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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Une nouvelle étude révèle que la renaturation des terres agricoles peut protéger la biodiversité et séquestrer le carbone

26 Novembre 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #Article scientifique

Une nouvelle étude révèle que la renaturation des terres agricoles peut protéger la biodiversité et séquestrer le carbone

 

Mark Lynas*

 

 

Image : vue aérienne d'un champ de soja gagné sur une forêt tropicale humide au Brésil. Shutterstock/Frontpage

 

 

La restauration des écosystèmes sur seulement 15 % des terres agricoles actuelles de la planète [voir ma note] pourrait épargner 60 % des espèces qui devraient disparaître tout en séquestrant 299 gigatonnes de CO2, soit près d'un tiers de l'augmentation totale du carbone atmosphérique depuis la révolution industrielle, selon une nouvelle étude.

 

Si la surface de terre soustraite à l'agriculture pouvait être doublée – permettant ainsi à 30 % des écosystèmes les plus précieux perdus au monde d'être entièrement restaurés – plus de 70 % des extinctions prévues pourraient être évitées et la moitié du carbone libéré depuis la révolution industrielle (soit 465 gigatonnes de CO2) serait absorbée par le paysage naturel renaturé, selon les chercheurs.

 

L'étude, intitulée « Global priority areas for ecosystem restoration » (zones prioritaires pour la restauration écosystémique), a été publiée dans Nature le 14 octobre 2020. L'auteur principal est Bernardo Strassburg du Centre Scientifique de Conservation et de Durabilité de Rio à l'Université Catholique Pontificale de Rio de Janeiro, au Brésil. Quelque 27 chercheurs de 12 pays ont contribué à ce rapport, qui évalue les forêts, les prairies, les zones arbustives, les zones humides et les écosystèmes arides.

 

« Il est essentiel de faire avancer les plans visant à ramener d'importants pans de la nature à l'état naturel pour éviter que les crises actuelles de la biodiversité et du climat ne deviennent incontrôlables », a déclaré l'auteur principal Bernardo Strassburg. « Nous montrons que si nous sommes plus avisés quant aux endroits où nous restaurons la nature, nous pouvons cocher les cases climat, biodiversité et budget sur la liste des choses à faire d'urgence dans le monde. »

 

Comme le suggère Strassburg, l'article montre que les endroits où la nature est restaurée font une grande différence à la fois pour le climat et la faune. En utilisant une plate-forme d'optimisation multicritères sophistiquée appelée PLANGEA et les dernières technologies de cartographie, les chercheurs ont évalué 2.870 millions d'hectares d'écosystèmes dans le monde qui ont été convertis en terres agricoles. Parmi ceux-ci, 54 % étaient à l'origine des forêts, 25 % des prairies, 14 % des zones arbustives, 4 % des terres arides et 2 % des zones humides.

 

Ils ont ensuite évalué ces terres en fonction de trois facteurs, ou objectifs – habitats des animaux, stockage du carbone et rentabilité – afin de déterminer quelles zones offriraient le plus d'avantages pour la biodiversité et le carbone au moindre coût une fois renaturées.

 

Les zones prioritaires offrant le meilleur rapport qualité-prix, en termes de carbone, de biodiversité et de rentabilité, se trouvent en grande partie dans les régions tropicales et les pays en développement, notamment en Amérique centrale et du Sud, en Afrique occidentale et centrale, dans le sous-continent indien et en Asie du Sud-Est, selon l'outil de cartographie.

 

Ces régions se distinguent par le fait qu'elles abritent les points chauds de biodiversité les plus importants de la planète et comprennent des forêts tropicales et subtropicales très diverses qui ont récemment connu une perte d'habitat importante. Une priorité immédiate serait de restaurer les zones nouvellement déboisées qui sont encore entourées de forêts intactes.

 

 

Les zones récemment déboisées qui sont encore entourées de forêts intactes, comme cette forêt tropicale humide de Malaisie récemment exploitée, seraient des priorités de restauration. Image : Shutterstock/Rich Carey

 

 

Toutefois, un effort déterminé pour promouvoir une agriculture à haut rendement est nécessaire afin de réaliser ces avantages importants pour la biodiversité et l'atténuation du climat sans avoir d'impact sur l'approvisionnement alimentaire. Une stratégie d'intensification durable de l'agriculture, combinée à des efforts visant à réduire le gaspillage alimentaire et la consommation de protéines animales, pourrait permettre de restaurer quelque 1,5 milliard d'hectares – soit jusqu'à 55 % des écosystèmes convertis – sans réduire la disponibilité alimentaire, selon l'étude.

 

Plus précisément, il faudrait pour cela combler 75 % des écarts de rendement actuels grâce à une stratégie d'intensification durable visant à produire davantage de denrées alimentaires sur les terres existantes afin de préserver les habitats naturels sans réduire la production alimentaire globale. Cela suggère que l'agriculture à faible rendement, qui nécessite plus de terres par unité de production alimentaire, n'est pas compatible avec la conservation de la biodiversité et l'atténuation du climat si l'on tient compte des externalités plus générales telles que l'utilisation globale des terres.

 

« Alors que les responsables gouvernementaux se recentrent progressivement sur les objectifs mondiaux en matière de climat et de biodiversité, notre étude leur fournit les informations géographiques précises dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés sur les endroits où restaurer les écosystèmes », a déclaré Robin Chazdon, l'un des auteurs de l'étude publiée dans Nature.

 

Les auteurs concluent qu'« en quantifiant et en cartographiant les gains d'efficacité d'une priorisation commune du climat et de la biodiversité, nos résultats soulignent les synergies qui découlent du rapprochement des objectifs des trois conventions de Rio des Nations Unies plutôt que de la poursuite de leurs objectifs de manière isolée. Les défis couplés que ces conventions abordent sont parmi les plus grands auxquels l'humanité est confrontée. Mais notre ambition collective déclarée de restaurer la nature – si elle est bien planifiée et mise en œuvre – peut faire des progrès considérables pour les relever. »

 

____________

 

* Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2020/10/rewilding-farmland-can-protect-biodiversity-and-sequester-carbon-new-study-finds/

 

 

Ma note

 

Ah ! les modélisations...

 

Est-ce réaliste ? S'agissant des prédictions, on peut être surpris de voir des chiffres portant sur des extinctions, par nature hypothétiques.

 

Plus importante encore est la question de savoir si les États et les acteurs de la vie économique seraient prêts – et à quelles conditions – à renoncer à des terres cultivables et cultivées pour les rendre à la « nature ».

 

Les chiffres articulés, pour des surfaces qui se répartissent inégalement dans le monde, semblent considérables, mais si j'ai bien compris l'article, ils se rapportent à des terres récemment mises en culture, entre 1992 et 2015, les auteurs ayant exploité les images satellites de la European Space Agency Climate Change Initiative (ESA CCI).

 

 

Faut-il comprendre le « 0.23 » comme « 23 % » ?

 

Les auteurs ont sans doute le mérite de souligner la nécessité d'intensifier la production agricole (essentiellement alimentaire) sur les terres qui resteraient agricoles. Leur hypothèse est modeste car ils n'évoquent pas l'irrigation.

 

En tout cas, l'Europe n'est pas en train de prendre ce chemin avec ses grands projets « de la ferme à la table » et « biodiversité »...

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A
Dans un contexte mondial d'augmentation de la population, où la volonté des écologistes de promouvoir l'agriculture Bio dont les rendements sont moindres est de plus en plus prégnante, penser que reforester des terres cultivées est une solution vitale pour l'humanité semble être une élucubration démente.
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