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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Méta-analyse scientifique : l'agro-écologie risque de nuire aux pauvres et d'aggraver les inégalités entre les sexes en Afrique

13 Août 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #Agronomie, #Afrique

Méta-analyse scientifique : l'agro-écologie risque de nuire aux pauvres et d'aggraver les inégalités entre les sexes en Afrique

 

Mark Lynas*

 

 

 

 

Plutôt que de contribuer à la lutte contre l'insécurité alimentaire, le programme agro-écologique risque en fait d'enfermer les agriculteurs africains dans la pauvreté.

 

C'est ce qu'a révélé la première méta-analyse à l'échelle du continent des expériences d'agriculture de conservation en Afrique, et cela menace de bouleverser complètement le paradigme dominant en matière d'agro-écologie.

 

Ces dernières années, l'agro-écologie est virtuellement devenue la panacée en Afrique subsaharienne. Les organismes d'aide, les églises, les ONG de développement et les agences des Nations Unies lient tous désormais leur soutien aux agriculteurs pauvres en ressources à un programme explicitement agro-écologique.

 

Les ONG sont désireuses de fournir des preuves anecdotiques sur la manière dont ces approches peuvent aider les petits exploitants agricoles en Afrique. Pourtant, les preuves empiriques scientifiquement rigoureuses des avantages de l'agro-écologie – également appelée « agriculture de conservation » – ont fait défaut jusqu'à présent.

 

Jusqu'à présent, avant la publication d'un article intitulé « Limits of conservation agriculture to overcome low crop yields in sub-Saharan Africa » (limites de l'agriculture de conservation pour surmonter les faibles rendements des cultures en Afrique subsaharienne) dans la revue à comité de lecture Nature Food.

 

Les scientifiques, qui ont analysé 933 observations dans 16 pays d'Afrique subsaharienne comparant l'agriculture de conservation aux cultures conventionnelles, ont constaté que les approches agro-écologiques n'améliorent pas sensiblement la productivité et ne contribuent donc pas à résoudre le problème de l'insécurité alimentaire des petits exploitants agricoles.

 

Ce n'est pas parce que l'agriculture conventionnelle basée sur le travail du sol est meilleure que l'agriculture de conservation – en fait, comme le montrent ces résultats, elles sont tout aussi mauvaises – mais parce que les défenseurs de l'agro-écologie ont également tendance à pousser un programme idéologique qui rejette les innovations scientifiques telles que la biotechnologie, les semences hybrides, la mécanisation, l'irrigation et d'autres outils qui pourraient augmenter de manière plus fiable la productivité des petits exploitants agricoles en Afrique.

 

Les auteurs de l'étude, dirigés par Marc Corbeels, un spécialiste de l'intensification durable basé au CIMMYT à Nairobi, au Kenya, ont constaté que l'agriculture de conservation n'améliorait pas les rendements du cotonnier, du niébé, du riz, du sorgho ou du soja. Les rendements du maïs ont bien augmenté de 4 %, mais seulement si des traitements herbicides de pré-émergence au glyphosate étaient appliqués, ce qui est strictement interdit par les défenseurs de l'agro-écologie.

 

Dans la pratique, l'agro-écologie ne devrait donc présenter aucun avantage pour la plupart des agriculteurs africains.

 

En fait, elle pourrait même avoir des effets négatifs. Cela est principalement dû au fait que l'amélioration des sols par l'agriculture de conservation nécessite l'utilisation de résidus de cultures comme les paillis. Dans des conditions sèches, ceux-ci peuvent aider à retenir l'humidité dans le sol en réduisant l'évaporation. Toutefois, les résidus de culture sont beaucoup plus précieux pour les petits exploitants agricoles en tant que fourrage pour le bétail et les autres animaux d'élevage, qui produisent de la viande, du lait et du fumier et sont donc beaucoup plus importants pour la sauvegarde de la sécurité alimentaire qu'une légère augmentation du rendement du maïs. Dans les conditions arides d'une grande partie de l'Afrique subsaharienne, il n'y a tout simplement pas de biomasse de rechange à utiliser dans l'agriculture de conservation.

 

Cela ne veut pas dire que les systèmes de culture sans labour ne présentent aucun avantage dans le monde. En fait, les méthodes de travail du sol réduit ou de conservation du sol ont été largement adoptées en Amérique du Nord et du Sud, où elles contribuent à réduire l'érosion des sols, à conserver l'humidité et à séquestrer le carbone. En effet, la plupart des avantages en termes de carbone des cultures génétiquement modifiées – qui ont permis d'éliminer 24 millions de tonnes de CO2 en 2016 – découlent du fait que les caractéristiques de tolérance aux herbicides permettent aux agriculteurs d'adopter des pratiques de non-labour.

 

Ces avantages, cependant, se matérialisent dans des systèmes mécanisés à forte intensité de capital, et non dans l'agriculture de subsistance qui est principalement pratiquée en Afrique. Sans l'utilisation d'herbicides, les agriculteurs africains qui adoptent le non-labour doivent désherber à la main, une tâche physiquement exigeante souvent effectuée sous une chaleur intense. Le désherbage manuel est également souvent considéré comme une tâche féminine, ce qui aggrave l'inégalité entre les sexes.

