Les 13 gazouillis de Mme Barbara Pompili sur les betteraves et les néonicotinoïdes Encore un effort de réalisme, SVP !
Encore un effort de réalisme, SVP !
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C'est un communiqué de presse du 6 août 2020 : « Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation annonce un plan de soutien gouvernemental à la filière betterave-sucre pour faire face à la crise de la jaunisse ».
Il est très particulier à double titre :
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C'est un communiqué de presse du seul Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, alors que le sujet est d'une portée interministérielle, impliquant notamment le Ministère de la Transition Écologique (qui n'est plus solidaire...) de Mme Barbara Pompili.
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C'est un communiqué truffé de réserves, de limitations – et d'incohérences agronomiques et économiques –, ce qui signale une intense participation du Ministère de la Transition Écologique dans la définition de la mesure gouvernementale.
Mme Barbara Pompili aura donc mis quatre jours avant de s'exprimer sur la question ! On peut en faire plusieurs lectures. A-t-elle boudé, et rappelée à l'ordre, a-t-elle été priée de participer à un effort de pédagogie ? Participe-t-elle de bonne foi, après avoir pris la mesure – oh, miracle – de la catastrophe de l'écologisme punitif et niais ? Est-ce une tentative de se justifier auprès de son fan club et de ses anciens amis ?
En 2016, @barbarapompili expliquait que quoi qu’il arrive il n’y aurait plus de #nni en 2020.;) cruelle vidéo @PlacardArchives pic.twitter.com/m1Io18oWsQ
— François Momboisse (@fmomboisse) August 12, 2020
Pour le deuxième objectif, c'est plutôt raté. Les Fée Carabosse et autres Gargamel de l'écologisme politique lui ont taillé un short.
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Pour rappel, précédemment...
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Mme Cécile Duflot étale sa Schadenfreude, mais a fondamentalement raison sur la question de la « non-régression en matière environnementale ». On peut du reste se demander comment le Conseil Constitutionnel a pu laisser passer une disposition selon laquelle une législature a pu restreindre le pouvoir décisionnaire des législatures postérieures.
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Les petits Goebbels de l'activisme anti-pesticides ont été plus discrets. Après tout, Mme Barbara Pompili est leur alliée...
Mme Barbara Pompili écrit en introduction :
« Autoriser par dérogation un usage des néonicotinoïdes n'est pas une décision facile. Mais cette dérogation - temporaire et très encadrée - est la seule solution possible à court terme pour éviter l’effondrement de la filière sucrière en France. »
On ne saurait (trop) la contredire ! Mais si la décision a été difficile, ne serait-ce pas parce que certains, au gouvernement, étaient disposés à faire passer l'idéologie – et les calculs politiciens – devant l'intérêt de la Nation ?
Le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation avait écrit pour sa part :
« Les betteraviers français font face à une crise inédite : le virus de la jaunisse transmis par les pucerons s’est développé massivement sur l’ensemble des régions productrices françaises et va très fortement impacter la production de betterave. Cette maladie peut entrainer des pertes de rendements, pouvant atteindre entre 30 et 50%. Cette crise de la jaunisse fragilise l’ensemble du secteur sucrier et crée le risque d’un abandon massif de la betterave en 2021 par les agriculteurs au profit d’autres cultures. Or la France est le premier producteur de sucre européen. Le secteur concerne 46 000 emplois dont 25 000 agriculteurs et 21 sucreries.
Si les semis sont faits à partir de mars, le choix des cultures pour l’année suivante se décide dans les prochaines semaines. Il y a donc urgence à agir. »
Il y avait « urgence à agir », mais le gouvernement s'est fait prier plutôt deux fois qu'une...
Mme Barbara Pompili nous explique ensuite le problème. Et...
« Après échange avec @J_Denormandie, nous avons donc décidé [...] »
Elle s'approprie donc une part de la décision. Certains y verront une tentative de ne pas perdre la face après avoir perdu un arbitrage (il y a forcément eu arbitrage, difficiles si on en croit les déclarations de M. Julien Denormandie devant le Parlement...). D'autres – et nous en sommes – constateront que la concession est minimaliste. En clair : Mme Barbara Pompili a bien défendu son os.
