Une action judiciaire ne parvient pas à stopper les importations de denrées alimentaires du Kenya
Verenardo Meeme*
Image : Jen Watson/Shutterstock.com
Une action judiciaire soutenue par Greenpeace visant à empêcher le gouvernement kényan d'importer du maïs pour pallier les pénuries alimentaires prévues a été rendue sans objet en raison d'une erreur typographique.
Soulevant le spectre de la sécurité alimentaire, l'activiste kényan Okiya Omtatah avait intenté un procès pour faire cesser les importations, obtenant un sursis temporaire de la Haute Cour du pays et les éloges de Greenpeace.
Cette décision a été prise alors que le Kenya se bat pour faire face à d'importantes pertes de récoltes causées par de fortes pluies, des inondations et une invasion de criquets, ainsi qu'à une chaîne alimentaire perturbée par les effets de la nouvelle pandémie de coronavirus.
Dans le même temps, les réserves stratégiques de céréales du pays ont été contaminées par l'aflatoxine, une toxine liée à des moisissures connue pour provoquer le cancer et d'autres problèmes de santé, ce qui a incité le gouvernement à détruire 124.625 sacs de 50 kg de stocks de maïs avarié.
En réponse, le gouvernement kényan a annoncé son intention d'importer 2 millions de sacs de maïs blanc pour la consommation humaine et 2 millions de sacs supplémentaires de maïs jaune pour l'alimentation animale entre fin juin et mi-juillet. Le gouvernement a publié son intention d'importer le maïs non génétiquement modifié ( non GM) du Mexique dans un avis officiel dans la Gazette.
Mais Omtatah a déposé un recours en justice dans lequel il a qualifié les importations de « maïs vénéneux » – une affirmation reprise par au moins un journal kényan et citée par le militant de Greenpeace Africa Amos Wemanya, qui a déclaré que le maïs importé « pourrait présenter des problèmes de sécurité alimentaire ».
Toutefois, le professeur Hamadi Boga, secrétaire principal du Département d'État kényan de l'Agriculture et des Cultures Vivrières au sein du Ministère de l'Agriculture, de l'Élevage, de la Pêche et des Coopératives, a déclaré que le gouvernement avait modifié l'avis publié dans la Gazette et corrigé les normes relatives aux aflatoxines pour le maïs importé, passant de 10 parties par million à 10 parties par milliard. Le Trésor National avait remplacé par erreur le "b" par un "m", a-t-il relevé.
« C'était une faute de frappe, pas une question de politique, et nous les avons depuis avertis. L'avis précédent a été annulé », a précisé M. Boga. « Cela signifie qu'il n'y a plus de cause. Nous sommes confiants que les 4 millions de sacs seront livrés. »
En attendant, selon les petits meuniers, les trois premiers navires transportant 60.000 tonnes de maïs ont déjà quitté le Mexique et accosteront au Kenya à la mi-juin.
Bien que la contestation juridique se soit concentrée sur la sécurité alimentaire, elle a été motivée en partie par les efforts de Greenpeace pour obtenir les faveurs des petits exploitants agricoles, car elle s'est accompagnée d'appels à acheter le grain localement. Greenpeace Africa a fait pression pour l'adoption d'une approche agro-écologique de l'agriculture, qui met l'accent sur l'utilisation zéro des produits chimiques et des plantes génétiquement modifiées. Hellen Dena, responsable de la communication de Greenpeace Africa, a déclaré que le groupe a aidé plus de 600 petits exploitants agricoles à adopter l'agro-écologie dans l'est du Kenya.
Mais cette région a été la plus touchée par l'insécurité alimentaire, comme le montre le bilan alimentaire du ministère de l'agriculture.
Pourtant, Dena estime que le Kenya a suffisamment de nourriture et importe du maïs parce qu'il ne veut pas payer les agriculteurs locaux – un point de vue repris par Wemanya dans un communiqué de presse :
« L'importation à bas prix de maïs subventionné au Kenya réduit le marché du maïs local qui est produit principalement par de petits exploitants agricoles qui nourrissent les Kényans. Cela laisse de nombreux agriculteurs et travailleurs dans les industries liées à l'agriculture sans source de revenus », a-t-il déclaré.
Mais la pénurie alimentaire imminente est bien réelle, selon le gouverneur du comté de Tharaka Nithi, Muthomi Njuki, qui préside le comité de l'agriculture du Conseil des Gouverneurs. Il a souligné l'existence de la nouvelle « salle de guerre » pour la sécurité alimentaire et de la ligne d'assistance téléphonique Covid-19 du gouvernement, une stratégie qui aide les gouvernements des comtés et de la Nation à surveiller, collecter et partager des données en temps réel sur l'accès à l'eau et la disponibilité et l'accessibilité des aliments tout au long de la pandémie.
« Les données générées garantissent que la demande et l'offre alimentaires sont intégrées dans le pays », a déclaré M. Njuki. « Jusqu'à présent, nous pouvons nous assurer que nous avons de la nourriture qui peut durer jusqu'à la fin du mois de juin. Mais à partir de là, nous n'aurons plus assez de nourriture jusqu'à la prochaine récolte. »
Les saisons des pluies longue et courte de 2019 ont permis de produire environ 43,3 millions de sacs de maïs (90 kg), ce qui représente une légère baisse par rapport aux 44,5 millions de sacs produits en 2018, a déclaré le Secrétaire de Cabinet de l'Agriculture Peter Munya.
M. Boga a expliqué que le gouvernement soutient l'agro-écologie pour ceux qui préfèrent cette approche. « Mais nous recommandons l'utilisation de toutes les technologies sûres. Jusqu'à présent, je n'ai rencontré aucun OGM qui ne soit pas sûr. Je suis fermement convaincu que les OGM favoriseraient davantage l'agro-écologie, car les variétés Bt [résistantes à des parasites] font partie de notre agro-écologie », a déclaré M. Boga à l'Alliance pour la Science.
Les experts affirment que le Kenya peut satisfaire sa propre demande de maïs si le pays adopte des semences de qualité supérieure capables de lutter contre les ravageurs et la sécheresse. Mais Greenpeace a lancé une campagne énergique contre l'accès des agriculteurs aux semences améliorées, comme les OGM qui pourraient augmenter les rendements et éventuellement réduire la nécessité de recourir à des importations.
Les petits exploitants agricoles du Kenya sont également aux prises avec des parasites et des maladies des plantes, tels que la légionnaire d'automne, la pyrale et la nécrose mortelle du maïs, ainsi qu'avec la faible fertilité des sols. Il en résulte de manière récurrente des rendements faibles, un problème que l'agro-écologie n'a pas réussi à résoudre.
Le gouvernement, quant à lui, mène sa propre campagne pour soutenir les petits exploitants et éviter la famine. En février dernier, il a lancé la Stratégie de Transformation et de Croissance du Secteur Agricole (ASTGS – Agriculture Sector Transformation and Growth Strategy) 2018-2022, qui devrait permettre d'atteindre une sécurité alimentaire et nutritionnelle de 100 % tout en contribuant à la santé de la Nation, à l'emploi et à la création de richesses, selon le Secrétaire de Cabinet Munya.
Dans cette stratégie, le gouvernement décrit l'utilisation de cultures génétiquement modifiées, l'adoption d'une agriculture répondant aux défis du climat et de conservation et la mise à profit des leçons tirées des stratégies précédentes. « Elle adopte une approche fondée sur les preuves pour la mise en œuvre et l'exécution », a expliqué M. Munya.
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