Gros mensonges ou méconnaissance crasse des faits : entre M. Julien Bayou et Info France 2, qui mérite le plus la fessée ?
Le 21 août 2020, nous avons encore eu droit à un grand moment d'incompétence et de désinformation, celle-ci par bêtise ou, pire, délibérée (les deux n'étant pas mutuellement exclusifs...).
M. Julien Bayou, secrétaire national d'EÉLV, est interrogé dans les Quatre Vérités du Télématin de France 2, par un journaliste complaisant qui se contente de poser les questions et de gober les réponses... Et le chargé du compte Twitter relaie, lui aussi sans recul ni esprit critique.
Sortie du #glyphosate dans un an : "Des entreprises proposent des désherbants naturels qui attendent toujours leur agrément. Il y a des alternatives bloquées car il y a une pression des plus gros exploitants de la FNSEA"
— Info France 2 (@infofrance2) August 21, 2020
🗨 @JulienBayou, secrétaire national #EELV
▶ #Les4V pic.twitter.com/GxFCyI8A4i
Nous avons droit à une cascade (pour une séquence d'1:23, le mot « déluge » serait peu approprié) de faussetés (ou de mensonges), de complotisme, d'anticapitalisme, de reductio ad Monsantum et de reduction ad FNSEA.
Bravo l'artiste !
Voici donc l'échange retranscrit :
« Question : Le gouvernement, il y a deux ans, avait promis la sortie du glyphosate. Heu... ça veut dire qu'on devrait sortir du glyphosate d'ici un an [1]. Est-ce que vous estimez que les travaux préparatoires on été faits pour permettre cette sortie ?
Réponse : Déjà, je vous remercie de faire le suivi parce qu'on parle beaucoup des néonicotinoïdes où le gouvernement veut revenir sur la législation, c'est-à-dire autoriser des pesticides qui sont des tueurs d'abeilles et dangereux pour la santé – attesté – mais, effectivement, il y avait une promesse sur le glyphosate qui n'est pas tenue [2] et aujourd'hui, si vous allez sur le site de l'ANSES, il y a toujours beaucoup, beaucoup, beaucoup de produits à base de glyphosate, dont ceux de Monsanto [3], alors qu'en justice, ils sont obligés d'indemniser les victimes [4]...
Question : Mais le monde agricole sera prêt dans un an ?
Réponse : Mais le problème c'est qu'en fait, on dit "dans trois ans" et il ne se passe rien et au bout de trois ans, euh, vous avez certains syndicats qui disent : "ah ben, on peut rien faire" [5]. Moi, je constate qu'il y a deux entreprises françaises [6] – je ne veux pas me tromper, mais c'est Osmobio [7] et Jade [8], en Bretagne et à Bordeaux – qui proposent des désherbants naturels [9] et qui attendent toujours leur agrément par l'Anses. Voyez donc, il y a des alternatives qui existent – le travail du sol superficiel, les faux semis, ces désherbants bio [10], mais c'est bloqué parce qu'il y a une vraie pression, notamment des plus gros exploitants de la FNSEA pour continuer à utiliser le glyphosate [11]. Vraiment on doit privilégier la santé publique et la biodiversité [12], plutôt que les profits de quelques-uns [13]. »
Ces propos appellent quelques réponses.
[1] Non, c'est à la fin de cette année.
[2] C'est vraiment faire un mauvais procès au gouvernement que de l'accuser de ne pas avoir tenu sa « promesse » alors qu'on n'a pas encore atteint l'échéance.
[3] La reductio ad Monsantum...
[4] C'est aux États-Unis d'Amérique, pas en France. Ce genre d'amalgame n'est pas de bonne foi, sans compter le fait que la question est la « sortie » du glyphosate, et non Monsanto.
[5] La première reductio ad FNSEA... Et un homme politique bien informé devrait savoir que d'autres, y compris au sommet de l'État, ont affirmé ou compris qu'il y avait des « impasses ».
[6] Un petit coup de chauvinisme et, en filigrane, d'anti-mondialisation...
[7] L'ANSES a répondu sèchement par un gazouillis :
« #Osmobio - Rappel de notre position de 2017.
