Nouvelles techniques génétiques : Greenpeace, la Confédération Paysanne et des eurodéputés lobbyistes ont un os à ronger
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Le Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation Julien Denormandie a accordé un entretien à une partie de la presse agricole et s'est permis de « blasphémer ».
Agri72, par exemple, rapporte :
« Dans un entretien accordé le 7 janvier, à Agra presse, Les Marchés et Réussir.fr, le ministre de l'Agriculture prend position en faveur des nouvelles biotechnologies de sélection variétale (NBT) et de la révision de leur encadrement. "Les NBT, ce ne sont pas des OGM, estime Julien Denormandie. Ce sont des technologies qui permettent d’accélérer la sélection végétale. Cette technologie permet de faire apparaître plus tôt une variété qui aurait pu apparaître naturellement à un moment donné, et c’est très bien". Le ministre de l'Agriculture se dit en attente de la proposition que doit rendre en mai la Commission européenne, à la demande des États membres, sur l'opportunité de révision la réglementation couvrant les NBT, aujourd'hui soumises à la réglementation OGM pour celles apparues après 2001: "Il faut que les NBT aient une réglementation conforme à ce qu’elles sont". »
Il est allé un peu vite en besogne, le ministre.
Il a raison pour qui prend « OGM » dans son sens restreint d'organisme produit par une technique de transgenèse en laboratoire, sur cultures de cellules ou de tissus.
Il a tort pour qui se réfère à la réglementation européenne des OGM telle qu'interprétée par la Cour de Justice de l'Union Européenne dans un arrêt (communiqué de presse) que nous avons abondamment critiqué sur ce site et dans Contrepoints (voir par exemple ici et ici).
Pour faire simple, et pour ce qui nous concerne ici, tous les organismes produits à l'aide de techniques apparues postérieurement à l'adoption de la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 sont des OGM soumis aux procédures d'autorisation, etc. En pratique, compte tenu de l'hystérie anti-OGM et de la pusillanimité des dirigeants politiques, ils sont interdits de culture (ou d'élevage) sur le territoire européen.
M. Julien Denormandie « se dit en attente de la proposition que doit rendre en mai la Commission européenne » ? Nous aussi !
Cette déclaration a évidemment été pain bénit pour Greenpeace... de quoi réalimenter le rayon « anxiogenèse à propos des OGM » dans l'optique – soyons réalistes – de se placer sur la scène militante et médiatique et de faire entrer le nerf de la guerre, les dons, dans le tiroir-caisse.
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Sur Twitter, Greenpeace embraye après Inf'OGM qui a alerté une palanquée de militants et de journalistes.
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Greenpeace ne pouvait que remercier M. Julien Denormandie d'avoir alimenté son fond de commerce de la peur et de l'obscurantisme. Malgré une intense gesticulation sur l'« affaire du siècle », ses communicants ont trouvé le temps de produire un papier au titre pas très original, « Nouveaux OGM : Julien Denormandie ouvre la boîte de Pandore ». Un morceau de bravoure :
« “En réduisant la définition des OGM à la seule technique de la transgénèse, cette déclaration du Ministre de l’agriculture fait fi de la réalité scientifique sur le sujet et adopte tous les éléments de langage du lobby pro-OGM. Les plantes issues de NBT n’ont rien de naturel et correspondent bien à la définition européenne des OGM”, déplore Suzanne Dalle, chargée de campagne agriculture chez Greenpeace France. “Nous ne pouvons malheureusement y voir qu’un renoncement extrêmement dangereux face au lobby incessant des entreprises de l’agrochimie et les semenciers.” »
Ha ! ha! ha ! Il est bien bête ce Denormandie... il « adopte tous les éléments de langage du lobby pro-OGM »... pas capable de réfléchir par lui-même... et bien sûr vendu au lobby.
Pour le moment, l'activisme reste cantonné. Après tout, le casus belli n'est qu'une interview qui n'a pas dépassé un segment de la presse agricole. Il faudra donc attendre que la Commission Européenne accouche de sa proposition pour voir la suite.
Les « risques » – inconnus, potentiels – sont bien sûr déjà avancés.
La Confédération Paysanne s'est aussi émue dans « Le Ministre de l'Agriculture Julien Denormandie semeur volontaire d'OGM illégaux ».
Elle pouvait s'y prévaloir, en introduction, d'un étonnant jugement du tribunal de Perpignan qui a relaxé le 17 décembre dernier un « faucheur », motif pris qu'il aurait agi en état de nécessité pour protéger des intérêts généraux essentiels immédiatement mis en danger par la culture de certains tournesols. Un jugement dont le Parquet, curieusement (ou peut-être non, n'a pas fait appel.
Ici aussi, célélobi...
« Cette déclaration scandaleusement mensongère représente un alignement total sur les positions du lobby semencier qui n'attend qu'une déréglementation totale de toutes les variétés issues de ces nouvelles technologies OGM, pour les imposer dans les champs des paysan.nes et l'assiette des consommateurs.trices. »
La conclusion est un beau mouvement de menton :
« La Confédération paysanne exige un démenti formel et un rappel à la loi au plus haut sommet de l'État. »
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Les producteurs de bouffissures rhétorique ont pris leur temps...
