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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Analyse : le Covid-19 est-il une bénédiction ou une malédiction pour l'Afrique ?

18 Juin 2020 , Rédigé par Seppi Publié dans #Covid-19, #Afrique

Analyse : le Covid-19 est-il une bénédiction ou une malédiction pour l'Afrique ?

 

Slyvia Tetteh*

 

 

 

 

La pandémie de coronavirus (Covid-19) n'a épargné aucun coin du monde. Depuis que le premier cas de la maladie a été signalé en Chine en décembre 2019, plus de 6 millions d'infections ont été enregistrées dans environ 188 pays et territoires, avec environ 371.000 décès. Elle a mis en évidence un certain nombre de crises qui avaient été bien visibles auparavant mais ignorées par l'humanité, notamment des problèmes tels que des infrastructures médicales inadéquates, une répartition inégale des revenus et des richesses, des chaînes d'approvisionnement fragiles et les inégalités femmes-hommes.

 

Le Covid-19 nous a véritablement rappelé à tous qu'aucun homme n'est une île. Personne n'est non plus vraiment autosuffisant ; chacun compte sur la compagnie, les contributions et le soutien des autres pour s'épanouir, et nous devons donc être les gardiens les uns des autres. Ce virus ne fait pas tout simplement des victimes, mais a encore creusé le fossé qui existe entre les nations, rendant les communautés pauvres plus vulnérables. Ces communautés vulnérables sont coincées dans une pauvreté abjecte, ce qui leur rend difficile de nourrir leurs familles. Selon les Nations Unies, environ 815 millions de personnes se couchent chaque soir le ventre vide. L'Afrique subsaharienne enregistre toujours la plus forte prévalence de personnes sous-alimentées et on estime que près d'une personne sur quatre y souffre de la faim.

 

Le Covid-19 a permis de recentrer nos esprits sur ce qui est vraiment important pour la survie de l'humanité : l'habillement, le logement, la santé, l'alimentation et la nécessité d'assurer l'égalité. Tout comme la pandémie de grippe espagnole de 1918, qui a fait environ 50 millions de victimes, a conduit à la création d'un environnement favorable une modification globale des législations sur l'égalité des droits pour aider les femmes à assumer des rôles auparavant réservés aux hommes, un siècle plus tard, cette pandémie nous donne l'occasion de rectifier l'inégalité des sexes. Par exemple, je pense qu'en garantissant des mesures d'égalité pour les femmes dans le secteur agricole africain, nous aurons non seulement donné du pouvoir à la main-d'œuvre et créé un système économique viable, mais aussi renforcé le système alimentaire pour fournir une nutrition saine afin de stimuler l'immunité nécessaire pour combattre le coronavirus. Le gain systémique de ce processus rendra certainement notre chaîne d'approvisionnement plus robuste, même après le Covid-19. Pour étayer ce point, examinons plus en détail le scénario africain.

 

En Afrique, environ 60 à 80 % des femmes sont impliquées dans l'agriculture au niveau primaire. La majorité des agricultrices sont considérées comme très vulnérables car elles continuent à vivre dans une extrême pauvreté et ne peuvent pas se permettre trois repas adéquats par jour. Selon la Banque Mondiale, quelque 70 % des aliments consommés sur le continent africain sont produits par des agricultrices. Les agricultrices ont tendance à être les premiers soutiens de leur famille. Il est donc d'autant plus important de leur donner les moyens, grâce aux nouvelles technologies, d'augmenter la production afin de contribuer à l'éradication de la faim sur le continent africain et d'en faire le panier alimentaire du monde.

 

L'accès aux technologies émergentes, telles que la biotechnologie, leur assure des rendements croissants et des revenus plus élevés. Grâce à l'augmentation de leurs revenus, les femmes peuvent se permettre de posséder des terres agricoles et d'acquérir des machines ou des outils pour augmenter la production. En équipant les femmes, on leur donne plus de possibilités de prendre des décisions qui les concernent, mais aussi de stimuler l'économie africaine. Je pense que cela contribuera à combler le fossé des inégalités et à épargner aux pays développés la charge d'envoyer de l'aide à l'Afrique, car cela permettra de mettre le continent sur un pied d'égalité avec l'Occident en termes de développement socio-économique.

 

C'est d'autant plus important que l'Afrique fait des progrès importants pour autoriser l'utilisation de variétés génétiquement modifiées (GM) par les agriculteurs, même si je dois admettre que le continent doit encore accélérer le processus de mise sur le marché de ces innovations pour résoudre sa crise de la faim.

 

Il est donc impératif de saisir l'occasion de la pandémie de Covid-19 pour modifier les systèmes fragiles de manière à ouvrir la voie non seulement à l'adoption de technologies émergentes et à l'autonomisation des femmes, mais aussi au renforcement des chaînes d'approvisionnement et des systèmes de santé en difficulté, au remaniement des dynamiques d'inégalité et à la prise en charge des plus vulnérables. Toutes ces mesures permettront à notre monde de mieux fonctionner.

 

Alors, le Covid-19 est-il une bénédiction ou une malédiction pour le continent africain et, plus encore, pour le reste du monde ? Ma réponse est simple   c'est une question de perspective. Malgré la douleur que la pandémie a causée, nous pouvons encore faire de la limonade avec les citrons distribués en ces temps précaires. Faisons en sorte que cela compte.

 

____________

 

Slyvia Tetteh est une Global Leadership Fellow de l'Alliance pour la Science 2019, défenseur de l'agriculture au Ghana et co-fondatrice de Women Who Farm-Africa.

 

Source : https://allianceforscience.cornell.edu/blog/2020/06/analysis-is-covid-19-a-blessing-or-a-curse-to-africa/

 

 

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