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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le label « haute valeur environnementale » fait de l'ombre au « bio » ? Diffamons-le !

19 Septembre 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Pesticides, #Activisme

Le label « haute valeur environnementale » fait de l'ombre au « bio » ? Diffamons-le !

 

 

(Source)

 

 

Une entité fait analyser 22 bouteilles de vin

 

« Alerte aux Toxiques ! » est une association loi 1901 dont la rubrique « Qui sommes-nous » fleure bon la croisade personnelle.

 

En sous-titre de la page d'accueil :

 

« Les produits de l'industrie chimique sont toxiques, leurs pratiques le sont aussi. Pour une agriculture respectueuse de la santé de l'homme et de l'environnement. »

 

La cible unique, ou quasi, est cependant la viticulture, plus particulièrement bordelaise.

 

Mais rassurez-vous, s'agissant des produits : le sulfate de cuivre et les autres dérivés du cuivre – des produits de l'industrie chimique... – ne sont pas visés.

 

« Alerte aux Toxiques est une association loi 1901 fondée en 2016 qui informe et sensibilise aux dangers liés à l’utilisation de pesticides de synthèse dans la viticulture. Depuis 2018, nous faisons analyser des vins en résidus de pesticides par un laboratoire agréé pour mettre en lumière la réalité des pratiques du vin cultivé en chimie de synthèse, voir notre liste des châteaux analysés, ici»

 

écrit-elle dans un billet du 14 septembre 2020, très indigeste (c'est nous qui graissons).

 

On peut se contenter du communiqué de presse :

 

« Alerte aux Toxiques a fait analyser 22 vins provenant de Bordeaux (dont des crus bourgeois et grands crus classés), Champagne et Languedoc. Ces vins se réclament d’une pratique vertueuse et sont dans l'ensemble en HVE.

 

Les domaines ont été choisis dans l'objectif de montrer les écarts entre le marketing, les annonces, les promesses et la réalité des pratiques professionnelles. Certain.es propriétaires sont en effet des représentant.es d'institutions prestigieuses de la viticulture bordelaise, qui se sont parfois fait remarquer par de grandes annonces et promesses de changements de pratiques voire d’un grand virage écologique. »

 

La suite est une litanie de « X bouteilles contiennent une ou des substances Y ». Aucune indication de doses, aucune considération pour le fait que les bouteilles contiennent – en quantité – au moins une substance très préoccupante : l'alcool...

 

 

Plus c'est gros... Claude Gruffat, eurodéputé Vert, ancien dirigeant de Biocoop (Source)

 

 

Le Monde Planète se fait porte-parole

 

Le Monde Planète s'est fait le porte-parole de Mme Valérie Murat, sous la signature de M. Stéphane Mandard, avec dans l'édition papier : « Des pesticides dans des vins à "haute valeur environnementale" » et, sur la toile : « Des traces de pesticides dans des vins certifiés "haute valeur environnementale" ».

 

Le début :

 

« Ce sont des vins qui se revendiquent de pratiques vertueuses ou bénéficient de la certification "HVE", comprendre "haute valeur environnementale". Biodiversité, irrigation, stratégie phytosanitaire… "HVE" est une certification censée distinguer "les exploitations engagées dans des démarches particulièrement respectueuses de l’environnement", souligne le ministère de l’agriculture. A la différence du label bio, cette certification ne garantit pourtant pas le non-recours aux pesticides. Pour preuve, l’association Alerte aux toxiques a fait analyser vingt-deux vins de Bordeaux (dont des crus bourgeois et des grands crus), champagne et Languedoc. Les résultats, publiés lundi 14 septembre, montrent la présence de résidus de pesticides dans toutes les bouteilles. »

 

Non, le label HVE « ne garantit pas... » pour la bonne et simple raison qu'il n'interdit pas le recours aux produits de protection des plantes.

 

Non, le label bio « ne garantit pas... » pour la bonne et simple raison que l'itinéraire cultural bio recourt aussi à des produits de protection des plantes.

 

Du reste, le cahier des charges de l'agriculture biologique prévoit une obligation de moyens, pas de résultats. Et la certification HVE de niveau 3, une obligation de résultats. Le Midi Libre a écrit :

 

« Un puissant label d’État instauré dans la lignée du Grenelle de l’environnement. Il est parmi les plus contraignants et distingue les viticulteurs les plus vertueux en matière de respect pour l’environnement. »

 

Cette mise en route relève de l'escroquerie, au moins intellectuelle.

 

 

Un article de facture – militante – classique

 

La suite de l'article est de facture – militante – classique.

