Génie génétique vert : le vent tournera-t-il chez les Verts allemands ?
22 personnalités disent : « À temps nouveau, réponses nouvelles »
« À la base, il y a l'évaluation des nouvelles technologies en ce qui concerne leurs applications respectives au profit des hommes, des animaux et de l'environnement" Avec @ViolonofCramon @KaiGehring @TheDanyal @fefeebanks @TheresiaBauer @cyber_oeko entre autres, de nouvelles réponses à #newGentechnik #new times
À temps nouveaux, nouvelles réponses : réglementer le droit du génie génétique de manière moderne
Les auteurs veulent une évaluation du nouveau génie génétique qu'ils présentent dans six thèses.
(Source)
Voici ce que nous écrivions le 31 mai 2019 dans « Les Verts s'interrogent sur leur dogme anti-OGM... oups... en Allemagne » :
« Le Tagesspiegel du 14 mai 2019 nous a proposé un article – long et détaillé – sur les prémisses d'un changement de philosophie des Verts allemands, en particulier des jeunes (pour les anciens, c'est plus difficile). "Die Grünen hinterfragen ihr Anti-Gentechnik-Dogma" (les Verts s'interrogent sur leur dogme anti-OGM) est précédé par une citation : "Es geht um Wahrheit und Fakten" (il y va de la vérité et des faits).
La petite graine a germé (à nouveau). Vingt-deux membres du parti des Verts allemands ont signé le 10 juin une contribution au débat , « Neue Zeiten, neue Antworten: Gentechnikrecht zeitgemäß regulieren » (temps nouveaux, nouvelles réponses : réglementer le droit du génie génétique de manière moderne).
Vingt-deux membres, et pas des moindres... Les trois premières signataires, Mmes Anna Christmann, Viola von Cramon et Theresia Bauer sont respectivement députée au Bundestag, députée au Parlement Européen et Ministre de la Science, de la Recherche et de la Culture du Land de Bade-Wurtemberg.
Nous reproduisons ci-dessous la contribution au débat (traduction « empruntée » à l'Association Française des Biologies Végétales (AFBV).
Cela a – évidemment – fortement irrité les dinosaures. Mais ce sera pour un autre billet.
« À temps nouveaux, nouvelles réponses : réglementer le droit du génie génétique de manière moderne
10 juin 2020, par Anna Christmann, Viola von Cramon, Theresia Bauer, Kai Gehring, Katharina Fegebank, Danyal Bayaz, Hans-Josef Fell, Johannes Kode, Alexander Link, Johannes Kopton, René Gögge, Almut Mackensen, Arven Herr, Johannes Geibel, Carsten von Wissel, Sebastian Lakner, Tom Beyer, Luisa Schwab, Hauke Köhn, Dorothea Kaufmann, Lukas Weber, Simon Heinze.
Les auteurs de cette contribution souhaitent une évaluation du nouveau génie génétique qu'ils présentent dans six thèses.
En 2020, nous adopterons un nouveau programme de politique verte. Nous l’associerons à l'exigence de vérifier nos positions en fonction de leurs capacités futures et de formuler de nouvelles réponses pour l’avenir. Les critères des nouvelles réponses sont basés sur les opportunités de conserver une planète saine et donc d’assurer le bien-être des personnes et de l'environnement. Nous nous appliquerons aussi ce critère lorsque nous utilisons la biotechnologie, et en particulier, le génie génétique. Notre devoir en tant que parti écologique et social est d'évaluer les applications des biotechnologies en les différenciant selon leurs risques possibles et leur potentiel afin d’atteindre une société durable et juste, à la fois localement et globalement. Dans ce cadre nous considérons nécessaire une évaluation du nouveau génie génétique, que nous exposons dans les six thèses suivantes :
1. Les défis politiques de l'agriculture, qu'ils soient locaux, nationaux ou mondiaux, ne peuvent pas être résolus par une seule technologie, mais pas non plus sans progrès technologique vers plus de durabilité et d’adaptation au changement climatique. Il en va de même pour le système de santé : une technologie thérapeutique ne peut aider que si elle est intégrée dans un système de santé fonctionnel.
L'agriculture biologique, la modification des méthodes de culture, les rotations des cultures ainsi que la redécouverte des anciennes variétés ont encore beaucoup de potentiel inexploité pour une agriculture durable. Ce sont déjà en partie des solutions disponibles. Néanmoins, les conséquences graves et de plus en plus rapides du changement climatique nécessiteront aussi des mesures d'adaptation toujours plus rapides pour l’agriculture. Il est fort probable que des changements dans le choix des cultures et la sélection des semences ne suffiront pas. Le rythme actuel de l'innovation est trop lent pour sauver le climat et l'environnement.