Voici encore, du Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation :
« Les betteraves ne produisent pas de fleurs avant la période de récolte, ce qui circonscrit l’impact de ces insecticides sur les insectes pollinisateurs. Néanmoins, des conditions strictes d’usage seront associées pour l’examen de toute demande de ces dérogations :
- seule l’utilisation via l’enrobage des semences pourra être envisagée, et celle par pulvérisation demeurera interdite, afin de limiter les risques de dispersion du produit ;
- l’interdiction de planter des cultures attractives de pollinisateurs, suivant celles de betteraves afin de ne pas exposer les insectes pollinisateurs aux résidus éventuels de produits ;
- la définition d’ici fin 2020 d’un plan de protection des pollinisateurs, visant à renforcer leur protection pendant les périodes de floraison, et à mieux prendre en compte les enjeux associés aux pollinisateurs au moment de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. »
Il y a d'autres cultures qui sont en situation d'impasse phytosanitaire, pour lesquelles les néonicotinoïdes ont été une solution... mais on limite une dérogation à la seule betterave (sucrière ?).
Alors que la protection des pollinisateurs fait partie intégrante des politiques en matière plus particulièrement d'autorisation de mise en marché des substances de protection des plantes et d'usage des préparations phytopharmaceutiques, « on » définira « d’ici fin 2020 d’un plan de protection des pollinisateurs ».
Décidément, ce gouvernement ne saurait exister sans faire de la micro-gestion, et sans nul doute de la gesticulation.
On peut s'attendre à de belles empoignades et, qui sait, à des décisions aussi irresponsables que l'interdiction des néonicotinoïdes.
Mais ce n'est pas tout ! Selon Mme Barbara Pompili,
« […] nous allons nous atteler à trouver une solution pérenne pour nous passer des néonicotinoïdes. »
Yaka !
C'est là un florilège d'irresponsabilité. La recherche d'alternatives « efficaces » aurait été insuffisante depuis 2016 ? Mais qu'a fait le gouvernement ?
On explorerait notamment la voie des solutions chimiques... C'est un constat bienvenu de la nécessité des produits phytosanitaires que, dans un autre discours démagogique et électoraliste, on ne cesse de vilipender. C'est peut-être la nième manifestation du « en même temps » macronien.
Selon le communiqué du Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation,
« Le Gouvernement souhaite travailler avec la filière pour garantir la poursuite de son activité et la pérennité de la production de sucre en France. En particulier, il est nécessaire de se doter des moyens permettant de faire face à toutes les situations, y compris celle rencontrée en 2020. C’est une question de souveraineté. »
Dans son « plan d'action », il y a notamment :
« la formalisation et la mise en œuvre par les professionnels, avec le soutien de toutes les parties prenantes, de plans de prévention des infestations par les ravageurs. Ces plans de prévention pourront mobiliser l’appui de différentes mesures intégrées au plan de relance ;
[…]
des engagements des professionnels industriels sur la pérennisation de la filière sucrière en France ; »
Sérieux là ? Les industriels devraient s'engager sur une « pérennisation » alors que la dérogation pour les semences enrobées est
« explicitement, pour la campagne 2021 et le cas échéant les deux campagnes suivantes tout au plus ».
Très versée en agronomie, Mme Barbara Pompili évoque aussi
« des parcelles plus petites et/ou converties au bio par exemple, qui peuvent contribuer à lutter contre la diffusion de virus ».
C'est connu : les pucerons sont myopes et ne repèrent un champ de betteraves que s'il a la taille d'un aéroport. Quant au « bio », on peut craindre que le torchon du Monde de M. Stéphane Foucart n'ait fait des victimes au Ministère de la Transition Écologique.
La chose n'a pas été évoquée par Mme Barbara Pompili. Selon le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, le gouvernement prévoit de faire :
« la proposition d’une modification législative cet automne pour permettre explicitement, pour la campagne 2021 et le cas échéant les deux campagnes suivantes tout au plus [...] »
C'est là une couleuvre qu'aura dû avaler M. Julien Denormandie... et une preuve de plus de l'irresponsabilité de l'écologisme gouvernemental. Sauf si la raison devait – enfin – prévaloir au gouvernement ou que le pouvoir législatif y mette bon ordre, le drame économique et social se reproduira à l'horizon 2023 ou 2024, tout comme le psychodrame politicien.
