L'ANSES, le glyphosate et Libé : le nouveau Je suis Partout
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Il y a deux Stéphane au journal qui fut de référence qui sont des nuls de chez nuls. Rassurez-vous, c'est de l'ironie. Leur « Glyphosate : la déontologie de l’Anses mise en cause » se voulait sans doute d'information, avec tout de même ces arrière-pensées militantes qui font partie de la ligné éditoriale de la rubrique Monde Planète (voir, sur ce site, « L'ANSES, le glyphosate et le Monde »).
Figurez-vous que ces infatigables chasseurs de conflits d'intérêts et lobbywatcher sont passés à côté de choses bien croustillantes ! Elles ont été « révélées » par le journal qui tache les doigts (dans sa version papier), Libération. C'est « Glyphosate : les liens coupables de l’Anses », de Mme Aude Massiot, un article réservé aux abonnés.
On pourrait s'arrêter là : si le duo Foucart-Horel n'a pas relevé ce qu'a publié Mme Aude Massiot, c'est que ça relève du caniveau. Mais ce serait trop charitable.
Pour rappel, citons Ouest France, « Glyphosate : l’étude des risques sanitaires bat de l’aile », un article de bonne facture de M. Nicolas Blandin :
« Saisie en 2018 pour évaluer les données disponibles sur le glyphosate et sa toxicité, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a lancé un appel d’offres pour une étude complémentaire. Problème : des associations, élus et chercheurs sous couvert d’anonymat évoquent un risque de collusion et de favoritisme après le choix d’un consortium chapeauté par l’Institut Pasteur de Lille. Face aux levées de boucliers, plusieurs laboratoires ont annoncé leur retrait jeudi.
(Source)
Arrêt sur le titre : c'est l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES) qui est mise en cause, alors que l'essentiel de l'article est de l'ad hominem à l'endroit de M. Fabrice Nesslany, chef du service de génotoxicologie à l'Institut Pasteur de Lille et contributeur régulier aux travaux de l'ANSES.
Un seul a (prétendument) fauté... et toute l'institution – dont il n'est même pas membre – est mise au pilori. Honteux !
Mais le scandale ne s'arrête pas là :
« C’est l’histoire d’une agence publique qui semble avoir oublié son essence même : préserver la santé publique. »
Il y a certes une précaution oratoire... il n'empêche que l'insinuation est gravissime, ignominieuse.
Si cela peut consoler, M. Eugène Matadon a plus de retweets – avec en plus des commentaires positifs – et de likes que Libération (Source)
Le monde de la recherche française en toxicologie n'est pas bien grand – le monde des experts en toxicologie diplômés Twitter est bien plus vaste. M. Roger Genet, directeur général de l'ANSES a bien expliqué la situation à Ouest France :
« Le vivier d’experts et de laboratoires en toxicologie est extrêmement réduit en France. Nous aurions pu choisir nous-même les laboratoires, comme nous le faisons parfois. Mais nous avons préféré lancer un appel d’offres au niveau international pour élargir ce vivier. »
Et, au vu de la maigre récolte de soumissions à la suite de l'appel à projet, le monde de la toxicologie prêt à travailler sur le glyphosate est tout aussi réduit. Le glyphosate n'est quel'illustration d'un nouveau phénomène : la dictature de la manipulation des opinions empêchera l'évaluation rationnelle de toute substance prise pour cible, même la plus utile.
Enfin, pour être expert, il faut bien entretenir des relations pour acquérir connaissances et expérience.
Non, il ne « reçoit pas des fonds », formulation malhonnête. Il entreprend des travaux de recherche pour le compte de ces entreprises. C'est le cas d'un grand nombre de laboratoires qui, s'ils ne le faisaient pas, perdraient de leurs compétences et mettraient la clé sous la porte. (Source)
Mais qu'a donc fait M. Fabrice Nesslany, bombardé pour l'occasion président du consortium d'institutions de recherche... à tort car il n'est que l'un des deux coordinateurs scientifiques ?
Grands dieux ! Outre les problèmes soulevés par les opérations de l'ANSES,
« Libération révèle des faits plus inquiétants encore. Début juillet, un groupe de lanceurs d’alerte nous a contactés. A partir de leurs informations, nous pouvons mettre en lumière plusieurs conflits d’intérêts de Fabrice Nesslany avec des industriels des pesticides. »
Arrêt explication : Libération se fait le porte-voix de délateurs et calomniateurs.
Figurez-vous que M. Fabrice Nesslany est membre de la Société Française de Toxicologie (SFT) et qu'il en est même le président depuis novembre 2019, alors que Mme Cécile Michel, de l’ANSES, en est la secrétaire générale.
On trouve évidemment dans cette SFT des employés des méchantes industries agrochimiques, lesquelles sponsorisent aussi les congrès de la société – pour l'énorme montant de 1.500 euros sur un budget total de quelque 50.000 euros.
Mais Libération a trouvé un courageux anonyme :
« C’est classique. En contrepartie, les boîtes demandent un droit de regard sur les invités, et imposent certains de leurs membres. Ils construisent le programme du congrès pour qu’on ne discute pas des sujets qui fâchent. »
Finalement, les toxicologues, c'est comme les agriculteurs : tirés par le bout du nez par les méchants agrichimicapitalistes...
Les sponsors du dernier congrès de la SFT. Pour le fun : la SFT a décerné un prix de 500 euros pour un posters à des employés de Boiron pour : « Évaluation du risque des médicaments homéopathiques unitaires à base de plantes ». (Source)
M. Fabrice Nesslany a aussi réalisé une étude sur la dangerosité du glyphosate « pour Calliope (aujourd’hui Arysta), une entreprise qui commercialisait l’herbicide polémique ». Mais c'était en... 2002 !
