Betteraves et néonicotinoïdes : la Confédération Paysanne insulte les producteurs
La Confédération Paysanne a publié le 14 août 2020 un communiqué au titre explicite, « Tous les néonicotinoïdes doivent rester interdits ».
Surprenant ? Non ! Cette entité est peut-être encore, formellement, une « Confédération », mais elle n'est plus « paysanne ». Ce n'est plus un syndicat agricole mais une entité au service d'intérêts opposés à la paysannerie.
« Nos amis » ? Étonnant ? Non (Source)
Ce qui étonne aussi, c'est le raisonnement. Allons-y pas à pas.
« Dans le calme des vacances aoûtiennes, la Ministre de la Transition écologique Barbara Pompili vient de permettre l’usage de semences de betteraves sucrières enrobées de néonicotinoïdes, par dérogation au moment des semis sur une période de 120 jours. »
C'est complètement faux, comme nous l'avons déjà expliqué par ailleurs, dans « Betteraves, néonicotinoïdes et abeilles : le délire de M. Stéphane Foucart dans le Monde ».
« Cette décision, après celle du gouvernement de ne pas suivre les injonctions du Conseil d'État l'obligeant à publier au plus tard le 7 août le décret engageant la réglementation comme OGM des variétés rendues tolérantes aux herbicides de colza CL, est un signal désastreux allant dans le sens de la protection d'intérêts économiques particuliers aux dépens de l'intérêt général. »
Beau sophisme de la diversion, belle gesticulation et belle contre-vérité. La Confédération Paysanne devrait savoir que le gouvernement a établi des projets de décret et d'arrêtés. À preuve, elle a cosigné un communiqué commun avec des organisations dont elle s'est fait le supplétif pour dénoncer, à propos du Haut Conseil des biotechnologies, « un avis scientifique trompeur, un comité économique, éthique et social bâillonné » (voir notre analyse dans « Variétés issues de la mutagenèse : l'incroyable pouvoir des lobbies verdâtres »).
On nous explique ensuite de manière lourdaude que ce n'est pas si grave :
« Contrairement à des annonces catastrophiques, l'interdiction de trois molécules néonicotinoïdes en 2013 par la Commission européenne n'a pas provoqué de pertes économiques significatives dans les productions concernées. En 2019, la gravité des dégâts dus à la jaunisse nanisante est restée très faible avec en moyenne 1,5 % de la surface touchée à l'échelle nationale[1]. Les dégâts sont probablement plus importants cette année, mais l'incidence économique globale de la jaunisse ne sera pas aussi catastrophique qu'affirmé. »
Pour 2019, il s'agit de picorage (cherry picking) dans un compte rendu du Betteravier. Voici les texte complet du paragraphe sur l'état des lieux :
« Cet automne, les équipes régionales de l’ITB ont effectué des notations jaunisse sur plusieurs centaines de parcelles. La fréquence de parcelles présentant au moins un rond de jaunisse ainsi que la surface moyenne atteinte (gravité) ont été relevées. À l’échelle nationale, la fréquence moyenne est de 37%, avec de fortes disparités régionales : plus de 70 % pour la Normandie, la Somme et le Nord-Pas-de-Calais ; environ 50 % en Île-de-France ; autour de 30 % pour l’Oise et le Centre-Val-de-Loire et moins de 10 % pour l’Aisne et la Champagne (Figure 1). En ce qui concerne la gravité, celle-ci reste très faible avec en moyenne 1,5 % de la surface touchée à l’échelle nationale. Seules les régions de Normandie, la Somme et le Nord-Pas-de-Calais présentent des gravités supérieures à 2,5 % avec un maximum de 4 % en Normandie. En conclusion, le développement de la maladie aura été relativement faible cette année, mais il aura fallu compenser l’arrêt des néonicotinoïdes par une surveillance accrue et jusqu’à trois traitements insecticides selon les niveaux de pression pucerons au printemps. »
Des producteurs ont subi des pertes plutôt importantes en 2019 ? Pas de quoi fouetter un chat, la moyenne est bonne...
