Soutenir la science et l'innovation est la meilleure défense
Jennie Schmidt*
Les rapports sur la mort du dicamba sont très exagérés, mais les agriculteurs et les consommateurs devraient s'inquiéter de la mort de l'innovation.
Le mois dernier, un panel de trois juges de la Cour d'Appel du 9e Circuit a décidé que le dicamba, qui aide à lutter contre les mauvaises herbes dans les champs de soja et de coton tolérants au dicamba, menace indûment les cultures conventionnelles et non tolérantes au dicamba.
Il a annulé l'enregistrement de trois nouvelles formulations spécifiques de dicamba, mais n'a pas prononcé d'interdiction générale de ce produit phytopharmaceutique, qui reste disponible dans d'autres formulations et pour une utilisation avec d'autres cultures.
Je suis en plein débat sur le dicamba : en tant qu'agricultrice du Maryland, j'ai semé du soja résistant au dicamba et j'ai subi des pertes importantes lorsque des herbicides provenant d'autres fermes ont dérivé sur mes plantes et les ont détruites. Pour moi, les avantages et les inconvénients de ces outils sont personnels.
Les produits de protection des plantes protègent l'approvisionnement alimentaire mondial contre les mauvaises herbes et les ravageurs. Les agriculteurs ont besoin de ces outils pour défendre leurs cultures contre les ravageurs et obtenir des récoltes abondantes. Sans eux, le rendement des cultures diminuerait partout, ce qui nuirait à l'approvisionnement alimentaire et ferait augmenter le prix des denrées alimentaires.
Avant de m'établir comme agricultrice aux États-Unis, j'ai passé deux années au Botswana, où j'ai travaillé avec l'équivalent des 4-H [les clubs 4-H sont des mouvements de jeunesse administrés par le Département de l'Agriculture américain]. Mon travail consistait à développer des clubs agricoles dans les villages ruraux, à introduire l'idée de jardins scolaires et à aider les élèves à cultiver leur propre nourriture pour le déjeuner.
J'ai vu de près le potentiel inexploité de l'agriculture africaine et j'ai compris à quel point le monde en développement a besoin de la meilleure technologie, y compris des produits de protection des plantes. Le dicamba n'est pas le seul, mais parfois un avis judiciaire défavorable sur un seul outil peut ternirla réputation d'autres innovations et technologies agricoles, ce qui risque de bloquer l'accès à toute une panoplie de solutions.
L'amarante de Palmer est une mauvaise herbe agressive qui constitue une menace majeure pour les cultures.
Le cas du dicamba est assez simple : il élimine un grand nombre des pires mauvaises herbes. Je pense en particulier à l'amarante de Palmer, qui a une capacité particulière d'infester des champs entiers de soja. Malheureusement, cette mauvaise herbe résiste à de nombreux herbicides classiques. Le dicamba, cependant, reste très puissant contre elle.
C'est pourquoi nous avons semé du soja résistant au dicamba dans notre exploitation cette année. Notre plan n'était pas de pulvériser du dicamba – sauf si nous repérions des quantités excessives d'amarante de Palmer dans nos champs. Nous l'utiliserions alors comme l'une des options limitées pour lutter contre cette satanée mauvaise herbe.
Pour appliquer correctement le dicamba, les agriculteurs doivent suivre les instructions figurant sur l'étiquette. Ce n'est pas difficile, mais c'est vraiment important. Les agriculteurs ne doivent pulvériser qu'avec le bon équipement, les bonnes buses, des adjuvants spécifiques dans la cuve (en évitant les autres additifs), et seulement dans certaines conditions impliquant le temps, la température et d'autres facteurs. Le non-respect de ces règles peut entraîner les problèmes que la cour d'appel a tenté de résoudre : lorsque le dicamba dérive dans des champs de cultures qui n'ont pas de résistance intégrée, il peut les tuer.
L'année dernière, nous avons payé un prix lorsque d'autres agriculteurs n'ont pas respecté les règles : un herbicide s'est infiltré dans nos vignes et a détruit la plupart de nos raisins. Nous avons perdu des dizaines de milliers de dollars.
Au début, nous avons pensé que le dicamba pouvait être le coupable. Une analyse des tissus végétaux de nos vignes a révélé que les dommages provenaient d'un produit similaire appelé 2,4-D, un autre bon herbicide qui peut avoir des effets secondaires involontaires lorsqu'il est utilisé de manière inappropriée.
Cette année, nous avons décidé que notre meilleure défense est la communication : nous avons envoyé des lettres à nos voisins agriculteurs, décrivant ce qui s'est passé et exhortant chacun à utiliser les herbicides de manière responsable.
Si nous ne le faisons pas, nous risquons de perdre les outils de protection des plantes dont nous avons tous besoin. L'heure tourne maintenant pour le dicamba : l'Agence pour la Protection de l'Environnement va autoriser les agriculteurs et les fournisseurs à utiliser leurs stocks existants d'herbicide, mais toutes les applications doivent cesser après le 31 juillet.
Plutôt que d'imposer des réglementations pesantes et d'engager des poursuites judiciaires coûteuses, la réponse à notre problème est l'innovation. Nous devons disposer de nouveaux et meilleurs outils de protection des plantes, y compris des produits moins susceptibles de dériver ou de se soulever et de se déplacer de l'endroit où ils sont censés aller.
Si nous faisons confiance à la science, nous pourrions découvrir qu'en agriculture, la meilleure défense n'a pas besoin de devenir agressive.
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* Jennie Schmidt
Agricultrice, Maryland, USA
Jennie est une agricultrice de la troisième génération. La ferme familiale produit des céréales, des légumes et des raisins de cuve sur la côte est du Maryland. L'ambition de la ferme est de pratiquer une « agriculture synergique » en utilisant le meilleur de toutes les méthodes agricoles pour créer des sols sains et assurer une production alimentaire saine.
Source : https://globalfarmernetwork.org/2020/07/supporting-science-and-innovation-are-the-best-defense/