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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Néonicotinoïdes : les tartarinades du Sieur Éric Andrieu, député européen par la grâce du scrutin de liste

26 Octobre 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #Néonicotinoïdes, #betteraves, #Politique

Néonicotinoïdes : les tartarinades du Sieur Éric Andrieu, député européen par la grâce du scrutin de liste

 

 

 

 

Nous l'avons déjà évoqué, par exemple dans « Néonicotinoïdes : les pitreries rhétoriques de l'eurodéputé Éric Andrieu » : il a pris sa plus belle plume pour s'adresser à la Commission européenne à peine annoncée l'intention du gouvernement français de saisir l'Assemblée Nationale d'une proposition de loi pour permettre des dérogations pour l'enrobage des semences de betteraves avec des nicotinoïdes.

 

Rappelons qu'il s'agit de lutter contre la jaunisse, transmise par des pucerons, et, in fine, sauver la filière française de la betterave à sucre et de tout ce qui lui est rattaché (y compris le gel hydro-alcoolique et la lutte contre la Covid-19). Rappelons aussi qu'il n'y a pas d'autre solution raisonnable.

 

C'est ce que vient encore d'écrire le Sénat dans : « Néonicotinoïdes : Malgré les efforts de recherche, pas encore d’alternative pour lutter contre la jaunisse de la betterave », à l'issue des auditions de M. Roger Genet, directeur général de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail (ANSES), et de M. Philippe Mauguin, président de l’Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement (INRAE), auditionné dans le cadre du renouvellement de son mandat.

 

Rappelons encore que le projet de loi a été déposé à l'Assemblée Nationale le 3 septembre 2020.

 

Or donc, le 26 août 2020, M. Éric Andrieu déposait une « question avec demande de réponse écrite » à la Commission selon l'article 138 du règlement intérieur du Parlement Européen :

 

« Objet: Réautorisation des néonicotinoïdes en France

 

Le gouvernement français annonçait, début août 2020, sa volonté de déroger à son interdiction des insecticides néonicotinoïdes entrée en vigueur en 2018.

 

La nocivité des néonicotinoïdes pour la biodiversité est pourtant bien connue; ils sont en partie responsables de la mort ou de l’affaiblissement d’insectes tels les abeilles ou les bourdons. Par la technique d’enrobage de la graine, le néonicotinoïde se diffuse dans l’ensemble de la plante, des racines aux feuilles jusqu’au pollen, mais aussi au-delà. En effet, la majorité de la substance nocive se diffuse également dans les sols environnants, contaminant bien d’autres éléments de la biodiversité.

 

Cette décision de dérogation devrait être suspendue par les autorités européennes en vertue (sic) de l’article 53 du règlement européen sur les produits phytopharmaceutiques, qui permet à la Commission de suspendre ou d’annuler une dérogation nationale abusive quant à l’utilisation de produits chimiques.

 

À l’aube du pacte vert, pour l’intérêt général, environnemental et sanitaire, la Commission accepte-t-elle d’enclencher cette procédure de suspension?

 

La réponse est tombée le 16 octobre 2020 :

 

« Réponse donnée par Mme Kyriakides au nom de la Commission européenne [...]

 

Depuis le 1er juillet 2020, la législation nationale française (le code rural et de la pêche maritime) ne prévoit plus la possibilité d'accorder des dérogations pour l'utilisation des néonicotinoïdes. La modification prévue de cette législation nationale, à laquelle l'Honorable Parlementaire fait référence, vise à habiliter les autorités françaises, pendant les trois prochaines années, à accorder des autorisations d'urgence pour l'utilisation de néonicotinoïdes sur la betterave sucrière dans les conditions énoncées à l'article 53 du règlement (UE) no 1107/2009. La législation ne constitue pas en soi une autorisation d'urgence.

