« OGM – Mensonges et Vérités » ? Les mensonges du Monde, les vérités de la Théière Cosmique
La mardi 23 juin 2020, Arte rediffusait en début de soirée « OGM – Mensonges et Vérités », une œuvre audiovisuelle (au sens, neutre, du droit d'auteur) censée être un documentaire réalisé en 2015. Il est visible sur Youtube. Vous pouvez aussi acheter le DVD ou le louer, avec d'autres œuvres magnifiques (ironie...).
Un « documentaire » sur les OGM sur Arte ? L'argumentaire de vente amplifiait le titre :
« La controverse entre pro-OGM (organismes génétiquement modifiés) et anti-OGM rend le débat passionnel et parfois incompréhensible. Ce tour d'horizon mondial démêle le vrai du faux, preuves scientifiques à l'appui. »
Vraiment ? La dérive ne tarde pas. Ainsi, après l'intertitre « Thriller politico-scientifique » :
« Depuis leur introduction, les OGM font aussi l’objet d’une très forte contestation. En Europe notamment, l’opinion publique, dans sa grande majorité, en refuse l’exploitation. Partout dans le monde, des citoyens s’inquiètent des risques qu’ils entraînent, non seulement pour l’environnement mais aussi pour la santé, avec notamment l’utilisation massive de pesticides résultant de l’émergence de "super insectes" et de "super mauvaises herbes" ultrarésistants. Ils dénoncent aussi l’emprise des géants des semences et des pesticides, comme Monsanto, dont l’Afrique est devenue le laboratoire à ciel ouvert. »
L'« l’utilisation massive de pesticides » ? Quand il y a diminution importante de l'utilisation d'insecticides dans un cas et substitution d'herbicides dans l'autre ?
Des « super insectes » ? Où ça ? Ne parlons pas des criquets, un fléau biblique...
Des « super mauvaises herbes » ? À part l'amarante de Palmer aux États-Unis d'Amérique baptisée « superweed » par les contempteurs des OGM et du glyphosate ? Une « superweed » qui n'a pas empêché les agriculteurs états-uniens de poursuivre leurs activités... pour contrôler les « superweeds » censés rendre les terres incultivables, il suffit, pour les agriculteurs qui sont confrontés au problème, d'utiliser un autre herbicide.
Tout ça « ultrarésistants » ?
Et l'Afrique devenue « laboratoire à ciel ouvert » ? Les lecteurs de ce blog sont régulièrement informés des obstacles mis à l'adoption des nouvelles technologies sur ce continent par des activistes qui peuvent parler la bouche pleine et ne craignent pas l'insécurité alimentaire.
Mais les marchands de camelote font dans l'autosatisfaction :
« Pollué par des arguments mensongers, qui ne relèvent de la science qu’en apparence, le débat passionnel entre pro et anti-OGM empêche de démêler le vrai du faux. Tourné dans onze pays et sur quatre continents, ce documentaire s’emploie ainsi avec succès à explorer l’ensemble des enjeux liés aux plantes et animaux transgéniques, tant dans le champ de la santé que dans celui de l’environnement et de la biodiversité. »
Question à Arte : quel lien avec les OGM ? Discréditer les -- nombreuses -- critiques de l'étude sur les rats ? (Source)
Beaucoup de choses ont évolué en cinq ans.
Ainsi, la rhétorique « Séralini » des rats affligés d'énormes tumeurs a été démontée en pratique par de vastes études française et européenne. Du reste, les maïs tolérant le glyphosate continuent d'être cultivés dans le monde.
La bouillie militante sous des airs d'objectivité nous est pourtant resservie...
(Source)
On peut aussi prendre pour étalon d'une prudente circonspection le dithyrambe qu'a publié le Monde le 23 juin 2020, tant sur la toile que sur papier, « "OGM, mensonges et vérités" : les fausses promesses d’une révolution agricole ».
Comment ? Des fausses promesses ? Alors que l'argument de vente d'Arte (de 2016, date de la première diffusion de la chose) constate :
« Depuis vingt ans, les OGM (organismes génétiquement modifiés), en particulier les plantes, ne cessent de s’étendre sur la planète dans le but d’améliorer les rendements de soja, maïs, coton, colza, riz, etc. » ?
