Assemblée citoyenne : l'agriculture (et la PAC) comme elle devrait être selon ceux qui ne la pratique pas
Attention les yeux...
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Dans « 134 Français tirés au sort attendus à Paris ce week-end pour parler agriculture et PAC », le Figaro du 25 septembre 2020, avec AFP » nous informe :
« Un total de 134 Français tirés au sort sont attendus ce week-end à Paris pour la reprise du "grand débat national sur l'agriculture" suspendu depuis le confinement, qui doit servir à définir la position de la France dans les négociations de la future Politique agricole commune. »
Le week-end de débats aura été précédé par un accueil, le vendredi soir, par « trois ministres et plusieurs spécialistes pour caler les termes du débat ».
(Source)
Cet exercice organisé par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) – astucieusement appelé « imPACtons » – est loin d'être terminé car il y aura des débats régionaux d'ici fin octobre. La restitution des travaux devrait avoit lieu à la fin de l'année... Le suspense est intolérable...
Il aura été introduit par un gigantesque mécanisme de débat public qui aura permis de recueillir les opinions diverses et variétés sur comment pratiquer l'agriculture à l'avenir et comment organiser la Politique Agricole Commune.
L'agriculture, c'est finalement comme l'équipe nationale de foot : des milliers et des milliers d'agronomes, comme des milliers et des milliers de sélectionneurs... Mais l'rambition est de « définir la position de la France dans les négociations de la future Politique agricole commune »... On tremble d'effroi. Des gens qui regardent religieusement le plombier changer un joint de robinet, ébahis par tant de compétence et de technicité, se prononcent sur un sujet infiniment plus complexe...
« Le compte-rendu de la première étape du premier débat public sur l’agriculture française est paru ! Après seulement un mois et demi de débat, la Commission du débat a observé une forte mobilisation et des résultats clairs : plus de 800 000 personnes touchées, près de 7 500 réponses au questionnaire sur les priorités de la future politique agricole, 127 propositions… »
clame-t-on fièrement sur le site d'imPACtons.
S'agissant des membres de l'« assemblée citoyenne sur l'agriculture », le Figaro précise :
« L'assemblée compte 55 femmes et 79 hommes. Deux agriculteurs y participeront aux côtés de 36 "cadres et professions intellectuelles", 29 employés, 21 "professions intermédiaires", 19 artisans commerçants, 16 étudiants, neuf ouvriers, deux personnes sans étiquette et aucun inactif. »
Le résumé du Figaro/AFP fait froid dans le dos :
« Durant la première phase de ce grand débat, démarré le 23 février et suspendu le 3 avril, plus de 9.500 contributions ont été enregistrées sur la plate-forme participative Selon les internautes ayant participé à la consultation en ligne, les trois objectifs prioritaires de la future PAC devraient être: gérer durablement les ressources naturelles, protéger la biodiversité, les paysages et les écosystèmes, et lutter contre le changement climatique et s'y adapter. Aucun des dix choix proposés ne portait sur l'ambition initiale de la politique agricole européenne entrée en vigueur en 1962, soit produire en quantité suffisante une nourriture saine, à un prix abordable, pour nourrir toute la population. Mais un débat sur le thème de la "souveraineté alimentaire" a néanmoins été ajouté au programme. Il aura lieu le 20 octobre à Angoulême. »
Bravo pour la lisibilité ! Hiérarchisation des objectifs par les 7.409 participant.e.s ayant répondu à un questionnaire en ligne (eh oui ! des instances officielles se mettent à l'écriture dite « inclusive »). Où sont la production de notre alimentation et la souveraineté alimentaire ? Comment peut-on être à ce point ignorant des réalités économiques ? Plus de 20 % des répondants trouvent le revenu juste non ou peu prioritaire ! (Source)
La France – stupéfaite, au début du confinement, devant les rayons de pâtes et de farine vides dans les supermarchés – aurait soudain découvert la notion de souveraineté alimentaire et le rôle essentiel des agriculteurs dans la production de notre alimentation ? Quelques mois après, la fonction primordiale de l'agriculture passe à la trappe et les organisateurs du « débat » sont même obligés de rajouter une séance sur ce sujet !
À ce stade, il faut se rendre sur le « Répertoire des propositions issues de la plateforme », les 127 propositions. Et on tombe de sa chaise...
Voici les six premières propositions, censées être « à caractère précis » :
« 1 Reconvertir les zones de non traitement (ZNT)
Les zones de non traitement pourraient être utilisées pour faire pousser des arbres destinés à faire des granulés pour les chaudières ; elles pourraient aussi devenir des chemins qui pourraient permettre dans certains cas de remplacer à moindre coût les trottoirs et créer ou recréer des cheminements autour et dans les villages.
