« Sortie du glyphosate » : la pédagogie Christian Huyghe, de l'INRAE, dans l'Opinion
Glané sur la toile 549
Le 9 juin 2020, l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement (INRAE) a publié un quatrième volet de ses travaux en réponse à un caprice du Président de la République, Emmanuel Macron, « Alternatives au glyphosate en grandes cultures : évaluation économique ».
Les volets précédents sont le scandaleux « Usages et alternatives au glyphosate dans l'agriculture française », de décembre 2017 – scandaleux parce qu'il laissait accroire qu'il existe des alternatives (réalistes) au glyphosate dans une grande majorité des situations alors que son tableau de synthèse, barbouillé de rouge, montre que tel n'est pas le cas –, et les évaluations économiques pour la viticulture (daté de juillet 2019) et l'arboriculture (daté de décembre 2019).
(Source)
On peut prendre connaissance des éléments de ce dernier volet sur le site de l'INRAE par le rapport lui-même, le résumé ou la page Internet dédiée, par les journaux agricoles et, maintenant, par un article de l'Opinion, signé Emmanuelle Ducros et citant abondamment, M. Christian Huyghe, directeur scientifique Agriculture de l'INRAE. « Fin du glyphosate en grandes cultures: l’Inrae démontre des possibilités... et des impasses économiques » annonce clairement la couleur.
L'article est illustré par un tracteur effectuant un travail superficiel du sol, avec cette légende : « Pour 80% des surfaces en grande culture en France, l’Inrae estime que le labour suffit à se débarrasser des plantes indésirables ». Oui, mais... le labour a un coût économique et environnemental désastreux et plus on s'en passe et s'en passera, mieux c'est et ce sera. Oui, mais... il n'y a pas de fixité dans les 80 et 20 % : une parcelle pourra ou non bénéficier d'un désherbage au glyphosate selon les circonstances, notamment en fonction de la flore à détruire ou des conditions climatiques.
M. Christian Huyghe a aussi évoque le fait qu'il peut y avoir « une impasse non agronomique, mais économique ou organisationnelle ». Le labour est chronophage et sa réussite tributaire des conditions météorologiques ; pour certaines exploitations, c'est tout le système de culture qui peut être remis en question.
Il a expliqué la démarche du rapport :
« "Ce travail, réalisé par des économistes et des agronomes, est original, explique Christian Huygue. Il repose sur des méthodes issues du monde médical, celles que l’on utilise en cas de suppression d’un médicament pour réévaluer les parcours de soins." Car l’étude de l’Inrae le dit clairement : il n’y a pas d’alternative chimique au glyphosate. Les deux herbicides homologués, le Dicamba et l’hormone 2.4D ont, selon Christian Huygue, "des profils toxiques et écotoxicologiques défavorables et moins bons que ceux du glyphosate. Nous nous sommes donc concentrés sur le travail du sol comme seule alternative." »
Malgré cela, toujours selon M. Christian Huyghe :
« Pour 18 % des surfaces en France, on peine à évaluer correctement l’impact de l’arrêt du glyphosate en l’état actuel des choses. On n’a pas forcément le détail des successions culturales, qui peut changer la donne [...]. Des rotations de culture simples (colza, blé, orge ou colza, blé, blé) peuvent favoriser l’apparition des plantes indésirables, et rendre l’usage du glyphosate nécessaire. »
On a envie d'ajouter : tout comme la nouvelle marotte « écologique » de laisser pousser et monter à graine certains espaces comme les bas-côtés des routes et chemins (ah, les coquelicots... 50.000 graines par plante...).
Et aussi que c'est par référence au passé, ou à la situation actuelle, que le rapport procède à une évaluation – dont il est admis qu'elle est partielle, l’Inrae préconisant des études plus poussées pour certaines situations. Quelles seront les solutions si, par exemple, une plante comme le chardon ou une vivace bien coriace devient un problème ?
Que vaut alors le chiffrage « en l'état » des effets économiques de 25,63 euros à l’hectare en moyenne (c'est pour les 18.1 % de la surface totale qui sont en techniques culturales simplifiées) ? Intéressant sans plus. Et c'est une moyenne... mettez un pied dans le four et l'autre dans le congélateur et, en moyenne, vous serez dans une position confortable...
Et qu'en est-il des techniques simplifiées, du semis direct, des couverts végétaux – de l'avenir de l'agriculture ?
« Ces techniques culturales, comme l’agriculture de conservation des sols, sont axées sur le non-travail du sol, qui favorise sa vie et sa biodiversité et la captation de carbone… Mais il faut du glyphosate pour détruire le couvert végétal ou les adventices avant de ressemer. "Il y a clairement une impasse, pose Christian Huygue. La seule alternative, c’est le labour occasionnel qui détruit l’intérêt agronomique de la technique culturale, et fait monter les coûts en flèche." La fin du glyphosate, en faisant exploser les usages du carburant, se chiffrerait alors à 80 euros à l’hectare et amputerait l’excédent brut d’exploitation des fermes de 16 %. Si l’on suit la logique du règlement européen, le retrait de la molécule est, dans ce cas, un non-sens. »
Le règlement européen ? Il assujettit le retrait d'une molécule du marché à l'existence d'une alternative d’usage courant sans impact économique majeur. Le bon sens, quoi...
(Source)
Précédemment, l'INRAE avait évalué les impacts économiques en arboriculture à une fourchette de 120 € à 432 euros/hectare, en pointant là aussi des problèmes agronomiques et organisationnels tels que les blessures aux racines par le désherbage mécanique et la gestion du matériel d'irrigation. Dans la France Agricole, un commentateur avait opiné que l'INRAE se trompait peut-être d'un facteur... 10, citant à l'appui de son chiffre la station expérimentale arboricole de La Morinière en Touraine.
Pour la viticulture, les études aboutissaient à un surcoût de moins de 150 euros/hectare à 400 euros/hectare en vignes larges et 450 euros/hectare à 1.200 euros/hectare en vignes étroites.
Tout ça pour un caprice et une manœuvre politicienne... Manu, press delete.