Assemblée Citoyenne sur l'Agriculture : c'est moins pire que craint pour les « ojectifs », nul pour les « leviers »
C'est sous un titre zeppelinesque : « Un nouveau contrat pour l’agriculture » !
Dimanche, 27 septembre 2020, en fin d'après-midi, 112 membres de l'Assemblée Citoyenne sur l'Agriculture ont voté et adopté six « objectifs » et 17 « leviers », en partant respectivement de 39 et 26 propositions.
Le chef-d'œuvre se trouve ici.
Les participants auront
« ...commencé par partager un cadre minimal de connaissances générales sur la question agricole en échangeant avec des expert·e·s, des chercheur·euse·s et des acteur·rice·s de l’agriculture et de la politique agricole commune. »
On est heureux de l'apprendre... un « cadre minimal »...
Ils souhaitent maintenant adresser leur produit
« ...au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation du gouvernement français afin qu’il soit utile pour élaborer la prochaine politique agricole commune. »
Ouf ! Ça atterrira sur le bureau d'un ministre qui a quelques compétences en agriculture...
Les objectifs ont été présentés sur deux colonnes sans numérotation. Nous savons par des gazouillis qu'ils ont été adoptés dans l'ordre ci-dessous :
« Assurer une transition écologique vers une agriculture durable, respectueuse de l’environnement, de la biodiversité, du bien-être animal et contribuant à la lutte contre le changement climatique.
Assurer une juste rémunération et retraite des agriculteur·rice·s et permettre une meilleure répartition des richesses entre tou·te·s les acteur·rice·s.
Assurer une alimentation saine et de qualité, accessible à tou·te·s au niveau local.
Garantir une production efficace économiquement qui assure un revenu digne et valorisé par la société.
Garantir une souveraineté européenne (agricole et alimentaire) en harmonisant les règles fiscales, sociales, environnementales, etc. [ce texte l'a emporté sur "Garantir une souveraineté agricole et alimentaire en harmonisant à l’échelle européenne les règles fiscales, sociales, environnementales, etc." qui ne précisait pas la couverture géographique].
Garantir la prise des décisions au niveau local et territorial qui structurent la production locale.
Nous ne ferons pas d'exégèse détaillée de ce texte – qui est bien sûr un « committee camel ».
« Un chameau est un cheval dessiné par un comité ». Alex Issigonis est le génial concepteur de la Mini.
Les six objectifs sont un condensé de 39 propositions comportant bien des redondances.
Il est difficile de savoir comment a été établie la liste des 39. Par ordre décroissant de faveurs ? En ce cas, il convient de noter que l'ordre initial des trois premiers objectifs était : « rémunération – environnement – alimentation », et l'ordre final est devenu : « environnement – rémunération – alimentation ».
La priorité à l'« écologisme » n'est pas surprenante compte tenu des pressions politiques et médiatiques, ainsi que de la composition de l'assemblée. Il en est de même de ce qu'on peut appeler « localisme ».
Et voici les « leviers » :
« • Formation générale et professionnelle, initiale et continue, à l'agroécologie en intégrant la transmissions des savoirs.
• Imposer un étiquetage compréhensible, transparent, complet, pour redonner du pouvoir au consommateur.
• Conditionner la majorité des aides à la mise en place de pratiques agroécologiques et vertueuses : nature des productions, manières de produire, emplois, services rendus, ...
• Rendre l'environnement indissociable de l'agriculture en renommant la PAC en PAEC (Politique Agricole Environnementale Commune).
• Donner à voir auprès des consommateur·rice·s et citoyen·ne·s la valeur ajoutée liée aux produits (plan social, environnemental, alimentaire, bien-être animal...) grâce à un étiquetage et des labels plus complets et lisibles.
• Mettre en place un label qui garantit le "bon traitement" de l'animal tout au long de sa vie.
• Favoriser les circuits courts en les subventionnant.
• Subventions à la conversion de l'agriculture biologique.
• Favoriser les circuits courts.
• Soutenir financièrement les agriculteur·rice·s qui ont une démarche vertueuse pour l'environnement.
• Aide forfaitaire aux petites exploitations.
• Améliorer la transparence de la traçabilité (fruits, légumes, viande) et un étiquetage équitable.
• Conditionner les aides aux pratiques environnementales et aux services rendus à la société plutôt qu'à l'hectare.
• Orienter une part des aides du 2ème pilier de la PAC au soutien à des modes de distribution de type circuit court.
• Rémunérer les services environnementaux des agriculteur·rice·s (second pilier).
• Assurer avec ambition une formation, une information et du conseil pour les agriculteur·rice·s et les citoyen·ne·s.
• Décorrélation progressive de la subvention à l'hectare et au nombre de têtes au profit de pratiques vertueuses.
C'est un catalogue à la Prévert, largement hors-sol, caractérisé par des fantasmes – par exemple l'« agroécologie », dont personne ne sait vraiment ce que c'est, est en tête d'affiche – et dominé par les aspirations des consommateurs – ainsi, l'étiquetage est en numéro 2 de la liste.
Nous ne nous plaindrons pas de cette nullité, malgré les 1,2 millions d'euros budgetés pour cette opération : un truc insignifiant est facile à mettre au rebut.
La réduction de la liste de 26 à 17 semble être essentiellement le fruit d'un élagage des redondances.
On a cependant éliminé, par exemple, « Sensibiliser la population à la consom'action à tout âge » et « Eduquer les citoyens aux principes d'une alimentation saine et éco-responsable »... Il y a encore des marges de manœuvre pour les nouveaux Gardes Rouges Verts...
L'ordre semble aussi intéressant. Six propositions qui étaient dans les tréfonds de la liste ont été remontées. Celle qui est maintenant la première était ainsi au 14e rang ; la deuxième était au 11e rang.
Voici les cinq premiers de la liste de départ :
« • Subventions à la conversion de l'agriculture biologique (passé au 8e rang).
• Favoriser les circuits courts (passé au 9e rang ; la même proposition, avec un texte plus étendu, est au 7e rang).
• Soutenir financièrement les agriculteurs qui ont une démarche vertueuse pour l'environnement (passé au 10e rang).
• Aide forfaitaire aux petites exploitations (passé au 11e rang).
• Améliorer la transparence de la traçabilité (fruits, légumes, viande) et un étiquetage équitable (passé au 12e rang, mais l'étiquetage fait déjà l'objet du 2e levier). »
Le plus intéressant est cependant :
« • Rendre l'environnement indissociable de l'agriculture en renommant la PAC en PAEC (Politique Agricole Environnementale Commune). »
Ouf ! Avec une telle innovation, nous sommes sauvés !
Tout ça, c'est sous un titre zeppelinesque : « Un nouveau contrat pour l’agriculture » !
"Je suis attachée à la démocratie représentative. Tirer des gens au sort et les faire parler de la PAC, beaucoup d'agriculteurs le vivent très mal."
— Jean Louis (@JL7508) September 28, 2020
Mots justes de @ChLambert_FNSEA contre la gouvernance par conventions de citoyens tirés au sort promue par Macron. pic.twitter.com/XJOOJ3gpug