Le Covid-19 et les industries agroalimentaires dans l'Opinion
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Source: Pixabay
Lundi, 11 mai 2020 : l'Opinion publie deux articles, « Agroalimentaire: le secteur résiste au prix de blessures profondes » de Mme Emmanuelle Ducros et un entretien, « Richard Girardot (Ania): "Il faut avoir le courage de dire que la déflation sur les produits alimentaires, c’est fini" ».
L'agroalimentaire n'est évidemment pas le seul secteur à avoir subi – et à subir encore ces prochains temps – des blessures profondes. Mais le premier article est salutaire – tout comme le deuxième du reste :
« Il est des images trompeuses : celles des caddies des Français confinés remplis de coquillettes, de farine et d’œufs laissent croire que l’agroalimentaire français a prospéré pendant le confinement. La réalité est beaucoup plus contrastée. »
La réalité est une situation préoccupante avec, selon un sondage réalisé par l'Association Nationale des Industries Agroalimentaires (ANIA), une baisse globale des chiffres d’affaires de 22 % et une forte augmentation des coûts. Rapporté à l'échelle nationale, à 17.000 entreprises, cela fait un manque à gagner de 10 milliards d'euros.
« Les PME sont les plus touchées : 80 % d’entre elles accusent une baisse de leurs revenus, quand les grands noms ont résisté. Les ventes ont baissé pour 40 % de ces derniers, ont été stables pour environ un tiers et en hausse pour 30 %. Une prime aux produits de masse qu’il faut relativiser : les Français ont constitué des stocks de certains produits, et n’en achètent plus ensuite pendant quelque temps. »
Les plus sinistrées sont les entreprises tournées vers la restauration hors-domicile et l'export.
C'est à placer dans un contexte plus large :
« "Nous nourrissons des inquiétudes pour les prochains mois, car l’étape suivante, ce sont des défaillances. Notamment pour les TPE et les PME", se désole Stéphane Dahmani [économiste de l’ANIA]. "Il ne faut pas oublier qu’elles sont des éléments de vitalité importants pour les territoires, partout en France." »
Ce sont en effet des milliers d’emplois directs et indirects qui sont en jeu, parfois l'ossature sociale d'un territoire.
Peut-on adhérer aux propos de M. Richard Girardot, président de l’ANIA ? Il en est deux qui nous intéressent plus particulièrement.
Voici, remis dans son contexte, celui qui a servi de titre à l'article :
« Je comprends bien que le gouvernement soit préoccupé par la crise sociale qui ne va pas manquer de suivre la crise sanitaire et donc, par l’inflation des prix de vente des denrées alimentaires. Cependant, je mets en garde : si l’on veut affirmer et défendre la souveraineté alimentaire française, thème qui a émergé dans la crise, il faut avoir le courage de dire que la déflation sur les produits alimentaires, c’est fini. »
C'est un courage que l'on aurait dû prendre il y a bien longtemps et qui porte sur l'ensemble de la chaîne alimentaire et de valeur, de la fourche à la fourchette. Assurer un pouvoir d'achat par des prix bas ou créer du pouvoir d'achat par une activité économique dynamique, telle est la question.
M. Richard Girardot a aussi été interrogé sur « les sujets de fond qui agitaient le secteur » :
« Le débat sur la composition des produits a été mis en sommeil, mais les nouvelles attentes du consommateur en matière de choix de produits, de circuits d’achats, nous obligent. Les exigences de traçabilité et de transparence sont toujours là. L’industrie française doit avoir les moyens d’investir pour répondre à ces attentes fondamentales de la société. »
Et si l'on exploitait cette crise majeure pour un examen lucide des « attentes fondamentales de la société » ? Certaines sont très artificielles. La traçabilité, au-delà d'un minimum raisonnable, est-elle réellement une attente des consommateurs (de la très grande majorité) ou une béquille assurant le maintien d'acteurs économiques comme les associations de consommateurs ou les vendeurs d'applications électroniques de traçage... voire un argument de vente d'acteurs de la filière agroalimentaire désireux de capter des parts de marché au détriment de leurs concurrents ?
Il faut avoir le courage de dire que la filière agroalimentaire doit avoir les moyens d'investir pour répondre à une attente fondamentale de la société : celle de se nourrir et de disposer d'une alimentation abondante, saine, de qualité, au juste prix. Ajoutons : issue autant que possible du tissu économique français, et d'un tissu résilient.