Les pertes de 2020 ? Bah ! Il suffit d'inventer sa propre vérité. Qu'importe si les rapports venant de toute part sont à l'exact opposé (et que même Mme Barbara Pompili, Ministre de la Transition Écologique, y adhère).
Mais c'est à juste titre que la Conf' affirme que les producteurs pourraient être incités à utiliser des semences enrobées à titre préventif l'année prochaine (caveat : pour autant que le projet gouvernemental passe la rampe devant le législatif).
Vient ensuite la gesticulation anxiogène sur la persistance des néonicotinoïdes dans le sol, les effets sur la santé humaine et sur la faune. Tout y passe en quelques phrases. Mais là, c'est sans références...
Il y a enfin la faute à la dérégulation, la suppression des quotas, les méchants « industriels privés ou coopératifs (Tereos produit sur d'autres continents) » qui
« conduit la majorité des paysan·ne·s dans le mur et pousse à des modes de production intensifs et spécialisés au détriment de la durabilité des agroécosystèmes et de la biodiversité. »
Vraiment bête cette « majorité des paysan·ne·s »...
Il doit aussi y avoir, selon la Conf', des monocultures – au sens propre du terme – de betteraves. C'est bien ce qu'il faut entendre sous « modes de production intensifs et spécialisés ».
(Source)
Mais il est difficile de voire là un argument sérieux à faire valoir pour la question des semences de betteraves enrobées.
Le mille-feuille argumentatif continue :
« Comment dans ce contexte, peut-on développer sereinement l'usage d'alternatives aux néonicotinoïdes ? Sans protection économique des paysan·ne·s et sans visiblement de volonté politique réelle de répondre à cette urgence, c'est impossible. [...] »
Ne serait-ce pas là l'admission de la nécessité des néonicotinoïdes en enrobage ? Vite ! Un red herring, une diversion :
« Et les syndicats CGB* et FNSEA* entraînent leurs adhérent·e·s dans le repli de la victimisation face à un supposé agribashing, concept inventé plus que réel, pour justifier l'archaïsme d'un usage non limité des pesticides et en freiner l'inéluctable affranchissement pour les paysan·ne·s, nos concitoyen·ne·s et la biodiversité. »
Une analyse de cette phrase qui aligne une série d'épouvantails relève de la psychiatrie ! Limitons nous à un point : il faudra populariser la notion du sophisme de la reductio ad FNSEA...
Après avoir affirmé l'impossibilité de « développer sereinement l'usage d'alternatives », voici que la Conf' nous dit que des alternatives existent. Le paragraphe vaut son pesant de cacahuètes :
« Les alternatives existent. Elles nécessitent de repenser les modes de production en plaçant les cultures dans un écosystème comportant des ravageurs mais aussi des alliés (les auxiliaires). La santé des plantes ne peut être pensée de façon isolée. Haies, rotations assez longues, taille raisonnable des parcelles, diverses méthodes de lutte biologique dont la conservation des habitats des auxiliaires, biostimulants, traitements aux huiles essentielles, etc. peuvent permettre de mieux réguler les populations de pucerons. […] »
On croirait lire... Mais non, c'est normal, la Conf' s'est mise au service d'entités telles que celles avec lesquelles elle signe des communiqués communs (exemple).
Il y a tout de même une martingale :
« […] Et, si dans certains cas ces méthodes ne sont pas assez efficaces, des insecticides moins dangereux que les néonicotinoïdes sont déjà homologués et utilisables. »
Étonnant ! On lutte contre les pucerons propagateurs de jaunisse avec des huiles essentielles, par exemple... ça ne marche pas... on utilise des insecticides déclarés – par principe – moins dangereux (ha ! ha ! ha !)... mais la jaunisse est installée... Très fort les gars !
Et pour conclure, ce ne sont pas moins que trois points d'exclamation :
« La Confédération Paysanne demande que tous les néonicotinoïdes restent interdits !!! »
Les belles qui se font belles et les naturopathes qui prétendent soigner avec des huiles essentielles apprendront avec grand intérêt que ces huiles sont des... pesticides.