Les experts africains de la vaccination demandent un accès équitable aux vaccins contre la Covid-19
Verenardo Meeme*
Les experts en immunisation de l'Afrique exhortent la communauté internationale et les pays africains à prendre des mesures concrètes pour que le continent ait un accès équitable aux vaccins contre la Covid-19.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) s'est jointe aux experts pour lancer cet appel alors que des résultats positifs apparaissent dans la recherche d'un vaccin qui offre une protection efficace contre le coronavirus à l'origine de la Covid-19.
« Trop souvent, les pays africains se retrouvent en queue de peloton pour les nouvelles technologies, y compris les vaccins », a déclaré le Dr Matshidiso Moeti, directeur régional de l'OMS pour l'Afrique. « Ces produits vitaux doivent être accessibles à tous, et pas seulement à ceux qui ont les moyens de payer ».
L'Union Africaine (UA) a approuvé la nécessité pour l'Afrique de mettre en place un cadre pour s'engager activement dans le développement et l'accès aux vaccins contre la Covid-19. Les pays peuvent prendre des mesures dès maintenant pour renforcer les systèmes de santé, améliorer la fourniture de la vaccination et ouvrir la voie à l'introduction d'un vaccin contre la Covid-19.
Le Dr Ouma Anzala, professeur de virologie et d'immunologie et chercheur principal de l'Initiative Kenyane pour un Vaccin contre le Sida (KAVI) à l'Institut de Recherche Clinique de l'Université de Nairobi, est d'accord avec la position de l'UA.
« L'Afrique devrait commencer à planifier la logistique et la distribution des vaccins », a déclaré Ouma Anzala aux journalistes lors d'un webinaire organisé aujourd'hui par l'Africa Science Media Centre. « La chaîne du froid [requise] pour la distribution du vaccin ne sera pas similaire à celle des vaccins habituels pour les enfants ».
M. Anzala, qui a participé activement à la recherche sur le vaccin contre la Covid-19, exhorte les gouvernements africains à allouer des ressources adéquates pour mettre l'Afrique sur un pied d'égalité avec les interventions pharmaceutiques, au vu de la percée positive dans la recherche de vaccins contre la Covid-19.
« C'est la plus longue période que j'ai passée en tant que médecin », a déclaré M. Anzala. « Je sais très bien que le meilleur espoir dans toute maladie infectieuse est un vaccin. Même dans les endroits où nous disposons d'un traitement, les gens meurent, mais les vaccins sauvent des vies, et cela de deux façons : soit ils peuvent offrir une protection contre la maladie, soit ils offrent une protection contre les infections. Cela signifie qu'une fois que vous avez été vacciné, vous ne serez probablement pas infecté par le virus de la Covid 19. »
Le Kenya et l'Afrique du Sud ont participé à des essais cliniques de vaccins, qui ont montré des progrès. Mais les scientifiques affirment que les pays africains n'alloueront probablement pas assez de fonds pour acheter les vaccins, ce qui fait peser leurs espoirs sur les donateurs. En attendant, les pays développés ont déjà commencé à allouer des ressources pour acheter et distribuer les vaccins.
Le Kenya a participé à la première phase des essais alors que le pays continue d'enregistrer un taux élevé d'infections par le coronavirus. M. Anzala a averti qu'à l'approche des fêtes de fin d'année, il est probable qu'un nombre encore plus important d'infections soit dû à des phénomènes de propagation, tels que la foule dans les bars, les mariages et les fêtes.
M. Anzala a déclaré qu'il est important de déterminer qui doit être vacciné en premier. C'est essentiel pour les personnes qui courent le plus grand risque d'être infectées et de subir des complications, et c'est un sujet que les décideurs politiques devraient rapidement aborder.
« Nous avons un problème d'anti-vaccins ; leurs préoccupations doivent être discutées », a-t-il dit, rappelant les retards et les refus qui se sont produits au Kenya lorsque le clergé catholique a conseillé aux fidèles de ne pas se faire vacciner, même pour prévenir des maladies telles que la polio.
« Ce sont des questions qui doivent être discutées maintenant que divers pays se préparent à l'introduction des vaccins contre la Covid-19 », a-t-il ajouté. « Il est nécessaire d'engager un dialogue sérieux avec tous les professionnels de la santé, les communautés, les leaders d'opinion, les responsables politiques, les églises et les médias. »
M. Anzala exhorte les pays d'Afrique de l'Est à se réunir et à négocier des vaccins pour sauver des vies, en particulier chez les personnes âgées.
« Avec l'âge, la mortalité augmente, même sans les comorbidités », a-t-il déclaré. « La protection des personnes âgées et de celles qui présentent des comorbidités est vitale car nous savons qu'une fois qu'elles sont infectées, l'issue est critique. »
M. Anzala a appelé les médias à ne partager avec le public que des informations crédibles et vérifiées par des experts. « Nous avons vu certaines maisons de presse diffuser de la propagande, provoquant peur et anxiété », a-t-il déclaré. « Cela a entraîné une recrudescence des cas de maladies mentales. »
Les vaccins qui montrent maintenant leur efficacité sauveront des vies et arrêteront la transmission du virus, a déclaré M. Anzala, et les scientifiques qui y travaillent sont de solides professionnels.
Les trois premiers candidats vaccins sont fondés sur des plate-formes qui ont été utilisées auparavant. Toutefois, les candidats vaccins font face à des intérêts concurrents, tels que la rapidité et la sécurité.
« Nous voulons des interventions pharmaceutiques parce que nous savons qu'un vaccin particulier fonctionnera correctement », a-t-il ajouté, avertissant que les infections se poursuivront si rien ne change, c'est-à-dire si les gens ne respectent pas les mesures non pharmaceutiques (port du masque, distanciation sociale) qui ont été mises en place.
L'Afrique de l'Est devrait opter pour un consortium Covid-19 car les experts continuent d'étudier ces vaccins et de voir lesquels sont les plus appropriés pour les populations africaines, a-t-il conseillé.
L'Afrique du Sud et le Kenya ont participé aux essais de vaccins de l'université d'Oxford. M. Anzala a déclaré qu'il serait également approprié de tester les vaccins Pfizer et Moderna afin de mieux comprendre leurs performances dans un contexte africain.
Une question clé est de savoir comment adapter les vaccins aux cadres de distribution existants en Afrique, a-t-il dit. Par exemple, les congélateurs qui peuvent stocker certains vaccins à la température requise de -70 degrés Celsius ne sont pas courants en Afrique.
Le principal défi sera la distribution et l'administration et pas nécessairement le coût du dosage par personne, a-t-il dit.
« Si tout se passe bien, je vois que vers la fin du premier trimestre 2021, deux vaccins qui sont en première ligne pourraient être disponibles, mais cela pourrait être accéléré si les pays africains commençaient à budgétiser l'achat des vaccins », a déclaré M. Anzala. Il a indiqué que l'Union africaine est intéressée à négocier pour financer l'accès aux vaccins sans nécessairement dépendre de la communauté de donateurs.
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