Nous devons donc compter sur des solutions différenciées qui intègrent de nouvelles technologies prometteuses ainsi que des innovations sociales, scientifiques et économiques, politiques et sociétales. Elles font partie de la voie menant vers une agriculture et un mode de vie durables en lien avec la question alimentaire mondiale et une politique climatique visant à la conservation des terres et de la biodiversité.
Il en va de même pour la santé. La pandémie du coronavirus montre le rythme auquel nous pouvons faire face à de nouveaux défis et à quel point l'innovation rapide est cruciale pour les nouvelles méthodes de diagnostique et thérapeutiques. En médecine thérapeutique, nous n'évaluons pas les technologies individuelles, mais nous nous appuyons plutôt sur les progrès médicaux qui assurent la santé mondiale et permettent aux gens de prendre leurs propres décisions sur leur corps et leur vie.
2. Le nouveau génie génétique dans l'agriculture ne signifie pas en soi moins ou plus de durabilité, mais peut potentiellement être utilisé dans les deux cas.
Les technologies sont un instrument, tout dépend des finalités. Nous, les Verts, déclarons à juste titre depuis des décennies que les grandes entreprises, en particulier, cultivent spécifiquement des plantes tolérantes aux herbicides afin de maximiser leurs profits. Il ne fait aucun doute que l'utilisation à grande échelle d'herbicides en Allemagne, même sans la culture de plantes génétiquement modifiées, interdite en Allemagne, a un impact massif sur les écosystèmes. Quelle que soit la méthode utilisée, ce type de sélection va à l’encontre de nos objectifs d'agriculture innovante et durable.
Pour nous, l'agriculture durable comprend les éléments suivants : nous voulons éviter l’utilisation de poison dans nos champs, réduire l'utilisation intensive d'engrais et donc l'apport de nitrate dans le sol et l'eau. Nous surveillons l'évolution des conditions climatiques et souhaitons maintenir et renforcer la biodiversité. C'est là notre critère. Nous voyons les organismes dans leur contexte.
La sélection de variétés végétales nouvelles ou déjà développées a toujours joué un rôle décisif dans la réalisation de ces objectifs. Des plantes résistantes aux maladies fongiques peuvent réduire la consommation de fongicides. Des plantes à haut rendement peuvent conserver les sols et réduire les monocultures. Si ces objectifs peuvent être atteints plus facilement et plus rapidement grâce à de nouvelles méthodes et techniques telles que CRISPR / Cas9, c’est une grande opportunité pour développer une agriculture durable. Le nombre d'exemples de réussite en génie génétique a considérablement augmenté ces dernières années. [1]
De nombreux chercheurs – en particulier dans nos instituts de recherche publics – partagent nos objectifs d'agriculture durable et mondialement responsable. Vous comptez sur nous les VERTS sur ce sujet et avez donc besoin de règles adaptées pour faire avancer les innovations dans le domaine de la sélection végétale. Nous avons maintenant besoin d'innover à pas de géant pour sauver la planète. Les innovations permettant des bons en avant demandent également une position claire sur l'ouverture technologique. Avec les technologies actuelles, nous avancerons trop lentement.
3. La réglementation actuelle des organismes génétiquement modifiés (OGM) favorise les structures de monopole dans l'agriculture. Nous avons besoin de nouvelles règles pour des marchés équitables accessibles à tous.
La concentration économique croissante consolide le système agro-industriel et freine un changement urgent et nécessaire de l’agriculture. Ce changement n’est pas contre le génie génétique mais pour une adaptation des condition actuelles du cadre réglementaire. La situation juridique actuelle dans le domaine de la biotechnologie et de la protection des brevets renforce les grands groupes industriels. Les procédures d'admission coûtent beaucoup d'argent ; elles sont également extrêmement complexes et longues et ne peuvent actuellement être effectuées que par quelques grandes entreprises. Cela crée de fortes barrières à l'entrée du marché.
Par conséquent, le cadre juridique actuel des OGM contribue à une concentration des acteurs du marché. Par exemple, les institutions publiques de recherche en Europe ne peuvent pas de facto rechercher et développer de nouvelles variétés. Entre autres, parce que les essais en plein champ obligatoires dans le processus de recherche ne peuvent pas se dérouler actuellement en Allemagne. Ces conditions juridiques ont pour conséquences notamment que les nouveaux processus de génie génétique sont surtout utilisés par les grandes entreprises dans le but d’augmenter leurs profits, mais presque pas par les institutions publiques de recherche pour le développement du bien commun en agriculture. Avec un nouveau cadre juridique, nous voulons également offrir une opportunité de développement aux institutions publiques de recherche et aux petites et moyennes entreprises.
