Explorer le rôle du forçage génétique dans la lutte contre le paludisme
Joan Conrow*
Image : un moustique suçant le sang humain. Darkdiamond67/Shutterstock
Une initiative internationale s'est formée pour que la technologie du forçage génétique ait une chance de faire ses preuves dans la lutte contre la malaria.
La collaboration mondiale GeneConvene, qui fonctionne sous les auspices de la Fondation pour les Instituts Nationaux de la Santé (FNIH), se concentrera dans un premier temps sur l'exploration sûre, éthique et rigoureuse des approches de forçage génétique dans la prévention du paludisme, qui a tué plus de 400.000 personnes, pour la plupart des enfants de moins de 5 ans, et en a rendu 225 millions malades rien qu'en 2018.
Diverses initiatives sont déjà en cours pour étudier l'utilisation du forçage génétique afin de limiter la reproduction des moustiques, qui transmettent le paludisme et d'autres maladies. Bien que cette technologie émergente soit considérée comme une alternative rentable et « verte » aux insecticides, et qu'elle pourrait également être utilisée pour lutter contre les parasites agricoles qui provoquent des pertes de récoltes et les espèces envahissantes qui perturbent les écosystèmes autochtones, elle s'est heurtée à la résistance de certains environnementalistes et éthiciens. Ils s'inquiètent des conséquences de la suppression ou de l'élimination d'espèces entières, même de celles qui causent des dommages.
Ces préoccupations ont suscité des appels à un moratoire sur les disséminations de forçages génétiques, qui ont été contrés par des déclarations en faveur de la poursuite des recherches. La question revêt une urgence nouvelle, car les progrès dans la lutte contre le paludisme ont été ralentis par des facteurs tels que la résistance croissante des moustiques aux insecticides, ce qui a incité les organismes experts à demander des recherches sur de nouveaux outils.
GeneConvene entre dans cette arène confuse et controversée pour « permettre une prise de décision éclairée et rigoureuse sur la recherche et l'utilisation potentielle des approches de biocontrôle génétiques pour la santé publique », a déclaré Michael Santos, vice-président associé de la FNIH pour la science.
Les moustiquaires et les insecticides ont une efficacité limitée dans la prévention du paludisme. Image : Shutterstock
« L'importance de l'exploration continue des approches de forçage génétique pour la prévention du paludisme a été reconnue par les gouvernements et les organisations du monde entier, y compris l'Organisation Mondiale de la Santé et l'Union Africaine », a déclaré M. Santos. « Il incombe aux gouvernements et aux autres parties prenantes publiques de décider si et comment les technologies de forçage génétique sont étudiées, développées et utilisées. GeneConvene travaille à éduquer les parties prenantes sur ces technologies et à s'assurer qu'elles disposent des informations dont elles ont besoin pour prendre ces décisions. »
« Les technologies génétiques telles que le forçage génétique sont très prometteuses, et en tant que domaine scientifique émergent, elles nécessitent une approche rigoureuse », a déclaré Willy Tonui, partenaire de GeneConvene et ancien PDG de l'Autorité Nationale de Biosécurité du Kenya. « GeneConvene contribuera à faire en sorte que les technologies de biocontrôle génétique soient explorées sur le mode collaboratif avec la participation des parties prenantes dans le monde entier. »
M. Santos a déclaré que le rôle de GeneConvene est d'identifier les questions émergentes concernant les forçages génétiques et de s'assurer que la recherche est menée de manière sûre, éthique et rigoureuse.
« La réflexion critique et la recherche d'un consensus sur la voie du développement sont cruciales », a déclaré M. Santos. « C'est ce qui nous a amenés à commencer à travailler avec des experts mondiaux pour identifier les besoins et y répondre dans des domaines tels que la biosécurité, l'éthique, l'engagement et la gouvernance. »
GeneConvene réunira ces experts afin de « synthétiser les perspectives en recommandations de meilleures pratiques » qui seront prises en compte par ceux qui élaborent les cadres réglementaires et politiques, a-t-il expliqué.
« Par exemple, en Afrique, où se produisent plus de 90 % des décès dus au paludisme, l'Agence de Développement de l'Union Africaine (AUDA-NEPAD) aide les États membres et les communautés économiques régionales à développer des capacités réglementaires et des politiques pour les approches de forçage génétique contre le paludisme », a déclaré M. Santos. « GeneConvene soutient ces efforts en fournissant une assistance technique sur la science du forçage génétique et le renforcement des capacités en matière de biosécurité. »
GeneConvene se consacre également à la diffusion d'informations précises sur les campagnes de forçage génétique. À cette fin, il a créé l'Institut Virtuel GeneConvene, qui regroupe les recherches et autres informations précises sur la technologie en un site central en ligne. L'institut propose actuellement une solide section FAQ, ainsi que des ressources multimédias qui traitent des différents types de forçage génétiques et de leurs applications possibles dans les domaines de la santé, de l'agriculture et de l'environnement ; de la manière dont un moustique porteur d'un forçage génétique est fabriqué ; des questions éthiques ; et de la biosécurité, de la réglementation et des sujets politiques.
M. Santos a déclaré que GeneConvene est une extension naturelle de la FNIH, qui travaille dans le domaine de la recherche sur le forçage génétique et de la réglementation connexe depuis plus de dix ans. La FNIH a également été l'une des premières organisations partenaires de l'initiative « Grand Challenges in Global Health » (grands défis de santé publique), qui gère des projets visant à développer de nouvelles stratégies biologiques pour lutter contre les insectes vecteurs de maladies.
L'initiative a reçu un financement initial de la Fondation Bill & Melinda Gates (qui est également l'un des principaux bailleurs de fonds de l'Alliance Cornell pour la Science), de l'Open Philanthropy et du Wellcome Trust.
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* Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2020/07/gene-drives-role-in-fight-against-malaria/