L'inculture sur Arte : la fascination pour le Cuba « bio »
S'il n'y avait que l'inculture... Le 23 juin 2020, Arte a rediffusé un « documentaire » de 2015, « OGM – Mensonges et Vérités »... Comme si la situation n'avait pas évolué depuis lors. Comme si l'infameuse étude sur les rats déformés par des tumeurs énormes qui avait mis le feu aux poudres sur la planète n'avait pas été, en pratique, invalidée par de nouvelles études. Comme si, selon une petite séquence de cette même Arte (qui se termine toutefois par une sorte d'ode au cotonnier « bio ») un quart du coton indien est maintenant issu de semences illégales, Bt et HT. Etc., etc.
Dans sa bande annonce, ce machin qui fait la part belle au discours anxiogène note que l'opinion publique est majoritairement opposée aux OGM en Europe. Grâce à qui, notamment ?
Il y a un autre domaine de prédilection pour la chaîne dite « culturelle » : la fascination pour Cuba. Ah, ces « belles américaines » et ces carrioles tirées par un cheval... Ah, la douceur de vivre (apparente) filmée par des reporters qui ne voient que ce qu'ils veulent voir...
Arte a mis en ligne « Cuba : le secret de l’île bio », un 25 minutes qui se laisse regarder à condition de ne pas succomber à l'enchantement des belles images et des beaux discours.
Selon le texte d'accompagnement,
« Aujourd'hui, plus de 4000 exploitations agricoles urbaines produisent 1,5 millions de tonnes de légumes, sans pesticides ni engrais chimiques. Au début des années 1990, lors l'effondrement de l'Union soviétique, Cuba perd brutalement son principal fournisseur de pesticides. Pour éviter la famine, Cuba n'a d'autre choix que de développer des alternatives naturelles réduisant quasiment à zéro le recours aux produits chimiques.
Résultat : les abeilles sont en pleine forme. Partout dans le monde, les apiculteurs se plaignent de perdre 20 à 30% de leur population d'abeilles chaque hiver. Ce n'est pas le cas à Cuba. L’île produit un miel garanti sans pesticide, qui s'exporte dans le monde entier. Cuba, malgré ses pénuries, fait figure d’exception... Trente ans sans pesticides démontrent, avec éclat, qu’une autre voie est possible. Dans les prochaines décennies, peut-être ne viendra-t-on plus à Cuba pour ses cigares, mais pour son miel… »
Quelle naïveté et quelle inculture, du reste largement répandues et loin d'être circonscrites à Arte ! Si la population fait tout son possible pour produire des fruits et des légumes et quelques autres denrées, le pays importe l'essentiel de ses denrées de base. Voir par exemple « Cuba. Le blé, ciment du régime. Comment la mondialisation agricole permet-elle de nourrir les Cubains à l’heure de l’"ouverture" du castrisme ? », une étude détaillée et passionnante.
On (re)lira aussi avec intérêt « Cuba, le paradis du bio » de M. Ludger Weß :
« Les paradis sont toujours paradisiaques quand on ne doit pas y vivre »...
...et quand on regarde Arte, confortablement assis sur son canapé.
Nous avons aussi trouvé sur le site d'Arte un Invitation au voyage de 13 minutes intitulé « Le miel, la revanche de Cuba ».
Le texte d'accompagnement est relativement sobre :
« Grâce à la douceur de son climat et à la richesse de sa végétation, Cuba a toujours été un royaume pour les abeilles. Les vicissitudes de l’histoire récente, l’embargo américain puis la chute du régime soviétique en font l’un des plus purs du monde. Faute de pesticides, les butineuses ont évolué dans une nature préservée. Ce précieux nectar sucré a façonné l'identité, la culture et la gastronomie cubaine. »
Oubliez le débile : « Après la chute du bloc soviétique qui arrosait l'agriculture cubaine de pesticides et d'herbicides... » de la minute 1:05. Rappelez-vous que dans les climats tropicaux, les abeilles sont actives toute l'année et trouvent en permanence une alimentation variée. Et regardez, car c'est instructif. Vous y trouverez une séquence sur l'abeille mélipone (abeille des Mayas), ainsi que des repères historiques.
Dans la série de blagues que s'autorisent/aient les plus téméraires dans les pays dits « socialistes » (et évidemment « démocratiques ») il y a une cubaine :
« Quelles sont les trois réussites de notre pays ?
– La santé, l'éducation et l'armée.
– Et ses trois échecs ?
– Le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. »