L'aubergine Bt conquiert le marché et l'acceptation des agriculteurs au Bangladesh, selon une étude
Joan Conrow*
Les agriculteurs ont obtenu des rendements et des revenus nettement plus élevés en cultivant des aubergines génétiquement modifiées et résistantes à des insectes (brinjal Bt), qui ont été acceptées par le marché au Bangladesh, selon une nouvelle étude.
Les quatre variétés de brinjal Bt ont eu un rendement moyen de 19,6 % supérieur à celui des variétés non Bt et ont rapporté aux agriculteurs 21,7 % de revenus supplémentaires, selon l'étude publiée le 25 mai dans Frontiers in Bioengineering and Biotechnology. Ce revenu supplémentaire par hectare équivaut à environ 664 dollars US – une somme substantielle pour les agriculteurs pauvres en ressources du Bangladesh.
Fait significatif, 83 % des producteurs de brinjal Bt étaient satisfaits des rendements obtenus et 80 % étaient satisfaits de la qualité des fruits, contre seulement 59 % des producteurs de brinjal non Bt qui étaient satisfaits de leurs rendements.
Quelque 28 % des producteurs non-Bt ont également indiqué qu'une grande partie de leurs fruits étaient infestés par des larves de foreur des fruits et des pousses d'aubergine (eggplant fruit and shoot borer – EFSB). Ce n'était pas un problème pour le brinjal Bt, car il offre une résistance inhérente à cet insecte nuisible grâce au gène cry1Ac qui a été introduit dans quatre variétés locales de brinjal à pollinisation libre [non hybrides].
L'article, fondé sur une enquête menée en 2019 auprès de producteurs de brinjal Bt et non Bt, est le premier à documenter les avantages économiques des quatre variétés d'aubergines Bt existantes à travers la chaîne du marché bangladeshi et leur acceptabilité par les agriculteurs et les consommateurs, a déclaré le professeur Tony Shelton de l'Université Cornell, auteur principal.
Compte tenu des rendements plus élevés, de l'augmentation des revenus et de la bonne qualité des fruits, les trois quarts des producteurs de brinjal Bt ont déclaré qu'ils prévoyaient de cultiver à nouveau ce type de variété la saison prochaine. Le brinjal est le deuxième légume le plus important cultivé au Bangladesh. Il est produit par environ 150.000 agriculteurs pauvres en ressources sur 50.955 hectares, et consommé quotidiennement par la population.
« Nous avons été très intéressés de découvrir que 40 % des agriculteurs qui ne cultivent pas d'aubergine Bt n'en avaient jamais entendu parler », a déclaré M. Shelton. « Mais quand ils en ont entendu parler par les producteurs d'aubergines Bt, 71 % d'entre eux ont dit qu'ils voulaient cultiver des aubergines Bt l'année suivante. »
Le brinjal Bt a été développé par l'Institut de Recherche Agricole du Bangladesh (Bangladesh Agricultural Research Institute – BARI) en collaboration avec Mahyco, l'Université Cornell et l'Agence Américaine pour le Développement International dans un effort pour mettre fin aux pertes causées par les chenilles de l'EFSB et réduire l'utilisation de pesticides. L'EFSB entraîne une perte de rendement de 30 à 60 %, même lorsque des insecticides sont fréquemment pulvérisés sur les cultures. Les agriculteurs appliquent généralement des insecticides plus de 80 fois au cours de la saison de production des brinjals, qui dure de quatre à cinq mois.
Des études antérieures ont confirmé que les quatre variétés de brinjal Bt permettaient un contrôle quasi complet de l'EFSB sans utilisation d'insecticides et généraient des rendements bruts plus élevés que leurs équivalents non Bt. La commercialisation du brinjal Bt a été approuvée en octobre 2013 après sept ans d'essais en serre et en champ confiné au Bangladesh qui ont confirmé l'efficacité et la sécurité environnementale de cette culture améliorée.
Depuis lors, les agriculteurs ont rapidement adopté cette culture, attirés par des revenus nets multipliés par six par rapport aux variétés non Bt et par une réduction de 61 % des dépenses en pesticides, comme le montrent des études antérieures. La nouvelle étude confirme à nouveau que les producteurs de brinjal Bt bénéficient de rendements et de profits plus élevés et d'une utilisation moindre de pesticides.
Cette étude a également porté sur la présence du brinjal Bt sur le marché et a révélé que le brinjal Bt vendu sur les marchés locaux, soit aux grossistes, soit directement aux consommateurs (ventes au détail), avait un prix plus élevé que le brinjal non Bt. Certains acheteurs étaient prêts à payer un prix plus élevé pour le brinjal Bt parce que le fruit était moins endommagé que le brinjal non Bt. Cependant, certains acheteurs préféraient leurs variétés locales traditionnelles, qui ne sont pas Bt et nécessitent des pratiques intensives de gestion des insecticides pour lutter contre l'EFSB.
L'étude a également révélé qu'il fallait 14 % de main-d'œuvre supplémentaire – exprimée en journées de huit heures – pour récolter, calibrer et emballer la récolte de brinjal Bt. Cela est dû à des rendements plus élevés, mais ce coût serait récupéré lorsque le produit est vendu sur le marché. En revanche, les producteurs de brinjal non Bt supportent des coûts de main d'œuvre plus élevés pour les applications d'insecticides, ainsi que le coût des insecticides.
Deux leçons importantes ont été tirées de cette étude, selon M. Shelton. « Tout d'abord, le brinjal Bt est accepté sur le marché, mais il faut développer davantage de variétés Bt adaptées aux préférences locales. Deuxièmement, les agriculteurs non-Bt sont prêts à adopter cette technologie, surtout après avoir entendu parler de ses avantages par les producteurs de brinjal Bt. Les agriculteurs sont les meilleurs défenseurs de cette technologie, qui réduit leurs coûts de production tout en diminuant les risques pour l'environnement et les consommateurs. »
L'enquête a été menée dans les cinq plus importants districts producteurs de brinjal du Bangladesh – Rangpur, Bogra, Rajshahi, Jessore et Tangail – par le biais d'entretiens en face à face avec 195 agriculteurs Bt et 196 agriculteurs non Bt. Les agriculteurs ont fait leur propre choix de culture.
Parmi les autres auteurs figurent Sayed H. Sarwer et Md J. Hossain du partenariat Feed the Future South Asia Eggplant Improvement Partnership de l'Université Cornell, Graham Brooks de PG Economics, Stafford House, Royaume-Uni, et Vijay Paranjape de Sathguru Management Consultants Pvt. Ltd. , Hyderabad, Inde.
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