(Source)
Le résumé du document mis en lien :
« Suite à plusieurs sujets parus dans les médias sur l’état d’examen de demande de mise sur le marché d’un produit de biocontrôle désherbant de l’entreprise Osmobio, l’Anses tient à faire un point sur ce dossier et, en particulier, rappeler qu’elle ne dispose pas des pièces et données nécessaires sur le produit pour l’évaluer et instruire la demande d’autorisation de mise sur le marché du produit contrairement à ce que l’entreprise Osmobio affirme dans les médias. »
[8] Le Beloukha de Jade, c'est de l'acide pélargonique comme dans certains nouveaux Roundup – qui ne sont pas de Monsanto. Bien sûr, l'acide pélargonique du Beloukha, c'est bien, et celui des nouveaux Roundup, c'est pas bien... Le Beloukha est autorisé depuis le 9 janvier 2015. Du reste, Jade n'est plus une entreprise française, car détenue à 100 % par le belge Belchim.
(Source)
Et visez la publicité de Jade. Imaginez une publicité similaire de Bayer/Monsanto...
(Source)
[9] Le sophisme de la naturalité... Sait-il, M. Julien Bayou, que l'acide pélargonique se produit principalement par un procédé chimique, oxo, et par traitement de l'acide oléique avec de l'ozone, de l'acide nitrique ou du dichlore ? Quant à Osmobio, nous n'avons pas cherché à creuser l'origine des divers composants.
[10] Les désherbants ne sont pas « bio ». La mention « produit de biocontrôle » ne signifie pas qu'il est autorisé en agriculture biologique. Les ayatollahs du bio ont en fait rejeté le Beloukha pour cause de non-conformité au catéchisme.
[11] La deuxième reductio ad FNSEA... mais ça plaît tellement à la clientèle d'EÉLV... C'est dénigrant pour l'ANSES, accusée de faillir à sa mission en cédant à des pressions. Quant à la FNSEA – ou ses « plus gros exploitants » – quel intérêt auraient-ils à bloquer l'homologation de pesticides ? Ah ouiiiii ! Le gros complot ! C'est pour permettre au glyphosate de rester sans concurrence sur le marché... et accessoirement à Bayer/Monsanto de se faire un pognon de dingue...
Mme Christian Lambert, présidente de la FNSEA a répondu avec flegme :
[12] Un autre sophisme de la naturalité. Question santé publique, voici le classement du Beloukha selon l'ANSES :
(Source)
Et pour la biodiversité, un extrait des conditions d'emploi :
Oh ! j'avions failli oublier : un – excellent sur le plan scientifique – communiqué d'EÉLV les Deux-Sèvres de 2015, « Les nouveaux désherbants «Bio» un miroir aux alouettes » :
Extrait :
« Une Dangerosité avérée
L’acide pélargonique est une molécule dangereuse, il suffit de consulter les différentes Fiches de Données de Sécurité fournies par les fabricants de cette molécule pour s’en rendre compte. C’est une molécule corrosive qui provoque des brûlures de la peau et des lésions oculaires graves pouvant aller jusqu’à une perte de la vue ! Si inhalée elle peut provoquer des lésions des voies respiratoires.
Les données écotoxicologiques, même si elles sont fragmentaires, indiquent une dangerosité vis à vis des écosystèmes aquatiques plus importante que celle du glyphosate (teste Daphnie : CE50 de 64 à 119 mg/l pour l’acide pélargonique contre 243mg/l pour le Roundup) ! L’acide pélargonique est d’ailleurs classé comme étant dangereux pour l’environnement par certains fournisseurs de l’Amérique de Nord. »
[13] La petite injection d'anticapitalisme.
On lira avec intérêt, dans Terre de Touraine, "Encore une fausse affirmation de Julien Bayou sur l’Anses". La revue a interrogé les dirigeants de Jade et Osmobio.
En prime...
"Défendre une limitation des libertés au nom du changement climatique n'est pas liberticide"
— Emmanuelle Ducros (@emma_ducros) August 21, 2020
"Il faut aussumer d'interdire"
On ne peut pas dire qu'on n'est pas prévenu. Le projet dictatorial ne se cache même pas. https://t.co/DCzLqUwSLY