a-t-il noté, la loi ne fera pas de différence tant qu'elle ne sera pas appliquée avec vigueur.

 

« C'est une chose très, très importante qui s'est produite, mais je suis d'un optimisme prudent car au Ghana, il ne s'agit pas toujours de la loi mais de savoir si la loi sera bien appliquée », a expliqué M. Darko. « Donc, bien que je sois heureux que la loi reconnaisse notre travail et que nous puissions obtenir des fonds pour réinvestir dans notre programme de sélection, je suis d'un optimisme prudent car c'est la mise en œuvre qui compte. »

 

_____________

 

* Source : New law gives Ghana's plant researchers incentive to develop new varieties - Alliance for Science (cornell.edu)

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article