 

On décrit des résultats, entrecoupés d'une déclaration fracassante de Mme Valérie Murat. On donne la parole à des viticulteurs épinglés.

 

On fout la trouille avec le folpel classé CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique) par l'OMS – mesuré dans une bouteille à « 0,5363 microgrammes (sic) par litre. Un niveau record parmi les 48 bouteilles analysées par l'association depuis 2018 ». Sans oublier Mme Barbara Demeneix – la chercheuse passée du côté obscur qui nous prédit que les perturbateurs endocriniens vont finir par nous rendre idiots – pour un couplet sur les cocktails.

 

Et on finit par un gloubi-boulga de pesticides dans l'air et de gesticulations anti-pesticides de France Nature Environnement, Générations Futures, etc.

 

 

(Source et source)

 

 

« Escroquerie intellectuelle »

 

Le Monde a amorcé la pompe. Mais d'autres médias, tels le Figaro (avec AFP) ou le Parisien – Aujourd'hui en France » relèvent l'accusation d'« escroquerie intellectuelle », souvent en intertitre pour plus de visibilité, sans la faire suivre par les propos de Mme Barbara Demeneix. Du second :

 

« Le porte-parole du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), Christophe Chateau, dénonce une "escroquerie intellectuelle". "Non seulement les pesticides évoqués sont homologués mais on les retrouve dans les vins à l'état de microtraces, 100 à 1 000 fois inférieures aux seuils autorisés, réplique-t-il. C'est une info creuse uniquement destinée à salir les vins de Bordeaux." »

 

 

Petites vérifications

 

Sur 160 molécules de produits phytosanitaires recherchées, 28 ont été retrouvés dans les 22 vins analysés (19 Bordeaux et, pour servir d'alibis, 2 Champagne et 1 Languedoc).

 

Alerte aux Toxiques ! a mis les analyses en ligne.

 

 

 

 

Pour le vin le plus « chargé », le Château Lauduc, on a trouvé 15 substances... dont 8 en dessous de la limite de quantification.

 

Les Laboratoires Dubernet ont également indiqué les limites maximales de résidus pour les raisons de cuve (également applicables aux vins, contrairement aux dires de l'activiste) et la fraction de LMR pour chaque quantification. Cela oscille de 0,0 % (lire : moins de 0,05 % – au-dessus on aurait arrondi à 0,1 %) et 1,4 % des LMR respectives.

 

Le Château Vieux Cassan a été épinglé dans le Monde pour du folpel à 0,5363 mg/L. Cela représente 2,7 % de la LMR. Du reste, il y aurait 7 résidus... mais seulement 2 quantifiables.

 

 

Achetez « bio » !

 

C'est avec ça que Mme Valérie Murat mène sa campagne.

 

C'est clair dans Vitisphère et son « Les antiphytos s’attaquent maintenant aux vins labélisés HVE » du 16 septembre 2020 :

 

« Assumant sa volonté de faire l'actualité en cette période de vendanges et de foires aux vins, Valérie Murat explique alerter le grand public sur des réalités qu'il ne maîtrise pas. "Le danger pour le consommateur, qui est peu informé et averti, c’est de croire que la HVE est équivalente au bio, alors qu’il n’y a aucune garantie sur les produits de synthèse. Quand on voit l’image du label HVE et les phrases de risques des pesticides de synthèse que l’on retrouve, on ne peut pas se comparer aux traitements bio et biodynamie" martèle Valérie Murat. Reconnaissant que faute de Limite Maximale de Résidus (LMR) pour les vins il n’est pas possible de relier la présence de ces résidus à une dangerosité, la militante antiphytos répond par "la question de l’exposition de ceux qui ont pulvérisé, des ouvriers dans les vignes, des riverains, des gosses dans les écoles…" Dénonçant des effets d’annonces marketing, Valérie Murat milite pour les certifications bio et biodynamie, qui garantissent l’exclusion des phytos de synthèse.

 

Il est clair aussi qu'on prend « le grand public » pour des blaireaux.

 

 

Ce logo serait confondu avec celui du bio ?

 

 

Les Laboratoires Dubernet réagissent

 

Les Laboratoires Dubernet ont envoyé un courriel à Vitisphère.

 

Ils sont aussi tombés de leur chaise, au point de produire un communiqué de presse cinglant. En voici le texte :

 

« COMMUNIQUÉ

 

au sujet de la communication réalisée par l’association Alerte aux Toxiques

 

Analyse de résidus dans les vins le 15/09/2020

 

 

L’association « alerte aux toxiques » a communiqué le 15 septembre 2020 sur des analyses de résidus phytosanitaires dans des vins certifiés HVE.

