Exportation de pesticides « interdits » : une manœuvre d'un fonctionnaire de la Commission Européenne ?
(Source)
Le 27 octobre 2020, Euractiv a publié « Commission to consider halting export of banned pesticides, EU source says ».
C'est délicieusement ambigu : est-ce « La Commission envisage d'arrêter l'exportation de pesticides interdits, selon une source européenne » ou « La Commission va étudier... » ? Le texte a été traduit (enfin...) en français et le titre est dévenu « Vers la suspension des exportations des pesticides interdits dans l’UE ? ». En allemand, c'est « Quelle: EU-Kommission offen für Exportverbot von gewissen Pestiziden » (source [anonyme] : la Commission bien ouverte à une interdiction des exportations de certains pesticides).
Traduttore, traditore ou le dilemme du traducteur, ou encore l'adaptation en fonction des éléments qu'il a à sa disposition.
Mais quand c'est flou, il y a un loup !
Prenons le résumé en français :
« L’UE devrait œuvrer pour garantir que les substances chimiques dangereuses interdites sur son territoire ne soient pas produites à des fins d’exportations, notamment "en révisant la réglementation concernée, si besoin", a confirmé une source européenne. »
L'anglais est plus ferme : la Commission européenne veillera à ce que – ou s'assurera que – les produits chimiques dangereux, tels que les pesticides, interdits dans l'Union européenne ne soient pas produits pour l'exportation.
En bref, la gorge profonde a-t-elle dévoilé une intention ou lancé une infox, histoire de susciter l'attention sur un projet politique – apparemment dans les cartons – et le faire avancer ?
Selon cette source anonyme,
« ...nous voulons faire preuve de cohérence.
Comment pouvons-nous justifier que la santé et l’environnement de pays tiers soient mis en péril avec des produits que nous ne voulons pas utiliser sur notre territoire, car ils soulèvent des inquiétudes relatives à la santé et l’environnement du bloc ? [...] notre législation doit adopter la même approche, tant sur ce que nous acceptons au sein de notre territoire, que sur ce que nous exportons.
Nous devons non seulement renforcer les contrôles sur ce que nous importons dans le bloc, mais également nous assurer que nos exportations sont sans danger [il faut] s’aligner sur l’engagement au Pacte vert pour l’Europe en ce qui concerne les normes sanitaires et environnementales afin de montrer la voie à l’échelle mondiale ».
« ...montrer la voie à l’échelle mondiale » ? Cet indécent cocktail d'arrogance, de néocolonialisme et de stupidité.
À l'heure actuelle, les exportations sont assujetties à un système d'autorisation ou de consentement préalable en connaissance de cause (PIC), de sorte qu'elles sont régies par la demande des pays importateurs.
De sorte aussi que des organisation comme la petite entreprise helvétique Public Eye (anciennement Déclaration de Berne) et la succursale britannique de la multinationale Greenpeace peuvent se livrer à la gesticulation médiatique, entretenir leur fond de commerce et faire entrer les dons (voir « La "vertueuse" Europe ne doit pas exporter des pesticides "interdits", dit la bien-pensance »).
Ce fut un webinaire de l'entre-soi... (source)
Cette déclaration – répétons-le : anonyme – aura donc permis à Euractiv d'interroger la Commission, peut-être avec des éléments de langage susceptibles d'orienter la réponse. Selon un attaché de presse, la Commission...
« ...voulait que l’UE montre l’exemple, et, conformément à ses engagements internationaux, garantir que les substances chimiques dangereuses interdites sur le sol du bloc ne soient pas produites à des fins d’exportations ».
Bref, « [d]e ce fait, la législation concernée pourrait être modifiée ».
Cela reste du conditionnel.
L'inénarrable Éric Andrieu s'est évidemment précipité. « Le combat continue »...
(Source)
L'inénarrable Michèle Rivasi s'est aussi précipitée.
(Source)
Le fer devait se battre pendant qu'il était chaud. Une palanquée d'organisations ont donc écrit à la Commission pour lui demander d'interdire les exportations des pesticides interdits, ainsi que l'importation de produits alimentaires produits à l'aide de ces substances.
Bien sûr, elles ont cité l'« exemple » de la France – meilleure élève de la classe européenne... que dis-je... mondiale – et sa loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (article 83).
Comme on peut le voir ci-dessus, M. Éric Andrieu s'est fait le porte-voix de Pan Europe et Cie. Mme Michèle Rivasi a aussi répondu à l'appel du militantisme.
Quand on a des petites mains aussi zélées, on n'a pas besoin de lobbyistes...