Les agriculteurs qui stockent le carbone dans le sol sont les champions de la lutte contre le changement climatique
Steve Larocque*
En tant qu'agriculteurs, nous avons une histoire positive à raconter sur le rôle que nous jouons dans l'atténuation du changement climatique. Nos efforts pour séquestrer le carbone passent souvent inaperçus.
Malheureusement, il est devenu facile et, pour certains, à la mode, d'accuser les agriculteurs de contribuer au changement climatique et de l'aggraver.
La vérité est que nous sommes à l'avant-garde de la « séquestration du carbone », qui consiste à éliminer le dioxyde de carbone de l'atmosphère et à le stocker sous forme solide ou liquide. Les plantes effectuent ce travail, par le biais du processus naturel de la photosynthèse. C'est pourquoi les arbres et les forêts constituent une partie importante de la solution au changement climatique.
Les agriculteurs le sont aussi. Nous cultivons des plantes pour vivre et, en appliquant certaines pratiques agricoles, nous transformons nos champs en usines de séquestration du carbone.
C'est ce que je fais en tant qu'agriculteur dans la province canadienne de l'Alberta. Je produis du blé, de l'orge, du canola et d'autres cultures près de la ville de Drumheller, dont la principale particularité est une attraction touristique appelée « le plus grand dinosaure du monde », une maquette de 26 mètres de haut d'un Tyrannosaurus Rex.
Cette nouveauté de bord de route peut sembler appartenir au passé, mais en 2007, notre province s'est tournée vers l'avenir en établissant un protocole d'agriculture de conservation. L'idée était de créer un marché de compensation des émissions de carbone pour les grands émetteurs de gaz à effet de serre, notamment les producteurs de pétrole et de gaz, ainsi que les agriculteurs qui peuvent introduire des techniques de culture sans labour sur leurs terres et réduire leur utilisation de combustibles fossiles. Avec un partenaire, j'ai créé une entreprise pour aider les agriculteurs à participer à ce nouveau système.
Aujourd'hui, je suis conseiller agricole certifié, ce qui signifie que j'examine et approuve les plans de culture et d'équipement qui permettent aux agriculteurs de vendre des compensations carbone. J'ai également une entreprise de conseil en cultures appelée Beyond Agronomy (suivez-nous sur Twitter !) qui fournit un soutien agronomique aux agriculteurs. Enfin, je dispose d'une ferme de recherche pour tester les systèmes, les machines et les technologies agricoles.
Dans notre région, par exemple, un système agricole avec travail du sol peut stocker environ 30 tonnes de carbone par hectare dans le sol. Cela équivaut à environ 3 % de matière organique, dont 45 % environ de carbone. Les agriculteurs qui adoptent le semis direct et les meilleures méthodes de piégeage du carbone ont cependant augmenté ce niveau pour atteindre le double de celui des agriculteurs conventionnels, soit 60 tonnes par hectare. La meilleure est que nous avons la possibilité d'augmenter notre capacité à stocker davantage grâce à de meilleures pratiques et technologies.
Cette amélioration est le résultat d'une nouvelle réflexion et d'une planification consciencieuse.
Les pratiques agricoles traditionnelles impliquent la perturbation délibérée du sol par le labour ou les façons culturales. Nous appelons cela «travail du sol », et c'est une méthode utilisée pour gérer les résidus lourds et aérer le sol, à la fois pour améliorer le placement des semences et la levée.
Cette pratique accélère également la décomposition du carbone stocké dans le sol. Si notre objectif est de stocker davantage de carbone, nous devons cultiver de manière à pouvoir produire des aliments tout en perturbant le moins possible le sol. Le système de culture sans labour que nous avons adopté ne perturbe que 17 % des sols de notre exploitation chaque année. Il laisse le reste tranquille. Il en résulte une accumulation de carbone stocké dans le sol au fil du temps.
Nous faisons également attention à la façon dont nous utilisons nos tracteurs et nos moissonneuses-batteuses. Au lieu de rouler au hasard sur nos champs, ils se déplacent sur des traces permanentes appelées lignes de tram. Cela limite le compactage par les machines à une petite surface et élimine la nécessité d'aérer le sol par des façons culturales. Nous laissons les plantes s'occuper de l'aération pour nous, ce qui entraîne une augmentation de la biomasse aérienne et souterraine (carbone).
En combinant nos systèmes de culture sans labour et de circulation contrôlée avec une nutrition équilibrée des cultures, nous pouvons stocker plus de carbone chaque année.
Cette stratégie est bonne pour l'environnement car elle permet de conserver davantage de carbone dans le sol et dans l'air, ce qui réduit l'impact du changement climatique, mais elle présente également des avantages économiques. Elle améliore le cycle des nutriments et l'efficacité de l'eau, rend les rendements plus stables et réduit le nombre de passages des machines dans les champs, ce qui permet d'économiser du temps, du travail, de l'usure et du carburant. Parce que nous faisons cela, nous avons la possibilité de vendre des compensations carbone sur un marché qui devient plus attractif.
On ne peut pas regarder la séquestration du carbone comme on peut regarder les cultures pousser ou les tracteurs se déplacer dans les champs, mais elle ne doit pas rester invisible – elle doit faire partie de toutes les conversations que nous avons sur l'agriculture et le changement climatique.
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* Steve Larocque, agriculteur, Canada
Agriculteur de première génération, gère un système de semis inter-rangs à circulation contrôlée sur 260 hectares de blé, de canola, d'orge, de pois, de féverole en rotation ; a été le premier dans l'ouest du Canada à développer un système agricole à circulation contrôlée.