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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Les agriculteurs et les scientifiques mexicains s'expriment contre le programme gouvernemental de lutte contre les biotechnologies

9 Janvier 2021 , Rédigé par Seppi Publié dans #OGM, #Agronomie, #Semences

Les agriculteurs et les scientifiques mexicains s'expriment contre le programme gouvernemental de lutte contre les biotechnologies

 

Luis Ventura*

 

 

 

 

Les attaques incessantes du gouvernement mexicain contre les cultures génétiquement modifiées (GM) – qui ont abouti récemment à l'interdiction du maïs GM – ont alimenté les inquiétudes de nombreux agriculteurs et scientifiques du pays. Les agriculteurs craignent de ne pas avoir accès aux variétés de plantes innovantes nécessaires dans les champs, tandis que les scientifiques sont confrontés à de sévères réductions de financement qui limitent même la recherche fondamentale et le développement, mettant ainsi en péril les progrès scientifiques du Mexique.

 

Je me suis récemment entretenu avec des agriculteurs et des scientifiques mexicains qui m'ont fait part de leur point de vue sur les enjeux pour le secteur agricole du pays si les plantes génétiquement modifiées sont exclues, ainsi que sur les dangers qu'il y a à ignorer la recherche scientifique au niveau national. Ils ont exprimé leur inquiétude quant au fait que les « militants anti-OGM qui ont un programme personnel sont les décideurs et occupent des positions stratégiques au sein du gouvernement qui leur permettent de faire obstacle à tout développement dans le pays ».

 

D'autres ont déclaré que l'agro-écologie semble être la seule méthode de production alimentaire durable que le gouvernement soutient, une approche qu'ils ont comparée à « l'interdiction des vochos [vieilles voitures] parce qu'elles sont vieilles et polluantes, mais au refus de laisser entrer dans le pays des véhicules efficaces et non polluants comme les Tesla ».

 

Le plus inquiétant, selon eux, est peut-être le fait que le programme idéologique approuvé par le gouvernement mexicain « romantise la pauvreté dans les campagnes, et tout ce qui diffère de cette image semble inapproprié. L'idée que la technologie et la durabilité puissent coexister est impensable pour eux. »

 

Gina Gutierrez est une éleveuse de cinquième génération qui cultive du maïs, de l'orge, du pois, du triticale et du ray-grass dans la ferme familiale pour nourrir ses 480 vaches laitières, 380 veaux et 60 taurillons. Comme beaucoup d'autres agriculteurs mexicains, elle est préoccupée par les décisions que l'administration actuelle a prises ces deux dernières années.

 

 

Gina Gutierrez avec ses vaches laitières.

 

 

« Les producteurs sont toujours à la recherche de nouveaux outils qui les aident à être plus efficaces, et pour cette raison, les avancées technologiques que représentent les semences produites par le génie génétique sont un espace d'opportunités », a-t-elle déclaré. « Le gouvernement a dit qu'il veut soutenir la production de semences au Mexique et que nous devons être plus autosuffisants, pour atteindre un jour la sécurité alimentaire, mais cela n'arrivera jamais si les décisions suivent une mauvaise ligne idéologiquee, en ignorant les preuves scientifiques et les besoins des agriculteurs et des producteurs. »

 

Mme Gutierrez a déclaré que les agriculteurs ont été gravement touchés par la politique d'austérité du gouvernement, « souffrant de la réduction des mesures économiques qui nous aidaient dans le passé. L'interdiction des outils technologiques a un impact sur nos revenus ainsi que sur la disponibilité de la nourriture pour les consommateurs, la dépréciation du peso mexicain et la hausse des prix des fournitures agricoles. Si nous réduisons notre productivité, cela affecte tout. »

 

Elle a ajouté : « Je pense que les politiciens oublient que tout le monde a besoin de nourriture. Avec les mesures qu'ils prennent, ils nous font croire que la nourriture n'est pas essentielle. Mais vous ne pouvez pas jouer avec la nourriture car quoi que vous fassiez, vous en aurez toujours besoin ».

 

Ricardo Charles est un biotechnologiste et agriculteur de quatrième génération originaire de Coahuila, au Mexique, où sa ferme familiale produit du maïs, de l'avoine et du sorgho.

 

Il sait très bien que les cultures génétiquement modifiées pourraient être un allié pour résoudre les problèmes auxquels les agriculteurs sont actuellement confrontés dans la partie nord du pays. « Dans ma région, la sécheresse est le plus grand problème. Sans le soutien du gouvernement, et sans les semences améliorées, c'est un défi que nous devons relever seuls. »

 

 

Ricardo Charles inspecte une plante dans sa ferme de Coahuila, au Mexique.