Son laboratoire a aussi conclu en 2014 et 2017 « des contrats à hauteur de 165.000 euros avec le géant de la chimie Arkema. Or cette entreprise française commercialise des adjuvants utilisés avec le glyphosate dans "des herbicides majeurs". » Pour nos Torquemada de la médiocre médiacratie, faire des recherches pour l'industrie ne peut que disqualifier un laboratoire pour une étude dans le cadre d'une évaluation réglementaire.
Il y en encore, du même tonneau.
L'ANSES a évidemment examiné la situation de près et conclu dans le sens que l'on sait : nihil obstat. Mais notre journaliste militante – armée de ce qu'elle a trouvé dans la déclaration publique d'intérêts de M. Fabrice Nesslany et de quelques ragots anonymes ainsi que de son « expertise » en liens et conflits d'intérêts – opine péremptoirement :
« Une situation qui aurait dû alerter la direction de l’Anses et exclure le chercheur des groupes d’experts du glyphosate. L’affaire démontre les manquements d’un système censé défendre l’intérêt public. »
(Source)
Plusieurs agents de l’ANSES, pas seulement Mme Cécile Michel, sont membres de la SFT... et...
« ...ainsi que des salariés d’Intertek. Cette entreprise est un cabinet de consultants dont le nom est apparu à plusieurs reprises dans les "Monsanto Papers". En 2016, la firme américaine a payé Intertek afin de réunir un panel de scientifiques pour écrire une étude qui a conclu à la non-dangerosité du glyphosate. »
Le sophisme du déshonneur par association se porte haut à Libération.
De l'anonyme « informateur » :
« Même s’il n’y a pas de financement direct entre les industriels et les chercheurs dans ce type de société, ce sont les accointances, la proximité et parfois les amitiés durables qui font que les experts regardent les dossiers d’autorisation avec plus d’indulgence ».
Même les visites à l'ANSES valent à celle-ci la damnation éternelle. Ce paragraphe est une perle :
« La proximité de l’Anses avec les porteurs d’intérêts ou lobbys a déjà été épinglée par son propre comité de déontologie, en mai 2019. En analysant le registre des rendez-vous professionnels des membres de l’agence, le comité a calculé que "les firmes et les représentants du monde agricole représentent environ 80 % des visites. Le nombre de pétitionnaires reçus est à peu près stable sur les deux ans et demi de tenue du registre, de l’ordre d’une quinzaine par an, ce qui peut sembler peu au regard du nombre des dossiers traités par l’Anses sur cette période, et peut s’expliquer par le fait que la majorité des firmes reçues sont de grands groupes industriels qui peuvent porter plusieurs dossiers, ou des organisations qui peuvent représenter d’autres entreprises". Libération a demandé à avoir accès à ce registre public, sans succès pour l’instant. »
Ce comité de déontologie... c'est celui dont des membres ne voyaient aucune objection à violer ses propres statuts pour accueillir la visite du porteur d'intérêts et lobbyistes Fabrice Nicolino... Leur littérature est aussi illustrative d'une tendance paranoïaque : quatre fois le verbe « pouvoir ».
Auriez-vous compris à la lecture du paragraphe précité que le comité de déontologie réprouve les rencontres avec les porteurs d'intérêts ? Vous auriez faux ! Le comité a fait des recommandations pour rendre la situation plus transparente.
Encore un paragraphe de choix :
« L’Anses est sous la tutelle des ministères de l’Agriculture, de la Santé et de la Transition écologique. Mais le premier, directement concerné par le glyphosate, participe à hauteur de 64,5 millions d’euros en 2020 au budget de l’agence, soit plus de 60 % du total. La proximité du ministère avec les syndicats agricoles majoritaires, que sont la FNSEA et les JA, est connue. Preuve en est, la création fin 2019 de la cellule Demeter anti-agribashing, demandée par ces syndicats et mise en place par les ministères de l’Agriculture et l’Intérieur. Or ces syndicats et leurs branches départementales se sont fortement mobilisés en faveur du glyphosate lors de sa réautorisation, comme le montre le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). »
Cela continue par une exploitation du registre de la HATVP s'agissant des activités de relations publiques de Bayer.
En quoi cela-concerne-t-il l'ANSES. Mystère !
En plus, c'est à notre connaissance faux : Déméter, c'est l'affaire du Ministère de l'Intérieur.
En tout cas, cela reflète à merveille l'inquiétant aveuglement militant d'un journal que nous subventionnons en grande partie par nos impôts.
Laissons le mot de la (presque) fin à M. Roger Genet dans Ouest France. Il regrette:
« ...les attaques ad hominem contre des experts, y compris sur leur intégrité et leur déontologie, et qui n’osent pas porter plainte pour diffamation.
[...] Il y a souvent une confusion, plus ou moins sciemment entretenue, entre lien d’intérêt et conflits d’intérêts. Si on cherche un expert qui n’a jamais été en contact avec un industriel, qui n’a jamais participé à un congrès sponsorisé par un industriel, mais on n’aura plus aucun expert, aucun scientifique. On se tire une balle dans le pied [...] »
Cet article de Libé, ce n'est plus de l'information. C'est Gringoire ou Je Suis Partout.
Le directeur de l'#ANSES révèlait qu'il y a de telles menaces qui s'exercent sur les agences sanitaires et les scientifiques dans le dossier du #glyphosate qu'elles sont obligées de mutualiser leur évaluation au niveau d'un consortium de quatre pays européens. pic.twitter.com/IXxUI8ixqp
— Kâplan (@KaplanBen_Fr) July 23, 2020