Bidon et bidonnant : « L'agriculture intensive augmente les risques de pandémie »... « selon une étude »
Une dépêche de l'AFP relève de l'escroquerie
Prenons le du 20 Minutes du 5 août 2020 : « Coronavirus : L'agriculture intensive augmente les risques de pandémie selon une étude ». Ou encore de Sciences et Avenir du même jour : « L'agriculture intensive augmente les risques de pandémie ».
C'est en fait une dépêche de l'AFP que nous qualifierons d'emblée d'indigente et qui aura été relayée, de manière tout aussi indigente, pas un Sciences et Avenir qui n'a pas jugé bon de mettre la chose en perspective dans le titre.
Voici pour l'entrée en matière et l'orientation générale :
« L'exploitation des terres pour l'agriculture intensive, qui rapproche des humains les animaux sauvages dont l'habitat est dérangé, rend plus probable la survenue de pandémies telles que celle du Covid-19, selon une étude publiée mercredi.
Selon cette étude publiée dans la revue Nature, les maladies dont sont porteurs les animaux sauvages ont plus de risque d'être transmises aux humains en raison de l'évolution de l'usage des terres. »
Le.a rédacteur.trice (c'est comme ça qu'il faut écrire maintenant ?) ne s'est pas donné la peine de citer le tire de l'étude et de mettre un lien vers la publication. On nous aura aussi épargné le sempiternel « prestigieuse revue Nature »... la torpeur estivale peut-être.
Nous avons fini par trouver « Zoonotic host diversity increases in human-dominated ecosystems » (la diversité des hôtes zoonotiques augmente dans les écosystèmes dominés par l'homme) de Rory Gibb et al.
En voici le résumé (nous découpons) :
« Il est largement reconnu que le changement d'utilisation des terres – par exemple, la conversion d'habitats naturels en écosystèmes agricoles ou urbains – influence le risque et l'émergence de zoonoses chez l'homme. Toutefois, on ne sait pas encore si ces changements de risque sont étayés par des changements écologiques prévisibles. Il a été suggéré que la perturbation des habitats pourrait entraîner des changements prévisibles dans la diversité locale et la composition taxonomique des hôtes réservoirs potentiels, en raison de différences systématiques, liées aux caractéristiques, dans la résilience des espèces aux pressions exercées par l'homme.
Nous analysons ici 6.801 assemblages écologiques et 376 espèces hôtes dans le monde entier, en tenant compte de l'effort de recherche, et nous montrons que l'utilisation des terres a des effets globaux et systématiques sur les communautés hôtes zoonotiques locales.
Dans l'ensemble, les espèces sauvages hôtes connues d'agents pathogènes et de parasites partagés par l'homme représentent une plus grande proportion de la richesse locale en espèces (18-72 % de plus) et de l'abondance totale (21-144 % de plus) dans les sites soumis à une utilisation humaine importante (écosystèmes secondaires, agricoles et urbains) par rapport aux habitats voisins non perturbés.
L'ampleur de cet effet varie d'un point de vue taxonomique et est plus forte pour les espèces hôtes zoonotiques de rongeurs, de chauves-souris et de passereaux, ce qui peut être un facteur qui sous-tend l'importance mondiale de ces taxons en tant que réservoirs zoonotiques.
Nous montrons en outre que les espèces de mammifères qui abritent globalement plus d'agents pathogènes (partagés ou non par l'homme) sont plus susceptibles de se trouver dans des écosystèmes gérés par l'Homme, ce qui suggère que ces tendances peuvent être médiatisées par des caractéristiques écologiques ou du cycle de vie qui influencent à la fois le statut d'hôte et la tolérance aux perturbations humaines.
Nos résultats suggèrent que les changements globaux du mode et de l'intensité de l'utilisation des terres créent des interfaces dangereuses croissantes entre l'homme, le bétail et la faune sauvage, réservoirs de zoonoses. »
Vous comprendre ? Moi pas vraiment... On trouve dans ce résumé des trucs fréquents dans la littérature scientifique tendance militante : une grande imprécision sur les résultats et une conclusion anxiogène.
Le message général est qu'il y a davantage d'hôtes d'agents pathogènes et de parasites – en nombre d'espèces et en nombre d'animaux dans chaque espèce – dans les écosystèmes « gérés » par l'Homme que dans les écosystèmes – appelons les – naturels. Après, cela devient fumeux.
Mais vous aurez peut-être remarqué une chose : nulle trace du mot « agriculture » et encore moins d'« agriculture intensive » !
J'ai parcouru l'article, long et aussi fumeux que le résumé. Je ne l'ai pas lu, ce genre d'exercice avec des statistiques qui agrègent des choux et des carottes m'étant particulièrement rebutant. Le mot « agriculture » n'y figure pas. La forme adjectivale apparaît six fois, d'une manière générale.
Les auteurs ont extrait des données de 184 études « sur les 6 continents ». Mouais... quelques jolis clusters... Ils se sont penchés sur 376 espèces hôtes dans 6.801 sites étudiés. La perspective est maintenant différente de celle du résumé qui n'a évoqué que le chiffre le plus impressionnant.
Les écosystèmes ont été classés en quatre catégories : végétation primaire, végétation secondaire, écosystèmes gérés (plantations, pâturages et terres cultivées) et urbain. L'intensité de l'influence de l'Homme a également été classée en : utilisation minimale, ou utilisation « substantielle ». Par exemple, les sites urbains vont d'une utilisation minimale (villages, grands espaces verts gérés) à substantielle (milieu imperméable avec peu de zones vertes). Les utilisations non classables n'ont pas été incluses dans le modèle.
Les résultats font l'objet d'une figure avec quatre graphiques.
Une première chose vous saute aux yeux : les écarts sont beaucoup plus importants, tant pour la richesse que pour l'abondance, pour les milieux urbains !
S'agissant des sites gérés – qui incluent l'agriculture intensive évoquée dans la dépêche de l'AFP –, la richesse en hôtes d'agents pathogènes est peu différente de celle des sites primaires en utilisation minimale. Elle est même inférieure à celle des sites primaires en utilisation substantielle. La proportion d'hôtes augmente... mais c'est parce que les non-hôtes ont régressé.
La situation est assez similaire pour l'abondance.
Une conclusion s'impose : cette dépêche de l'AFP est une escroquerie.
Elle s'est beaucoup appuyée sur un communiqué de presse de l'University College London, en coupant quelques angles et en brodant.
Voici, de l'AFP :
« "Alors que les terres agricoles et les villes vont continuer à s'étendre, nous devrions renforcer notre surveillance des maladies et les dispositions sanitaires dans les zones où les territoires sont fortement perturbés", a estimé Kate Jones, qui a également participé à l'étude, plaidant pour que les gouvernements considèrent l'agriculture et les filières agroalimentaires comme directement liées à la santé humaine. »
Du communiqué de presse de l'Université :
« Le professeur Jones a déclaré : "Comme il est prévu que les territoires agricoles et urbains vont continuer à s'étendre dans les prochaines décennies, nous devrions renforcer la surveillance des maladies et la fourniture de soins de santé dans les zones dont les territoires subissent beaucoup de perturbations, car il est de plus en plus probable qu'elles abriteront des animaux qui pourraient héberger des agents pathogènes dangereux".
Le Dr Redding a ajouté : "Nos conclusions fournissent un contexte pour réfléchir à la manière de gérer les changements d'utilisation des terres de manière plus durable, en tenant compte des risques potentiels non seulement pour la biodiversité, mais aussi pour la santé humaine."»
Bla... bla... bla...