2 Appliquer la PAC sur les zones de non traitement (ZNT)
Faire bénéficier les agriculteur·rice·s d’une prime PAC sur les ZNT pour compenser la perte de marge brute.
3 Revaloriser les zones de non traitement (ZNT)
Laisser les ZNT en herbe, à disposition des éleveur·euse·s qui pâtissent du manque de fourrage depuis plusieurs années.
4 Laisser à la charge des aménageurs les compensations liées aux zones de non traitement (ZNT)
Seuls les aménageurs / lotisseurs devraient prendre financièrement et uniquement à leur charge la création d’une zone tampon de 150m entre les terres cultivées et les constructions.
5 Définir un cahier des charges pour les aménageurs pour les zones de non traitement (ZNT)
Imposer aux promoteurs·rices un cahier des charges obligeant dès le départ de prévoir une zone tampon entre les habitations et les parcelles cultivées en aménageant des routes de desserte, des garages... mais surtout en aménageant des zones de biodiversité (arbustes, haies...) favorables pour tous et bénéfiques pour les cultures et l’environnement.
6 Soutenir avec les aides de la PAC l’élevage de chevaux
La nouvelle PAC devrait intégrer l’élevage de chevaux et le soutenir au même titre que d’autres activités car ils contribuent aussi à la vitalité des espaces ruraux. »
On peut aussi aimer :
« 47 Revoir le base de calcul du prix dans le secteur alimentaire
Changer l’unité de mesure servant de référence au prix. D’un prix au kilogramme nous devrions passer à un prix à la valeur nutritionnelle. »
Comment n'y a-t-elle pas encore pensé cette gigantesque équipe de chercheurs qui nous bombardent d'« études » sur les méfaits des aliments qu'ils n'aiment pas (les « ultratransformés » en particulier) et nous ont concocté un « nutriscore » inepte ?
Voici pour les semences :
« 54 Réorganiser la production et la vente de semences
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Autoriser la production/vente de semences par les agriculteur·rice·s ;
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Assurer une diversité génétique;
-
Libérer la production de semences protègerait les agriculteur·rice·s. »
Les OGM sont également de la fête avec trois propositions :
« 34 Interdire l’importation des produits contenant des organismes génétiquement modifiés (OGM)
Puisque la production d’OGM est interdite en France, il faut en interdire l’importation. »
Et :
« 65 Autoriser les organismes génétiquement modifiés (OGM)
Autoriser les OGM permettrait :
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D’utiliser moins de pesticides ;
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De préserver les sols ;
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D’utiliser moins d’engrais ;
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D’avoir de meilleurs rendements donc moins d’impact CO₂ et sur la biodiversité ;
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D’avoir des aliments plus sains (plus de vitamines, moins de mycotoxines) ;
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D’avoir moins de gâchis avec des aliments qui se conservent plus longtemps ;
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De se préparer au réchauffement climatique inéluctable grâce à des cultures plus résistantes aux aléas climatiques (sécheresses, inondations) et à la hausse de la concentration du CO₂ (baisse de rendement des plantes en C3 comme le riz avec l’augmentation du taux de CO₂). »
66 Ouvrir un débat sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) et les plantes génétiquement modifiées (PGM)
Lancer un débat éclairé, citoyen, public sur le sujet des OGM et PGM ainsi qu’un référendum, car les conséquences d’un tel choix nous concerneraient tous et toutes, sans retour possible et en ignorant les conséquences à long terme. »
Curieusement, à part les premières propositions gravitant autour des ZNT, les contributeurs ne se sont pas spécialement acharnés sur les pesticides.
Terminons ce catalogue sélectif par une référence à l'alimentation :
« 103 Soutenir les productions en faveur d’une alimentation saine et de qualité
Pour encourager un meilleur équilibre alimentaire, le plan stratégique national (PSN) pourrait mettre en place des aides à la diversification des fermes, ainsi que des aides couplées pour les fruits et légumes frais et les légumineuses. »
Nous osons croire que les contributeurs ne sont pas représentatifs des Français. Il y a des propositions dont on suspecte l'origine, celles sur les OGM par exemple. La plupart peuvent être qualifiées de hors-sol. La plus insolite est peut-être : « Produire de l’électricité sur des prairies ».
Mais cela interroge sur le bon usage des deniers « publics » (nos impôts et taxes).