« L’agriculture livrée à l’opportunisme des lobbies environnementalistes » – une tribune de Jean-Paul Pelras dans l'Opinion
Glané sur la toile 541
Il a encore tonné, Jean-Paul Pelras... et ça fait du bien ! « L’agriculture livrée à l’opportunisme des lobbies environnementalistes », une tribune dans l'Opinion, est chapeauté : « Le paysan est devenu le subalterne d’une société guidée non plus par ses besoins, mais par ses caprices ».
Ben oui ! C'est comme dans une pyramide de Maslow : les besoins étant satisfaits – et ayant oublié comment se fait ce précieux privilège – les consommateurs (enfin, les aisés et les bruyants nantis) peuvent exiger la réalisation de leurs caprices.
Cette tribune est une des – plutôt nombreuses* – réponses à l'indigente tribune d'un « collectif de personnalités, dont Madonna, Cate Blanchett, Philippe Descola, Albert Fert, […] un appel, initié par Juliette Binoche et Aurélien Barrau » publiée par le Monde le 6 mai 2020 (date sur la toile). Lisez le titre au premier degré : « Non à un retour à la normale » !
Mais là, à part souligner la vacuité du fond et le besoin impérieux d'exister des signataires, le sujet est mince. Il a été expédié en deux paragraphes, dont :
« Privés de festivals, les artistes cosignent des tribunes. Privés de strapontin politiques, les écologistes cherchent à capter le prisme des caméras. Privés de débat public, les politiciens du moment se transforment en prescripteurs d’opinion. Et voilà que chacun, dans ce boustrophédon médiatique, devient intercesseur d’une cause si possible écologique. Puisque c’est sur ce terrain-là qu’il faut se transporter, si l’on veut, contexte anxiogène oblige, consolider son fonds de commerce. »
D'une tribune, M. Jean-Paul Pelras fait deux coups. L'autre cible est une tribune (encore une...) publiée dans Libération le 12 mai 2020, au titre grandiloquent mais explicite : « La souveraineté alimentaire sera paysanne ou ne sera pas ». Lorsque vous saurez que parmi les signataire on trouve M. Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération Paysanne, vous aurez compris de quoi il en retourne.
Au-delà des quolibets sur une vision de l'avenir qui se sert d'un rétroviseur, la réponse fuse :
« Le monde agricole, pour garantir à l’aune des années 2050 une alimentation suffisante à neuf milliards d’individus, devra compter sur des modèles de production autrement plus performants que l’agriculture bio et la permaculture. Elle ne pourra pas se contenter de circuits courts pour livrer intra-muros des villes de plusieurs millions d’habitants où la moindre épidémie, où le moindre mouvement social, où le moindre blocus routier suscitera des émeutes que seule la garantie d’un approvisionnement conséquent et sécurisé pourra juguler. »
M. Jean-Paul Pelras passe ensuite à un autre sujet crucial :
« le Grand débat agricole ImPACtons [qui] sera à nouveau d’actualité, conduit davantage par des experts en urbanisme qu’en ruralité… Avec en parallèle, une appropriation du métier distillée par certains courants de pensée qui est en train de faire son chemin dans l’esprit de nos concitoyens. »
Si « certains courants de pensée » peuvent instiller leurs conceptions dans l'opinion publique, c'est aussi le résultat d'une insuffisance de la communication de cette agriculture qui nous nourrit. Moyennant quoi la « propension qui tend à usurper le savoir-faire en usant du "faire savoir" [et qui] relève de l’indécence » peut s'éclater...
« Penser que les agriculteurs peuvent négocier avec leurs détracteurs, aussi célèbres, vertueux, désignés ou cultivés soient-ils, relève de l’inconscience. »
Ne pas apporter de réponse forte et cohérente à la nébuleuse d'usurpateurs et ne pas faire l'effort adéquat pour faire comprendre les véritables enjeux de l'agriculture – de l'approvisionnement alimentaire – relève aussi de l'inconscience. Vis-à-vis tant des agriculteurs que de la citoyenneté en général.
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* On se pourra aussi se délecter de la lecture de « Binoche, Hulot, Lindon...: dix principes contre la montée du peopolisme, cette radicalité-caviar ».