 

À propos du nouvel article de Nature Food, Katrien Descheemaeker de l'Université de Wageningen aux Pays-Bas (qui n'a pas participé à l'étude) écrit : « Les conclusions de Corbeels et de ses collègues réfutent les affirmations selon lesquelles l'agriculture de conservation améliorerait considérablement la sécurité alimentaire des petits exploitants d'une manière durable sur le plan environnemental et social. »

 

Descheemaeker ajoute que « les petites augmentations de rendement sont sans signification au niveau des exploitations agricoles en termes d'amélioration de l'autosuffisance alimentaire et des revenus, principalement en raison de la petite taille des exploitations » et que les résultats de Corbeels et de ses collègues montrent que « l'élimination du labour dans les petites exploitations ne conduirait pas à une plus grande rentabilité (ce qui aggraverait peut-être plutôt l'inégalité entre les sexes) ».

 

Elle conclut que : « Tout cela indique que l'AC ne devrait pas être promue en raison de son potentiel à améliorer les rendements des cultures et la sécurité alimentaire, et que l'accent devrait être mis sur un plus large éventail d'options pour améliorer les moyens de subsistance des petits exploitants africains. »

 

Il reste à voir si les organisations caritatives, les agences des Nations Unies et les ONG environnementales, qui sont si assidues dans la promotion de l'agro-écologie, accepteront ces dernières données scientifiques. Dans le cas contraire, leurs efforts persistants risquent d'aggraver l'insécurité alimentaire et d'accentuer encore les inégalités entre les sexes en Afrique subsaharienne, ce qui nuirait aux intérêts de centaines de millions de personnes parmi les plus pauvres du monde.

____________

 

* Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2020/07/scientific-meta-analysis-agro-ecology-risks-harming-the-poor-and-worsening-gender-inequality-in-africa/

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T
Vous reproduisez ce torchon qui confond l'agriculture de conservation et agroécologie? Ce dernier est plutôt académique dans son utilisation mais tend à regrouper des techniques agricoles dites "low-input" adaptées aux petits exploitants des pays en voie de développement qui comme vous le saurez n'ont pas accès, ou un accès très limité, aux intrants modernes, au crédit ou à la main d'oeuvre. Ce qui en effet fait que l'agriculture de conservation, gourmande ou bien en main d'oeuvre ou bien en herbicides, ne soit pas très adaptée en Afrique...Cet article "réponse" ne répond en rien aux critiques faites récemment à AGRA, qui, selon ses propres critères, n'a pas réussi à prouver la viabilité d'un modèle agricole de la révolution verte sur le continent malgré 15 ans de programme, des billions de dollars et le travail conjoint. Ce qu'un agronome avec expérience aurait pu vous dire...encourager un modèle dépendant du marché mondial pour ses intrants et des marchés locaux pour la vente en Afrique était...optimiste, compte tenu que le continent a la pire infrastructure du monde, des intrants hors prix pour la majorité des agriculteurs et des marchés locaux instables. Même le marché des semences marche plutôt mal, avec de hautes incidences de fraude...<br /> <br /> C'est peut être justement à cause de l'échec continu depuis les années 60 de la révolution verte en Afrique que les agence des NNUU essaye de promouvoir des technique dites "agroécologiques" qui sont plus adaptés à des petits agriculteurs pauvres, mal connectés aux marchés et avec un disponibilité réduite d'intrants et de main d'oeuvre.<br /> <br /> Vous parlez des "agences des Nations Unies" - comme IFAD, FAO, UNEP ou WFP qui en effet collaborent avec AGRA? Devrait-elles plutôt TOUT miser sur le modèle de développement agricole promu par AGRA? Il me semble que c'est plus malin de parier sur plusieurs approches...Sur l'égalité des sexes qui risquerait d'être aggravée par l'agroécologie vous me faites rire, compte tenu que le faible pouvoir des femmes rurales en Afrique les rend moins susceptibles de pouvoir accéder aux avantages offerts par une agriculture intensive en intrants...<br /> <br /> Bref, sur le blog d'un agronome ça laisse a désirer
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H
Echec global de l'industrialisation en Afrique, échec global des politiques agricoles, échec global du développement économique tout court, à mon sens, les problématiques de l'Afrique sont ailleurs : une natalité galopante que personne ne veut voir ni contrôler qui freine tous les efforts éducatifs et in fine tout progrès, des systèmes démocratiques empruntés à l'Occident qui semblent inadaptés aux mentalités, des élites corrompues qui se gavent au dépend des peuples. Sans révolution des mentalités et des structures, l'Afrique ne s'en sortira pas. En tous cas, ce n'est pas en maintenant les africains dans des systèmes agro-écologiques tirés du passé qu'on les développera. Par la force des choses, nos ancêtres européens ont fait de l'agro-écologie pendant des siècles avec des résultats épouvantables en terme de conditions de vie et de mortalité. C'est la révolution industrielle avec le machinisme, la révolution des engrais et des pesticides, la révolution de la sélection des semences qui les ont sorti d'une vie de misère et des disettes endémiques.