Pesticides dans l'air : Atmo Occitanie publie des chiffres en l'air
Pour les pesticides dans l'air, inhalés (avec bien d'autres molécules et particules), on est dans l'ordre de grandeur du nanogramme/mètre cube. Pour les résidus de pesticides dans les aliments, la référence reine est la dose journalière admissible, exprimée en milligrammes/kilogramme de poids corporel/jour.
Entre nano et milli, la différence est d'un facteur six (un million de fois plus petit).
Les recherches, certes, sont intéressantes et instructives, mais au bout du compte se pose la question du rapport coût-bénéfices.
Atmo Occitanie – « Votre observatoire régional de la qualité de l'air » – a publié son « Rapport annuel 2019 » portant le titre : « Évaluation des phytosanitaires dans l’air en Occitanie – 2018-2019 ».
Les mesures ont été faites pour la plus grande partie sur une période allant de juin 2018 à juin 2019, et pour deux sites sur l'année 2019. Elles se sont inscrites dans le cadre d'une « Campagne nationale exploratoire des pesticides dans l’air ambiant » pilotée par l'ANSES.
Nous n'avons pas cherché à déterminer avec précision si d'autres régions ont fait mieux, ou moins bien, que l'Occitanie, tant en matière de diligence que de qualité de l'information publiée. Pour l'Aquitaine, par exemple, c'est à partir d'ici, et pour Auvergne-Rhône-Alpes, ici. L'Occitanie a, semble-t-il, fait mieux que ceux-ci, tant par le nombre de mesures que par le soin mis à la diffusion de l'information.
Mais c'est un nombre indéterminé de pages, les annexes n'étant pas paginées. Beaucoup de texte, mais aussi des tableaux qui laissent quelque peu songeurs.
Incontournables, les nombres de molécules détectées... c'est évidemment indispensable, mais c'est aussi dans la grande tradition des « rapports » de la petite entreprise Générations Futures.
Compte tenu de la sensibilité des moyens de mesure, le nombre de molécules trouvées grandira avec le nombre de molécules recherchées. Quelle information obtenons-nous lorsque s'allonge la liste des molécules repérées au niveau du seuil de détection ? Ne soyons pas mesquin : il y a d'autres informations plus précises... non, ce n'est pas comme chez la petite entreprise...
On peut aussi se rassurer : compte tenu du ramdam fait par les marchands de peur, les chiffres d'Atmo Occitanie sont plutôt bons (sauf pour qui est paniqué à l'audition du mot « pesticide »).
Pour ce qui est des concentrations, nous sommes plongés dans un abîme de perplexité : que signifie « cumuls de concentrations » ? Nous somme amenés à penser que c'est la somme des concentrations relevées pour chaque période de capture et de mesure (d'une durée d'une semaine).
Les chiffres annuels sont-ils vraiment comparables (même nombre de semaines ou, si les nombres diffèrent, capture de toutes les périodes de traitement) ? Quoi qu'il en soit, il y a à notre sens une leçon importante à tirer de ce graphique : manifestement, les traitements phytosanitaires (ainsi que les émissions dans l'atmosphère) varient en fonction des conditions climatiques ; on est dans le cadre d'une agriculture que l'on peut appeler raisonnée. Et c'est une bonne nouvelle.
Mais qu'en est-il des concentrations ? Faut-il penser qu'une personne résident près de l'observatoire de l'Aude aurait été exposée à un total de quelque 600 ng/m3 sur une période de 28 semaines (et également sur un an) ? Ces 600 ng/m3 sont-il en fait l'addition (le « cumul ») de concentrations plus basses (quelque 30 ng/m3 relevées sur 28 échantillons) ?
Le document explique :
« C’est sur le site de l’Aude que les quantités de pesticides ont été les plus élevées parmi l’ensemble des sites de mesures en région. Cela s’explique probablement par :
-
Un environnement entouré par de nombreuses parcelles viticoles et donc très influencé par les pratiques agricoles environnantes (cf. annexe 1).
-
la présence de fongicides en grande quantité au début de l’été 2018, en lien avec une forte pression au mildiou à cette période (cf. § 5.1.2.1)
C'est illustré par le graphique suivant.
Quel intérêt de présenter sous la forme d'une somme (c'est ce que suggère le graphique en barres) les concentrations d'un produit de protection des plantes mesurées dans les différents lieux ?
C'est au-dessus de ce graphique que nous trouvons une phrase cryptique qui donne à penser qu'on a fait des additions : « Le cumul d’une molécule représente la somme des quantités de cette même molécule parmi l’ensemble des échantillons de la campagne de mesure. »
Le document nous explique que les mesures se font à un débit bas de 16,5 L/min, comparable au débit ventilatoire de la respiration humaine au repos. La quantité d’air ainsi prélevée peut être assimilée à l’exposition réelle d’un être humain.
Cela correspond à un volume annuel de 8.672,4 m3.
Supposons pour les besoins de la démonstration que l'air contient en permanence 100 ng/m3 de pesticides. C'est très, très largement supérieur aux concentrations réelles (hormis peut-être pour le site de mesure de l'Aude). Dans ce cas de figure, nous ingérerions 0,86724 milligramme de pesticide en une année.
Prenons le cas du folpel (le coupable pour le chiffre élevé de l'Aude). Sa dose journalière admissible (certes par voie orale et non inhalation) est de 0,1 mg/kg p.c., soit, pour la crevette de référence de 60 kg, 6 mg/jour ou 2.190 mg/an. La dose inhalée dans notre exemple (tous pesticides confondus) représenterait en arrondi 0,04 % de la dose annuelle admissible de folpel (elle-même calculée avec une grosse marge de sécurité).
Le rapport d'Atmo Occitanie ne met pas ses chiffres en perspective. Selon ses « conclusions et perspectives », il faudrait a minima maintenir les mesures et, en bref, redoubler d'efforts dans plusieurs directions.
Les recherches, certes, sont intéressantes et instructives, mais au bout du compte se pose la question du rapport coût-bénéfices (et l'instrumentalisation des résultats).
En bref, il faut aussi maintenir leur turbin (mais gageons qu'Atmo Occitanie ne se démarque pas de ses congénères des autres régions)... Ainsi :
« Mieux évaluer les expositions chroniques et ponctuelles.
Comme pour les polluants réglementés en air ambiant, l’exposition des populations à la présence de pesticides doit être évaluée de manière chronique (à long terme) car certains pesticides sont présents tout au long d l’année.
Mais l’exposition aux pesticides doit aussi être évaluée de manière ponctuelle. En effet, en raison de pression extérieure non maitrisée, des pesticides peuvent être appliqués en grande quantité durant certaines périodes de l’année, entrainant des pics de concentrations dans l’air. Ainsi dans certains cas, le cumul observé en une semaine représente la majorité de la concentration mesurée en cumul annuel sur la totalité des échantillons hebdomadaires. »
Nous allons tous mourir !
On peut aussi lire avec avantage chez nos amis d'Alerte Environnement « On trouve plus de cocaïne dans l’air ambiant d’Amsterdam que de glyphosate dans l’air français » avec des éléments d'un fil Twitter de l'excellente Géraldine Woessner.
Et pour les résultats très particulier de l'Aude, on lira dans l'Agri « Phytos dans l’air : la viticulture audoise réplique [par Yann Kerveno] ».
Voici un graphique de la page de la Nouvelle-Aquitaine :
Et si vous voulez vous plonger dans un gros rapport de synthèse, c'est « Résultats de la Campagne Nationale Exploratoire de mesure des résidus de Pesticides dans l’air ambiant (2018-2019) » du Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l'Air (LCSQA).