Fausses promesses, alors que, selon le chapô de l'article de Mme Martine Valo :
« Frédéric Castaignède signe une remarquable enquête sur ces plantes qui occupent 11 % des surfaces cultivées dans le monde » ?
S'agissant de l'oeuvre audiovisuelle, un commentateur a écrit :
« "Documentaire – pondéré" : quand je vois ce jugement dans les pages Planète du Monde, j'ai comme un doute et la suite de l'article me confirme cela. [...] »
Il est vrai que l'article de Mme Martine Valo se termine, comme l'œuvre, sur de fortes paroles :
« Le mot de la fin revient au biologiste et généticien Pierre-Henri Gouyon. "Avant vous ne pouviez pas consommer une plante qui avait reçu du Roundup puisqu’elle était forcément morte, expose-t-il posément. Maintenant, avec le gène qui lui permet d’y survivre, nous pouvons manger de l’herbicide…" »
Merci, Mme Martine Valo pour avoir retranscrit une telle énormité...
Dites, le Monde, l'attitude de cette femme (ou jeune fille...) aurait-elle été différente si le cotonnier n'était pas GM ?
Un lecteur assidu nous a signalé que ce « "OGM, mensonges et vérités" : les fausses promesses d’une révolution agricole », c'est mot pour mot le « Notre choix du soir "OGM, mensonges et vérités" », de la même auteure et du 11 octobre 2016.
Un commentateur avait pourtant écrit à l'époque :
« "allant même jusqu’à faire condamner un exploitant canadien qui avait semé du colza transgénique accidentellement apporté par le vent sur ces terres" Comment peut-on se faire l'écho de pareilles balivernes!? Il été condamné et débouté de son recours devant la cour supême du Canada, ledit exploitant. Et il n'aurait été que l'auxiliaire négligent d'une saute de vent?! Sur la question, consulter plutôt wikipedia: "Monsanto Canada Inc v Schmeiser", dans la version anglaise de l'encyclopédie. »
Car la version française de Wikipedia...
Mais revenons au Monde : comment peut-il faire, à nouveau, l'apologie d'un « documentaire » – qualifié de « pondéré, pertinent et pédagogue » – quand on lui a signalé une énormité ?
Décidément, l'idéologie et le militantisme ont préséance sur l'objectivité dans certaines divisions du Monde.
Sur le site la Théière Cosmique, M. Matt McOtelett a procédé à une analyse – longue, détaillée, percutante et persuasive – du « machin » sous le titre : « OGM : mensonges et vérités fantasmés »
C'est sous trois intertitres, évidemment après une introduction : « I. Erreurs factuelles » (« Erreurs » est bien charitable...) ; « II. Approche globale du documentaire : structure, choix de réalisation et de montage » et « III. Concepts fondateurs de tout documenteur qui se respecte ».
En conclusion :
« Il est impossible de revenir sur chaque phrase, chaque élément présenté hors de son contexte ou de manière partielle. Ce n’était d’ailleurs pas la visée de ce texte. Néanmoins, il est manifeste qu’à la fois sur le fond et sur la forme, le sujet pourtant riche et passionnant, aux nombreuses nuances, est maltraité et trahi par le documentaire.
On pourrait imaginer qu’après tout ce temps, il soit possible de sortir de la vaine dichotomie autoriser/interdire quand la réalité de la recherche et des possibilités pratiques est si multiple et complexe ; qu’il soit audible de demander une information et des évaluations relatives à chaque application plutôt qu’à un fourre-tout largement caricatural et caricaturé.
Il n’en est rien. Les arguments-phare opposés au génie génétique présentés dans ce documentaire ont une vingtaine d’année, et n’étaient pour la plupart pas plus pertinent à l’époque que maintenant. Il est effarant que ce type de discours soit considéré comme de l’information télévisable.
Nous faisons aujourd’hui face à des enjeux de taille : changement climatique, faim et malnutrition dans le monde mais aussi sauvegarde de l’environnement ou encore développement des régions en marge sont autant de thématiques dont l’ampleur ne permet pas qu’on s’interdise arbitrairement des outils pour les adresser. »