« Quand le politique se méfie de la science » de M. Olivier Babeau dans les Échos
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(Source)
Les Échos ont publié le 17 novembre 2020 une opinion de M. Olivier Babeau, économiste, cofondateur de l'Institut Sapiens, « Quand le politique se méfie de la science ».
Il n'est pas sûr que le titre soit approprié : « se contrefiche » semble plus pertinent que « se méfie » !
En bref,
« Le gouvernement a salué l'attribution du Nobel de chimie à Emmanuelle Charpentier. Pourtant, sa découverte sur les "ciseaux moléculaires" ne s'est pas faite dans un laboratoire français et, surtout, les applications potentielles de cette technique ne sont pas autorisées dans l'Hexagone, regrette Olivier Babeau. »
M. Olivier Babeau regrette aussi que le gouvernement ne suive pas – ou semble ne pas vouloir suivre – l'avis du Haut Conseil des Biotechnologies sur les variétés issues d'une mutagenèse in vitro – et plus généralement des avis de nombre de comités consultatifs.
Et d'en déduire :
« Tout cela prêterait à rire si cette histoire n'était pas symptomatique du rapport dégradé de nos politiques avec le savoir scientifique. Il ne viendrait naturellement à l'idée de personne de critiquer directement la science, mais force est de constater que sa prise en compte semble de plus en plus optionnelle dans le processus de décision politique. »
La peur est aussi un puissant ressort politique :
« Ce phénomène tient sans doute au poids toujours plus grand de l'émotion dans le débat politique. Le bruit des associations militantes et des médias sur certains sujets - nucléaire, glyphosate ou encore OGM - rend impossible un examen serein de ces questions. Si les politiques sont prêts à soutenir le consensus scientifique (et à raison !) sur les questions climatiques, ils sont moins nombreux à défendre la vérité scientifique sur des sujets moins populaires.
Pour le politique, forte est au contraire la tentation de la surenchère, pour mettre en scène sa capacité à agir : interdire telle ou telle substance ne coûte pas grand-chose, ou seulement aux industriels. Il est beaucoup plus facile de prendre les sujets par le petit bout de la lorgnette que de définir de grandes orientations stratégiques. On adore décréter des interdictions qui donnent au public le sentiment immédiat de l'action, quitte à multiplier discrètement les rétropédalages. On est beaucoup moins enclins à définir une véritable vision d'ensemble, en dépit de tous les discours ambiants sur la promotion de l'innovation.
En agissant de la sorte, les décideurs contribuent toutefois à l'inquiétante décrédibilisation de la science. [...]
Illustrations : la « sortie » du glyphosate pour la mise en scène de la capacité à agir, les dérogations pour l'enrobage des semences de betteraves avec un néonicotinoïde pour le rétropédalage...