 

Les laboratoires Dubernet, laboratoire indépendant et professionnel de l’analyse des vins, fournissent des analyses et conseils aux différents acteurs de la filière. L’association « alerte aux toxiques » a ainsi fait appel à une prestation d’analyse dans notre laboratoire. Comme c’est la règle, les données produites appartiennent à « alerte aux toxiques », qui en est la seule dépositaire.

 

Dans ce contexte, les Laboratoires Dubernet ne sauraient être associés ni aux contenus ni aux conclusions de cette communication. Ils ne sauraient fournir de près ni de loin une quelconque caution scientifique à la démarche de l’association « alerte aux toxiques » , dont il conteste les termes.

 

Nous souhaitons rappeler que l’interprétation d’une analyse de résidus phytosanitaires nécessite une importante expertise à la fois sur la connaissance des molécules ciblées, et du vin en lui-même.

 

Les concentrations doivent être comparées aux Limites Maximales de Résidus ‘raisin de cuve’ (LMR), qui contrairement à ce qui est écrit, sont applicables aux vins. Les auteurs ignorent probablement que les LMR ne sont règlementairement définies que pour les matières premières agricoles, dont le vin ne fait pas partie. Les LMR sont définies selon des procédures extrêmement longues et rigoureuses par les instances nationales et européennes sur la base de données environnementales et toxicologiques précises. Dénoncer un vin qui contient des teneurs inférieures à la LMR du raisin de cuve et donc se trouve en situation de parfaite légalité, relève de procédés difficiles à défendre.

 

Ce que nous savons et avons publié aux Laboratoires Dubernet (disponible sur www.dubernet.com), c’est que les teneurs en résidus dans les vins, quand nous en trouvons, sont très faibles, toujours très en dessous des LMR (en moyenne de l’ordre de 0 à 3 % de ce seuil selon les molécules). La situation des vins en France est donc très loin de poser des problèmes vis-à-vis des limites légales. Nous savons aussi qu’en raison des progrès permanents des outils d’analyse, des teneurs autrefois non détectées le sont devenues, alors qu’elles se situent à des seuils infinitésimaux. À quel moment doit-on s’abstenir d’interpréter un résultat analytique relevant de concentrations tellement faibles qu’elles ne signifient plus rien ? C’est ce type de questions que les experts se posent actuellement. Il est donc recommandé la plus grande prudence concernant toute interprétation hâtive des teneurs très faibles, que peuvent porter les analyses de résidus.

 

On ne peut pas parler de toxicité sans approche quantitative, ni parler des critères de toxicité sans mettre en perspective la signification des informations que cela comporte. Le cuivre par exemple, composé « naturel », porte une toxicité H302 (nocif en cas d’ingestion), H319 (provoque une sévère irritation des yeux), H315 (provoque une irritation cutanée, et H410 (très toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme). Malgré ces termes très anxiogènes, cela reste pourtant du cuivre, composé largement utilisé à bon escient, y compris en agriculture biologique.

 

La culture de la vigne, comme toute culture agricole, doit se défendre de ravageurs redoutables : mildiou, oïdium, eudémis, botrytis, etc… et ce quel que soit le mode de production : conventionnel, bio, HVE. Le projet du bio, défini dans les années 70 vise à se départir de la chimie de synthèse. Nombreux sont ceux qui ont compris que ce logiciel dans son acception stricte, et telle que définie par la réglementation européenne, ne peut porter à lui seul toutes les réponses aux enjeux environnementaux majeurs de notre époque. Le HVE, issu des travaux du Grenelle de l’environnement, offre un arsenal nouveau de mesures environnementales, parmi lesquelles une traçabilité absolue, le nombre et l’efficacité des traitements, l’accent sur la biodiversité de l’environnement immédiat des parcelles de vigne, sur la vie du sol (qui est un enjeu supérieur pour l’environnement souvent trop négligé), etc.... Opposer bio et HVE relève ainsi d’une construction artificielle et hélas contre productive pour les progrès de l’agro-écologie et l’environnement. C’est inutile.

 

On peut enfin souligner que certains des vins cités dans cette communication sont issus de millésimes plutôt anciens, quand les domaines et château cités n’étaient pas forcément encore certifiés HVE… Former une critique de HVE à partir d’analyses réalisées sur des vins non HVE semble être une méthodologie très contestable. »

 

 

Source : « L’agroécologie fait ses preuves sur le terrain économique », un article de la France Agricole décrivant une étude publiée par France Stratégie, les rentabilités économique et environnementale de 23 référentiels de l’agroécologie.

 

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