Le 18 janvier 2020, l'eurodéputé Éric Andrieu gazouillait :
« Le gouvernement français hors-la-loi! Les déclarations du ministre français Denormandie vont a l’encontre de la justice européenne et française. Il DOIT être le ministre des Français, pas le porte-parole des lobbies des industries de l’agrochimie #OGM »
L'eurodéputé Éric Andrieu croit peut-être à l'existence d'un délit d'opinion qui interdit à quiconque, même un ministre, de penser et de dire que les NBT ne sont pas, ou ne produisent pas des OGM (au sens commun) ; qu'il convient de modifier la réglementation pour la mettre en accord avec la réalité des faits... et les intérêts bien compris de l'UE et de la France.
Ne pas se prosterner devant la Cour de Justice de l'Union Européenne et le Conseil d'État et leurs décisions qui procurent joie et ravissement au grand pourfendeur des « lobbies de l'industrie de l'agrochimie » ? Sacrilège !
M. Claude Gruffat, ci-devant président de Biocoop (non, ce n'est pas incompatible avec la lutte contre les « lobbies », certains « lobbies »), a déterminé que les « nouveaux OGM » n'intéressent que l'industrie.
À preuve : les citoyens sont contre – dit-il –, tout comme la Cour de Justice de l'Union Européenne et le Conseil d'État, qui se seraient donc allés à exprimer une opinion plutôt qu'à dire le droit...
Suit une sorte d'aphorisme que l'on pourrait prendre comme sujet de philosophie pour l'épreuve du bac tant il suscite l'étonnement :
« Comme souvent, la pensée complexe des macronistes se résume au mépris de l'intérêt général ».
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Twitter, certes, impose la concision. Mais on peut tout de même être surpris de voir qu'une déclaration simple et concise de M. Julien Denormandie devienne une « pensée complexe ».
Quant à l'intérêt général, on peut penser que Biocoop, et plus généralement le biobusiness, verrait d'un très mauvais œil l'arrivée sur le marché d'un produit alimentaire amélioré sur le plan nutritionnel – par exemple de la farine sans gluten – qu'il lui serait interdit de vendre par le catéchisme du bio.
Quoique... comme pour le sulfate de cuivre, il doit bien y avoir des moyens de s'arranger...
<blockquote class="twitter-tweet"><p lang="fr" dir="ltr">Le député Européen vert <a href="https://twitter.com/gruffat_claude?ref_src=twsrc%5Etfw">@gruffat_claude</a> explique que les citoyens sont contre la mutagenèse dirigée.<br>Pourtant, ancien président de Biocoop, il vendait au profit de délinquants des chips à l'huile de tournesol mutant que des citoyens refusent et que la CJUE qualifie de OGM. 😏 <a href="https://t.co/FFfU5801oz">https://t.co/FFfU5801oz</a> <a href="https://t.co/sNt1CZTDn7">pic.twitter.com/sNt1CZTDn7</a></p>— ChristopheB. (@agritof80) <a href="https://twitter.com/agritof80/status/1351270712380694529?ref_src=twsrc%5Etfw">January 18, 2021</a></blockquote> <script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8"></script>
Relevons que le Royaume-Uni, ayant quitté l'Union Européenne et s'étant libéré du carcan de la « précautionite » européenne, a déjà lancé la révision de la réglementation – voir « L'édition des gènes permet de protéger l'environnement, les pollinisateurs et la faune du pays ».
Le Sustainable Food Trust a pris position par la voix de son PDG Patrick Holden dans « Gene editing will further narrow gene pool and intensify food and farming systems » (l'édition des gènes réduira encore davantage le pool de gènes et intensifiera les systèmes alimentaires et agricoles).
On croit rêver ! Les nouvelles technologies permettent au contraire d'élargir le pool de gènes. Et ce serait péché que de vouloir intensifier... ?
Voici un morceau de choix :
« Il existe une conviction erronée selon laquelle, grâce à la sélection végétale, nous pouvons d'une manière ou d'une autre développer comme par magie des plantes qui résistent à la sécheresse et aux maladies, tolèrent le sel et produisent en même temps des quantités accrues d'aliments à forte densité nutritionnelle. C'est tout simplement une absurdité qui défie la gravité. La condition préalable à la production d'aliments sains est un sol fertile, mais les éditeurs de gènes l'ont oublié et s'efforcent plutôt de perpétuer l'industrie extractive qu'est devenue l'agriculture moderne.
Sur le plan animal, nous pouvons nous attendre à ce que le bétail soit élevé pour vivre encore moins longtemps, avec toutes les horribles conséquences qui en découlent sur le bien-être des animaux, justifiées à tort par la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la viande plus maigre, car c'est la mode. Cela rendra les défis auxquels nous sommes confrontés encore plus grands. »
Oh my God !