Les groupes agricoles occidentaux soutiennent les mesures d'incitation à la lutte contre le changement climatique
Justin Cremer*
Photo : DedovStock/Shutterstock
Et si le meilleur moyen d'inciter les agriculteurs occidentaux à réduire leurs émissions de carbone et à adopter des pratiques plus écologiques était simplement de les payer ?
Le soutien aux programmes volontaires, basés sur des incitations qui récompenseraient les agriculteurs ayant pris des mesures respectueuses du climat comme la séquestration du carbone et l'utilisation d'énergies renouvelables semble se développer des deux côtés de l'Atlantique.
Avec des sections dans les 50 États et quelque six millions de membres à l'échelle nationale, l'American Farm Bureau Federation est le plus grand groupe agricole des États-Unis. En 2010 encore, le groupe approuvait le scepticisme à l'égard du changement climatique et promettait de lutter « agressivement » contre la législation sur le climat. Mais au début de ce mois, le Farm Bureau a révélé ce qu'il a appelé « un ensemble de recommandations sans précédent pour guider le développement de la politique climatique fédérale ». Ces plus de 40 recommandations s'appuient sur des mécanismes incitatifs qui paieraient les agriculteurs pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, séquestrer le carbone et réduire la consommation d'énergie.
La séquestration volontaire du carbone serait un crédit d'impôt transférable basé sur la performance, similaire au crédit d'impôt 45Q pour les fabricants industriels, et comprendrait également un paiement unique pour les « early adopters ». La réduction de la consommation d'énergie serait financée en augmentant les fonds disponibles via le programme REAP du ministère américain de l'agriculture pour investir dans des systèmes d'énergie renouvelable ou améliorer leur efficacité énergétique actuelle.
Les recommandations politiques sont le résultat de la création par le Farm Bureau de la Food and Agriculture Climate Alliance (FACA), un partenariat quelque peu improbable avec des groupes de défense de l'environnement comme l'Environmental Defense Fund et la Nature Conservancy.
« Nous sommes fiers d'avoir franchi les barrières historiques pour former cette alliance unique axée sur la politique climatique », a déclaré Zippy Duvall, président du Farm Bureau et co-président de la FACA.
Un autre co-président de la FACA, le président de l'Environmental Defense Fund Fred Krupp, a déclaré que l'alliance entre l'agriculture et les groupes verts devrait envoyer « un message fort au Capitole sur le besoin urgent d'une législation bipartite sur le climat ».
« Des exploitations agricoles et des forêts plus résistantes protègent l'économie agricole, réduisent les risques liés aux impacts climatiques déjà présents et aident à prévenir l'aggravation des impacts climatiques à l'avenir », a déclaré M. Krupp.
La National Farmers Union est également un partenaire de la FACA. Ce groupe de pression représente quelque 200.000 familles agricoles américaines dans tout le pays. Le président du syndicat, Rob Larew, a déclaré que les recommandations politiques sont en partie le résultat du fait que les agriculteurs ressentent de plus en plus les effets du changement climatique.
« Chaque année, les agriculteurs sont confrontés à des phénomènes météorologiques plus fréquents et plus graves, ce qui rend les bénéfices beaucoup plus difficiles à réaliser », a déclaré M. Larew, également coprésident de la FACA. « Il y a des mesures concrètes que les agriculteurs peuvent prendre pour renforcer leur résilience face aux phénomènes météorologiques extrêmes et retirer le carbone de l'atmosphère, mais ils ont besoin d'une politique solide pour les soutenir. »
Si l'alliance inhabituelle qui sous-tend la FACA devra probablement attendre que le nouveau Congrès prête serment pour voir si ses recommandations se traduisent par une législation, des programmes d'incitation volontaires similaires pour les agriculteurs sont également en cours de discussion en Europe.
La nouvelle politique agricole commune (PAC) de l'UE comprendra probablement des « éco-dispositifs » [aides complémentaires au revenu en faveur de programmes pour le climat et l'environnement] volontaires qui donneront aux agriculteurs des fonds supplémentaires pour mettre en œuvre des protections environnementales supplémentaires. La PAC représente plus d'un tiers de l'ensemble du budget de l'UE et détermine la politique agricole à chaque fois pour une période de sept ans. La PAC actuelle expirera à la fin de l'année 2022 et les négociations du trilogue entre le Parlement, le Conseil Européen et la Commission Européenne qui détermineront l'avenir de l'agriculture de l'UE en 2023 et au-delà sont actuellement en cours.
Une proposition de règlement européen sur le climat est également en cours de négociation. Pilier du plan d'action climatique de la Commission Européenne connu sous le nom de « Pacte Vert pour l'Europe » (European Green Deal), le règlement sur le climat lierait juridiquement les États membres à l'objectif continental de neutralité climatique d'ici 2050. Dans le cadre des négociations sur le règlement, le Parlement Européen a exprimé son soutien à un système de crédit carbone pour les agriculteurs, un plan soutenu par le plus grand groupe d'intérêts agricoles du continent, le COPA-COGECA.
En octobre, le secrétaire général du COPA-COGECA, Pekka Pesonen, a déclaré qu'un système de crédit carbone pour les agriculteurs offrirait « une occasion exceptionnelle pour l'agriculture européenne d'exploiter le potentiel de séquestration du carbone des terres agricoles ».
« [Un crédit carbone] fournira aux agriculteurs un revenu supplémentaire vital basé sur le marché et il donnera des perspectives à nos jeunes agriculteurs », a déclaré M. Pesonen. « Le premier rôle stratégique de l'agriculture est de produire des denrées alimentaires et d'assurer la sécurité alimentaire, ce qui est de plus en plus difficile face aux extrêmes climatiques du fait du changement climatique. »
Il a ensuite salué le système de crédits carbone comme un outil « pragmatique et concret » dans la lutte contre le changement climatique. En exprimant son soutien au crédit carbone, le COPA-COGECA a déclaré que les agriculteurs européens ressentent déjà les effets du changement climatique et réalisent qu'« il faut en faire plus » pour réduire l'impact environnemental du secteur.
Bien que le groupe d'intérêt ait souligné que le secteur agricole de l'UE a augmenté sa productivité de 25 % depuis 1990 tout en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre de plus de 20 % au cours de la même période, un rapport récent de l'Agence Européenne pour l'Environnement a indiqué que les pratiques agricoles non durables étaient l'une des principales responsables du « grave déclin continu » de la biodiversité en Europe.
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* Source : Western farm groups back incentives to fight climate change - Alliance for Science (cornell.edu)