4. Le génie génétique rouge (appliqué en santé humaine), universellement accepté, montre déjà aujourd'hui que le fait de ne pas l'utiliser ne nous dégage pas de notre responsabilité envers le présent et l'avenir.
Il n'y a pas de bon ou de mauvais génie génétique. En tant que société, nous devons discuter et définir les domaines d'application en fonction des risques et des opportunités. Le génie génétique rouge concerne le décodage et / ou la modification du matériel génétique en médecine et en recherche biomédicale, par exemple dans le but de guérir des personnes à l'aide de la thérapie génique ou des ciseaux génétiques. En Allemagne, environ 280 médicaments avec 232 principes actifs génétiquement modifiés sont actuellement approuvés [2]. Cela montre que le génie génétique rouge est déjà largement utilisé. Les applications vont exploser dans un avenir prévisible en raison des nouveaux processus de génie génétique. Le développement d'un vaccin contre le nouveau coronavirus à l'aide du génie génétique montre à quel point les technologies innovantes sont pertinentes pour la santé des habitants de la planète.
Comme pour le génie génétique vert, il est également clair pour nous que dans le génie génétique rouge les limites d'application sont fixées par nos valeurs de base. Comme pour le génie génétique vert, qui doit être évalué à l'aide de critères de durabilité, l'utilisation du génie génétique rouge ne doit pas entrer en conflit avec nos valeurs de dignité humaine, de liberté et de responsabilité envers les générations futures. Nous voulons que les gens puissent prendre des décisions autodéterminées sur leur corps et leur vie. Nos valeurs fondamentales sont notre référence lorsqu'il s'agit d'approuver de nouvelles technologies ou de ne pas les utiliser. Il ne s'agit donc pas d'une interdiction de principe, mais d'une application ou d'une non-utilisation fondées sur un large débat social.
En mai 2019, le Conseil allemand d'éthique a pris position sur l’utilisation d’outils biologiques moléculaires concernant la modification ciblée du génome d’organismes vivants, en particulier les interventions dans la lignée germinale, et a appelé à un moratoire d'application [3]. Une déclaration conjointe des conseils d'éthique allemand, français et britannique l'ont également confirmé [4]. Sur la base de ces positions différenciées, la politique peut offrir aux chercheurs un cadre éthique défini socialement.
Sur la base d'un large débat social, il est important de peser les opportunités et les risques de manière différenciée et de réglementer la recherche et l'application des options de thérapie génétique sur les cellules du corps et dans la lignée germinale de manière transparente et sans ambiguïté. Nous voulons appliquer le principe de la prise en compte de la maladie et du risque de traitement dans chaque évaluation des risques aux méthodes de thérapie par génie génétique des cellules du corps. [5]
5. Une application incohérente affaiblit le principe de précaution – nous devons donner une réponse factuelle lorsqu'une technologie a été suffisamment étudiée pour être considérée comme sûre.
L'Europe prend des précautions et procède à une évaluation approfondie des risques avant que les nouvelles technologies ne soient largement utilisées. Cela doit rester ainsi. En tant que Verts, nous avons apporté une contribution significative au développement de l'évaluation technologique et voulons l'améliorer davantage. Cependant, le principe de précaution est menacé à long terme si – selon le sujet – il est appliqué différemment. Il nous faut donc apporter une réponse afin que des critères vérifiables répondent au principe de précaution. Il faut, pour renforcer le principe de précaution, avoir une compréhension claire des preuves de risques généralement reconnues. Ces schémas d'évaluation doivent ensuite être appliqués de manière aussi transparente dans tous les domaines.
Entre 1985 et 2010, 130 projets de recherche ont été menés dans la seule UE pour évaluer les risques du (vieux) génie génétique dans l'agriculture. [6] Ils sont parvenus à la conclusion que "la biotechnologie, et les OGM en particulier, ne sont pas en soi plus risqués que les technologies conventionnelles de sélection végétale". [7] Si nous doutons de telles déclarations scientifiques, des considérations abstraites ne suffisent pas.
La mutagenèse non dirigée a également été classée comme génie génétique par la Cour de justice des Communautés européennes et a été classée comme "sûre" grâce à des années d'expérience avec elle. Elle est exemptée de la réglementation OGM. La raison pour laquelle cela ne devrait pas s'appliquer à la mutagenèse ciblée, telle que CRISPR, reste ouverte. Le rythme possible de l'innovation et son efficacité ne sont, pour nous, pas un argument suffisant contre le génie génétique, mais au contraire en sa faveur, à condition qu'il soit utilisé au profit de l'environnement.
6. La réglementation actuelle des OGM ne correspond plus à l'état actuel de la science. Le facteur décisif n'est pas la technologie, mais le résultat.