M. Julien Denormandie est tout aussi « fleur au fusil ». Il « explique » :
« La filière de la betterave fait face à une crise inédite, dans un contexte où il n’existe pas aujourd’hui d’alternative pour protéger la betterave des pucerons et de la jaunisse. Au moment où nous nous sommes donnés comme priorité de retrouver notre souveraineté alimentaire, il nous faut trouver un équilibre durable, c'est tout l'enjeu de la transition agro-écologique. Notre plan d’action vise à accélérer la recherche pour trouver rapidement des solutions véritablement efficaces, et en attendant soutenir massivement nos agriculteurs face à ces aléas. J’avais promis aux betteraviers que je ne les laisserais pas tomber. Ce plan va leur permettre de poursuivre leur culture l’an prochain en limitant au maximum l’impact sur les insectes pollinisateurs. »
Qui peut croire, en effet, qu'on trouvera une solution en trois ans ? Avec 5 millions d'euros ?
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M. Yann Duroc est bien optimiste ! Ce n'est pas « la jaunisse », mais quatre jaunisses. Ce n'est pas une espèce de pucerons, mais plusieurs. Et si l'on met au point une solution génétique, il faudra la décliner en nombreuses variétés.
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Il y a bien une voie a priori prometteuse : la transgenèse et les nouvelles techniques génétiques. Mais ne comptons pas sur le gouvernement, ni sur ses laquais d'une recherche de moins en moins agronomique, pour faire la pédagogie nécessaire à la levée d'un tabou.
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Comme c'est bien dit :
« […] nous allons […] mettre en place un comité de suivi spécifique que nous présiderons avec @J_Denormandie ».
La dame insiste dans son gazouillis final :
« Nous allons ainsi instituer un copilotage @Ecologie_Gouv / @Agri_Gouv de la transition écologique de l’agriculture pour mieux anticiper et transformer les pratiques et construire une agriculture durable qui ne laisse aucun acteur sans solution. 13/13 »
C'est un peu différent au Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation :
« Conformément à l’engagement du Président de la République, un délégué interministériel à la filière betterave-sucre sera désigné. Il sera notamment chargé du suivi de la mise en œuvre de ce plan d’action et en informera du bon déroulement une instance de suivi co-présidée par les deux ministres de la Transition écologique Barbara Pompili et de l’Agriculture et de l’Alimentation Julien Denormandie, associant les organismes de recherche et l’ensemble des services concernés. La première réunion se tiendra à l’automne. »
Faut-il entendre que l'arbitrage s'est fait sur le mont Olympe ?
Mais, ouf ! on est sauvé ! Soyons tout de même un peu mesquin : Mme Barbara Pompili était prête à laisser des acteurs économiques sans solution en 2016. Si elle pouvait encore progresser sur la bonne voie...
Ah ! Madame Pompili ! Il y a aussi le colza, les épinards, le maïs, l'orge, la moutarde, les noisettes, les salades. Les carottes des sables. Les utilisateurs de glyphosate ? Etc.
Et il y a aussi les abeilles pour lesquelles le colza est la barre vitaminée printanière.
Les néonicotinoïdes sont certes controversés et font l'objet de nombreuses allégations meurtrières, certaines fondées sur des recherches militantes – y compris des travaux dont l'objectif de démolition de ces substances a été défini a priori.
La « conspiration » du Groupe de travail sur les pesticides systémiques (Source)
Pourtant, les néonicotinoïdes ont été utilisés pendant des décennies et le sont encore dans de nombreux pays dont certains, tels l'Australie et le Canada, ont une apiculture florissante. Quand on voit, d'une part, des recherches orientées et, d'autre part, le refus des apiculteurs de l'Alberta de s'associer à ceux de l'Ontario pour demander l'interdiction de l'enrobage des semences, en particulier de colza, on peut se dire que les recherches sont foireuses.
Mme Barbara Pompili et ses services n'ont pas été étrangers à la proposition d'établir « un plan de protection des pollinisateurs ». Ce serait l'occasion d'initier un changement de paradigme pour fonder les politiques sur des évaluations réalistes des risques et sur des analyses risque-bénéfice. Faire de la vraie écologie plutôt que de succomber aux délires dogmatiques, à la désinformation et à la pression des... lobbies.
Mais rendez-vous à l'Assemblée Nationale...
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