 

L'octroi d'autorisations d'urgence relève de l'entière responsabilité des États membres, qui doivent toutefois, conformément à l'article 53, les notifier par l'intermédiaire de la base de données du système public de gestion des demandes pour les produits phytopharmaceutiques (PPPAMS)(1). Jusqu'au 2 octobre 2020, la France n'avait notifié aucune autorisation d'urgence concernant les néonicotinoïdes en vertu du cadre européen.

 

À la suite de l'interdiction de toutes les utilisations en plein air des trois néonicotinoïdes imidaclopride, thiaméthoxame et clothianidine, en mai 2018, et du non-renouvellement de l'approbation du thiaclopride, le 3 février 2020, dix États membres ont accordé à plusieurs reprises des autorisations d'urgence concernant utilisation de ces substances sur les betteraves sucrières. La Commission élabore actuellement un mandat à confier à l'Autorité européenne de sécurité des aliments, conformément à l'article 53, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1107/2009, afin que l'Autorité détermine si les autorisations d'urgence accordées pour ces substances actives pendant la période de culture 2020 de la betterave sucrière répondent aux conditions énoncées à l'article 53, paragraphe 1, dudit règlement. La Commission envisagera d'adopter des décisions juridiquement contraignantes interdisant l'octroi d'autorisations d'urgence jugées injustifiées, comme cela a été fait récemment dans des décisions adressées à la Lituanie et à la Roumanie(2).

 

____________

 

(1) https://ec.europa.eu/food/plant/pesticides/eu-pesticides-database/ppp/pppeas/screen/home

(2) Décision d'exécution (UE) 2020/152 de la Commission du 3 février 2020 interdisant à la Roumanie de renouveler l'octroi d'autorisations au titre de l'article 53, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1107/2009 pour les produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives clothianidine ou imidaclopride en vue de leur utilisation sur Brassica napus afin de lutter contre Phyllotreta spp. ou Psylliodes spp., JO L 33 du 5.2.2020, p. 16.

Décision d'exécution (UE) 2020/153 de la Commission du 3 février 2020 interdisant à la Lituanie de renouveler l'octroi d'autorisations au titre de l'article 53, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1107/2009 pour les produits phytopharmaceutiques contenant la substance active thiaméthoxame en vue de leur utilisation sur le colza de printemps afin de lutter contre Phyllotreta spp. ou Psylliodes spp., JO L 33 du 5.2.2020, p. 19. »

 

La question a, bien sûr, fait l'objet d'une large médiatisation. M. Éric Andrieu n'a pas hésité à travestir les faits. Sur son site, la question écrite est devenue une « demande de procédure d’annulation »... Il est difficile de croire que M. Éric Andrieu ait pu penser que sa question avait le sens qu'il lui a donné dans sa communication.

 

 

(Source)

 

 

La réponse de la Commission a été parfaitement limpide sur ce point : « La législation ne constitue pas en soi une autorisation d'urgence. »

 

Cependant, elle pêche à notre sens par un excès de prévenance envers « l'Honorable Parlementaire » ou un manque d'exhaustivité.

 

La Commission a bien intimé à la Lituanie et la Roumanie de ne plus accorder de dérogations pour l'enrobage de semences de colza pour lutter contre certains ravageurs.

 

Mais, comme le montre par exemple la décision relative à la Roumanie, ce pays a accordé d'autres dérogations portant sur le maïs et le tournesol, et, sur la base de l'avis de l'EFSA, la Commission n'a rien trouvé à redire pour ces espèces.

 

Cela illustre le fait que la formulation : « La Commission envisagera d'adopter des décisions juridiquement contraignantes interdisant l'octroi d'autorisations d'urgence jugées injustifiées [...] » est étonamment maladroite.

 

« The Commission will consider adopting... » signifie ici que la Commission « examinera s'il y a lieu de... ».

 

En attendant, l'eurodéputé aura fait de la gesticulation dans une tentative de saboter les intentions gouvernementales et, par-delà, la filière betteravière française.

 

La réponse de la Commission se résume en un « papan cucul », M.« l'Honorable Parlementaire ». Cela vous étonnera-t-il si on vous dit qu'il ne s'en est pas vanté ?

 

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