Néonicotinoïdes et betteraves : l'eurodéputé Éric Andrieu préfère les chomeurs. Pour qui nous prend-il ?
Voici un nouvel épisode du feuilleton de l'intention gouvernementale de modifier la loi pour permettre des dérogations de 120 jours pour l'enrobage de semences de betteraves à sucre pour lutter contre la jaunisse.
Rappelons que l'enjeu ne se limite pas aux betteraves et aux 26.000 betteraviers, mais à tout une filière économique qui va bien au-delà des 46.000 emplois évoqués par le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation.
M. Éric Andrieu se présente sur son site comme « votre député »... Mouais, à la faveur d'un scrutin de liste qui ne permet pas de choisir les bons... Certainement le député des avocats prédateurs états-uniens qui veulent faire les poches de Bayer/Monsanto et, plus généralement, des lobbies qui trouvent leur intérêt dans une agriculture reculant au bas mot d'un demi-siècle...
(Source)
M. Éric Andrieu sait-il ce qu'il écrit ? Nous avons le choix entre incompétence crasse, aveuglement cras et démagogie crasse. Un gazouilleur a écrit :
« Vous n’avez toujours pas compris que les betteraves n’ayant pas de fleurs, il n’y a aucun risque pour les abeilles (sans entrer dans le débat NNI/plantes fleuries) : quel est le mot que vous ne comprenez pas ? Betterave ? Fleur ? Abeille ? Risque ? »
(Source)
Il est vrai qu'il accumule les âneries dans son communiqué, « l’Europe pourrait faire annuler la décision française sur les néonicotinoïdes ! ». Notez que dans son gazouillis – qui se perdra dans les catacombes de Twitter –, le conditionnel devient un indicatif...
Passons sur la rhétorique anti-néonicotinoïdes. Il y a mieux...
« "Cette décision de dérogation doit être suspendue par les autorités européennes en vertu de l’article 53 du règlement européen sur les produits phytopharmaceutiques qui permet à la Commission de suspendre ou d’annuler une dérogation nationale abusive quant à l’utilisation de produits chimiques"explique encore le Parlementaire européen.
M. l'eurodéputé Éric Andrieu – « votre eurodéputé », enfin... – a donc décrété que la dérogation serait abusive. Le militantisme anti-pesticides vaut bien des milliers de chômeurs en plus...
Qu'est-ce qu'on se marre !
Mme Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, a déclaré dans un échange mémorable avec M. Yannick Jadot à l'Université d'été du MEDEF, que sur 19 pays producteurs de betteraves, 14 avaient déjà pris une dérogation en raison de l'urgence sanitaire et de l'urgence économique. On peut la croire sur parole... Elle, elle maîtrise ses dossiers...
En Belgique, des dérogations ont aussi été octroyées pour l’utilisation de la clothianidine et du thiaméthoxame pour les semences de carottes, d’endives et de laitue.
Et M. Éric Andrieu croit – et veut nous faire croire – que « [l]'Europe peut – ou « pourrait » selon son communiqué – faire annuler la décision française de réautoriser les #neonicotinoides » ?
Il y a mieux encore !
M. Éric Andrieu annonce dans son gazouillis :
« Je déposerai ce matin une demande d’annulation auprès des autorités européennes compétentes! »
Une demande d'annulation de quoi ? M. Éric Andrieu n'avait rien quand il a écrit son brûlot ! Aujourd'hui, nous n'avons rien de plus qu'un projet de projet de loi qui a fuité ; ilrouvrira une possibilité d'accorder des dérogation sur trois ans, si tant est qu'il soit adopté en Conseil des Ministres puis adopté, en l'état, par le Parlement. Et l'article 53 du Règlement ne prévoit la diffusion d'informations auprès des autres États membres et de la Commission que « de la mesure adoptée ».
Et il y a encore mieux !
Dans son communiqué, M. Éric Andrieu annonce d'emblée :
« Une demande de procédure d’annulation déposée ce matin. »
Mais en annexe, on trouve... une « Question avec demande de réponse écrite à la Commission » en vertu de l'article 138 du règlement intérieur du Parlement.
En voici le texte :
« Objet: Ré-autorisation des néonicotinoïdes en France
Le gouvernement français annonçait, début août, sa volonté de lancer une dérogation à son interdiction des insecticides néonicotinoïdes rentrée (sic) en vigueur en 2018.
La nocivité des néonicotinoïdes pour la biodiversité est pourtant bien connue, en partie responsable de la mort ou de l’affaiblissement d’insectes tels les abeilles ou les bourdons. Par la technique d’enrobage de la graine, le néonicotinoïde se diffuse dans l’ensemble de la plante, des racines à la feuille et au pollen mais aussi au-delà. En effet, la majorité de la substance nocive va également se diffuser dans les sols environnants, contaminant bien d’autres éléments de la biodiversité.
Cette décision de dérogation devrait être suspendue par les autorités européennes en vertue (sic) de l’article 53 du règlement européen sur les produits phytopharmaceutiques qui permet à la Commission de suspendre ou d’annuler une dérogation nationale abusive quant à l’utilisation de produits chimiques.
A l’aube du Green Deal, pour l’intérêt général, environnemental et sanitaire, la Commission européenne accepte-t-elle d’enclencher cette procédure de suspension ? »
La Commission prendra son temps pour répondre... à une question écrite...
Par ailleurs, à supposer qu'une procédure est enclenchée, la Commission devra soumettre un projet des mesures à prendre à un comité de réglementation composé des représentants des États membres, qui devra rendre un avis exigeant la double majorité. M. Éric Andrieu pense-t-il sérieusement qu'une telle procédure aboutira à une décision intimant à la France de sacrifier sa filière betteravière ?
Au final, il faut se demander : « votre député », pour qui vous prend-il ?