La plupart des scientifiques ne voient aucune différence en ce qui concerne les risques qu'un organisme ait été génétiquement modifié par radioactivité, des produits chimiques ou la méthode CRISPR / Cas9 empruntée de la nature. Les facteurs décisifs sont plutôt les propriétés de l'organisme et leurs conséquences pour l'homme et l'environnement.
Si, en tant que Verts, nous évaluons les risques scientifiques du nouveau génie génétique à l’inverse de la grande majorité des scientifiques et après de nombreuses études sur l'évaluation de la la seule technologie (c'est-à-dire sur la base du procédé), nous avons besoin d'arguments scientifiquement compréhensibles. Il ne suffit pas de décrire une technologie comme étant "plus naturelle" ou "plus sûre" si cela ne peut être prouvé par des faits concrets. Le génie génétique a fondamentalement changé au cours des dix dernières années (ce qui, par exemple, conduit à une absence de méthodes de détection). Les risques ne se situent plus au niveau des technologies mais de leurs applications. En agriculture, la biodiversité peut être endommagée autant par les produits issus de l’agriculture biologiques que par le génie génétique.
Nous voulons réviser fondamentalement nos anciennes demandes de rétroactivité et de liberté de choix afin qu'elles continuent à avoir un sens. Nous avons besoin d'un réalignement de la réglementation ouverte sur toutes les technologies ciblant les risques concrets qui menacent déjà fortement notre planète aujourd'hui. Qu'il s'agisse de génie génétique ou d'agriculture biologique : dans les deux cas, nous devons nous concentrer sur les interventions dans l'écosystème en utilisant la réglementation. En fin de compte, il devrait y avoir une procédure d'agrément révisée pour le génie génétique végétal vert, à la hauteur de son nom. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Regardons l'avenir : nous ne pouvons plus ignorer la nécessité d'agir, mais nous devons également appliquer notre force pour une évaluation technologique équilibrée et prudente en dialogue avec la science pour un nouveau génie génétique dans l'agriculture.
La liberté pour les OGM n'est pas une valeur en soi. Nous avons besoin d'une liste actualisée de questions clés pour évaluer les opportunités et les risques des nouvelles technologies. Nous en avons déjà mentionné certaines : quelles conséquences sanitaires, sociales ou écologiques (opportunités et risques) sont scientifiquement reconnues ? Quels marchés émergent de ces nouvelles technologies et avec quelles conséquences ? Quelle est leur accessibilité (globale) et quelles sont les conséquences pour les agriculteurs ?
Une technologie est un moyen et sa réglementation dépend des finalités recherchées. De nombreux scientifiques ont fait des propositions réglementaires [8]. Dans l'étape suivante, nous souhaitons les vérifier en fonction de nos critères. Si les scientifiques de toute l'Europe plaident pour une révision de la situation juridique actuelle [9] parce qu'elle ne correspond plus à l'état actuel de l'évaluation des conséquences technologiques et que des opportunités ne peuvent être utilisées, nous devons prendre cela au sérieux et rechercher d'urgence un dialogue avec les scientifiques, en particulier avec ceux qui partagent nos objectifs écologiques et durables.
Mais si nous ne contribuons pas de manière constructive au discours sur une nouvelle approche du génie génétique, l'avenir sera discuté sans nous, en Europe et au-delà. L'Europe est déjà loin derrière les Etats Unis et la Chine pour la recherche dans certains domaines. L’Allemagne et l’Europe ne sont pas une île, mais nous devons aussi étayer notre volonté de changement en présentant des propositions reposant sur des basas solides. Pour nous, cela commence d’abord, par l'évaluation des nouvelles technologies du point de vue de leurs applications respectives au profit des hommes, des animaux et de l'environnement.
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[1] Voir, entre autres, Modrzejewski et al. Environ Evid (2019) 8:27 – https://doi.org/10.1186/s13750... – ou https://progressive-agrarwende...
[2] Version : 28 janvier 2020, source: https://www.vfa.de/de/arzneimi...
[3] https://www.ethikrat.org/filea...
[4] https ://www.ethikrat.org/mitte...
[5] https ://www.forschung-und-lehr...
[6] voir la déclaration conjointe de Leopoldina, DFG et Union of German-German Academies of Science du 4 décembre 2019
[7] Union européenne (2010): une décennie de recherche sur les OGM financée par l'UE. Office des publications de l'Union européenne, Luxembourg.
[8] voir à nouveau l'avis de Leopoldina, DFG et Union des académies allemandes des sciences du 4 décembre 2019 et l'avis du Conseil allemand d'éthique : https://www.ethikrat.org/filea...