 

 

Les agriculteurs ont besoin d'une véritable représentation au sein du gouvernement, dit-il. « Nous n'avons pas de voix. Les décisions passées ont été prises dans le cadre d'un populisme traditionnel exprimant la voix des dirigeants du gouvernement, et ne reflétant pas les besoins des agriculteurs. Le gouvernement répand des mythes sur la consommation de plantes génétiquement modifiées pour interdire ces plantes dans les champs mexicains. Ces actions augmentent les importations car la production nationale n'est pas suffisante et chaque année, nous sommes plus dépendants de la production alimentaire des autres pays. »

 

M. Charles a déclaré qu'il est crucial de renforcer le lien entre la biotechnologie et l'agriculture mexicaine. « Nous avons besoin de plus d'efforts de communication scientifique et de plus de scientifiques travaillant sur le terrain pour démontrer l'efficacité des produits biotechnologiques. »

 

José Quintana est un agriculteur de troisième génération originaire de Chihuahua, au Mexique, qui produit des arachides, du maïs, de la luzerne et de l'avoine.

 

« Le gouvernement n'accorde pas à l'agriculture l'importance qu'elle mérite », a-t-il déclaré. « Si les bonnes mesures étaient prises, cela pourrait stimuler la croissance économique dans le secteur, ainsi que la qualité de vie des personnes travaillant dans les exploitations agricoles. Le gouvernement n'investit pas dans la modernisation du système de production alimentaire » et les agriculteurs ne peuvent pas se permettre de financer la modernisation par eux-mêmes.

 

Sur la base de son expérience, il pense que « les agriculteurs sont ouverts à l'adoption de nouvelles technologies pour améliorer le rendement des cultures » et sont prêts à payer plus cher pour des semences améliorées qui stimulent la production. Il s'inquiète du fait que le gouvernement « n'apporte son soutien qu'aux personnes de leur entourage qui partagent les mêmes idées, laissant les agriculteurs sans protection ». A titre d'exemple, il souligne l'interdiction du glyphosate, qui « montre que le gouvernement ne trouve aucun intérêt à réduire l'utilisation de produits agrochimiques toxiques et dangereux dans les champs mexicains ».

 

José Luis Quintana est le fils de José Quintana. C'est un jeune biotechnologiste et ancien participant à iGem qui suit la tradition familiale en devenant un agriculteur de quatrième génération à Chihuahua.

 

Une fois qu'il a commencé à travailler dans les champs, il a rapidement réalisé que « des problèmes comme l'incertitude, la disponibilité de l'eau, les coûts des fournitures agricoles, le manque d'intérêt du gouvernement et la migration laissent les champs sans jeunes. Maintenant, ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'un pourcentage élevé de mes camarades de classe essaient d'émigrer, au moins vers d'autres villes, ainsi que vers d'autres pays. Que fait le gouvernement pour mettre fin à la fuite des cerveaux ? Rien... »

 

 

José Luis Quintana est un biotechnologiste et un agriculteur de quatrième génération.

 

 

Les agriculteurs ne sont pas les seuls à subir les effets négatifs des politiques gouvernementales, a-t-il fait remarquer. Les scientifiques sont également visés par les réductions de financement. « Malheureusement, la mauvaise gestion d'institutions gouvernementales telles que le CONACYT [Conseil National des Sciences et Technologies] par l'administration actuelle laisse l'avenir de la science aux fonctionnaires qui ne font que s'occuper de leurs propres agendas. »

 

Daniel Dominguez est un biotechnologiste, co-fondateur et directeur d'Allbiotech – une organisation de jeunes scientifiques présente dans toute l'Amérique latine – et ambassadeur d'iGem.

 

« L'agriculture mexicaine est très inégale, et la biotechnologie offre des solutions pour toutes les couches de la population », a déclaré M. Dominguez, qui a participé au processus d'adoption de l'agro-biotechnologie au Mexique depuis le début de sa carrière. « D'une part, l'utilisation des biotechnologies agricoles pourrait offrir aux petits agriculteurs de plus grandes possibilités d'accroître leur productivité et leurs profits, ce qui les rendrait plus résistants et plus compétitifs. D'autre part, la biotechnologie représente une grande opportunité de tirer pleinement profit des conditions climatiques de la campagne mexicaine, avec un impact environnemental moindre. »

 

 

Daniel Dominguez, biotechnologiste

 

 

Il s'inquiète du rôle que l'idéologie joue dans la conduite des politiques du gouvernement. « La prise de décision dans le pays doit être fondée sur des preuves scientifiques, et non sur des préjugés idéologiques. Le rejet idéologique de la biotechnologie agricole entraîne la mise en œuvre de politiques qui affectent son développement dans le pays et se traduisent directement par une diminution des investissements publics dans la recherche. »

 

Comme beaucoup d'autres jeunes biotechnologistes, et les scientifiques en général, il s'inquiète du « message de rejet de la biotechnologie agricole. Avant de prendre leurs fonctions, ils ont mis en garde à propos de la possibilité qu'ils retirent leur soutien à des projets qui ne s'inscrivent pas dans la ligne idéologique du chef de l'État. Jusqu'à présent, nous avons assisté à l'annulation de projets de diffusion scientifique dans le domaine de la biotechnologie agricole, et à l'avenir, nous risquons de voir le rejet de bourses pour des diplômes de troisième cycle dans ce domaine. »

 

_____________

 

* Source : Mexican farmers and scientists speak out against government's anti-biotech agenda – Alliance for Science (cornell.edu)

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M
Bonjour, encore une triste erreur d'écolos incompétents mais ultra nuisible en agriculture.
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